Portrait : Marie Houdin
Arts de la scène
La chorégraphe et danseuse française Marie Houdin, membre d’Engrenage[s], présentera son projet New Orleans Fever: A Bridge of Dance between Continents en octobre 2021 en France. Initialement soutenu par l’Institut français et la Région Bretagne pour une première phase de développement à la Nouvelle-Orléans, l’échange artistique New Orleans Fever est désormais soutenu par les Services Culturels de l’Ambassade de France aux États-Unis en partenariat avec la Fondation FACE, à travers le programme FUSED 2020, pour une seconde phase en France.
Donner naissance à » La Danse Inattendue » comme dialogue entre les continents
En 2014, Marie Houdin s’envole pour la Nouvelle-Orléans. Elle y découvre les cultures « Second Lines » et continue d’être captivée par le mélange vivant des cultures funk et hip-hop. Autour d’elle, les Baby Dolls, les Black Indians et les gangs Skulls and Bones se réunissent pour danser et parler avec leurs corps de leur histoire commune. Cette rencontre est un tournant pour Marie Houdin car elle sera le point de départ d’une démarche artistique sous le nom symbolique de « La danse inattendue ».
- « La créolisation règne sur l’imprévisible par rapport au mélange des races ; elle crée dans toutes les Amériques, des microclimats culturels et linguistiques absolument inattendus, des lieux où les répercussions des langues les unes sur les autres ou des cultures les unes sur les autres sont brusques. » Édouard Glissant (Le titre « La danse inattendue » est inspiré des écrits d’Édouard Glissant, qui a défini le concept de « créolisation »).
Elle a d’abord créé le Bal du « Tout-Monde » en 2017 sous la forme d’une performance participative, invitant les artistes et le public à partager toutes sortes de danses, des grands royaumes africains aux îles Taino. Elle est ensuite passée à Unexpected, une performance solo en 2019, incarnant le dialogue entre un musicien et un danseur tout en présentant la fonction sociale de la danse. La troisième étape du projet La danse inattendue est particulièrement dense puisqu’elle implique des voyages de recherche et des échanges chorégraphiques. Entre novembre 2018 et avril 2019, Marie Houdin s’est rendue à Cuba, au Sénégal et à nouveau à la Nouvelle-Orléans pour commencer à collecter des danses sociales et traditionnelles, créer un dialogue artistique entre les continents et œuvrer à la décolonisation des esprits et des corps.
« Le Tout-Monde signale donc la présence nouvelle des êtres humains et des choses, un état de globalité où règne la Relation. » Édouard Glissant
Mémoires collectives et danses universelles
Interviewée par l’Institut français, Marie Houdin explique pourquoi elle a choisi ces trois destinations pour son travail de recherche et quel a été le processus de collecte sur place :
« J’ai basé mes choix sur la carte des trafics transatlantiques et de l’histoire coloniale française tout en m’intéressant aux danses qui ont une dimension à la fois sociale et rituelle, des danses qui véhiculent une histoire et sont encore très populaires aujourd’hui et qui continuent à évoluer. Cette quête m’a conduit au sabar sénégalais, à la rumba cubaine et, enfin, au buckjumping de seconde ligne et aux danses de la culture « Mardi Gras Indian » de la Nouvelle-Orléans. Ces danses sont vivantes et imprévisibles. Et elles ne se dansent nulle part dans le monde de la même manière que dans leur pays d’origine. »
« J’ai pu filmer des événements locaux, communautaires et traditionnels, certains spontanés, d’autres le résultat d’une longue planification, ce qui m’a permis de rencontrer des danseurs et de les interviewer. J’essaie de suivre un protocole que j’ai créé à travers mes recherches chorégraphiques, basé sur les éléments fondamentaux qui relient ces danses entre elles tout en les distinguant. Les entretiens se déroulent en deux temps : une séance de questions-réponses et un entretien dansé. J’ai invité certains de ces danseurs à revenir par la suite, pour faire ce que j’ai appelé des « dialogues dansés », avec trois danseurs. La plupart d’entre eux m’ont invité à les suivre lors de leurs spectacles, dans leurs cours de danse, et avec leurs familles. J’ai donc pu filmer certains d’entre eux en train d’accomplir tout un parcours. Enfin, dans la mesure du possible, il y a eu toute une série de collectes de données spontanées, en fonction de la culture de chaque pays. »
A partir de tout ce travail en amont, Marie Houdin envisage de nouveaux projets dans la continuité de sa démarche chorégraphique autour des notions de résilience, d’identité et de mémoire. Parmi eux, l’échange artistique franco-néo-orléanais, New Orleans Fever, avec des représentations à la Nouvelle-Orléans (États-Unis), Orléans, Lille et Rennes (France) vise à questionner la place de la danse dans l’espace public, à travailler avec des artistes locaux et à réfléchir à la décolonisation à travers l’identité et la résistance. En effet, les artistes néo-orléanais participant à ce projet – Rodrick « Scubble » Davis, Terrylyn Dorsey et Jessica Donley – sont spécialisés dans différents types de danse, notamment le footwork, le swing et le bounce, mais ils partagent également un genre commun : le Buckjumping. Le buckjumping est une danse et une forme de résistance à l’oppression, à l’esclavage et à la ségrégation. Apprendre de ces artistes locaux est fondamental pour Marie Houdin qui ne veut pas reproduire ces gestes très personnels mais cherche à comprendre la dimension sociale de ces danses communautaires. New Orleans Fever est un projet de recherche et de partage qui nous rappelle combien la danse est un moyen d’expression et d’identité.
A propos de Marie Houdin
Depuis 2004, Marie Houdin est danseuse et chorégraphe à la Compagnie Engrenage[s]. Elle s’est spécialisée dans le funkstyle (locking, Electric Boogaloo, waacking et footworking) aux côtés notamment de Greg Campbellock Jrs. et des membres d’Electric Boogaloos. Jusqu’en 2010, elle a co-chorégraphié plusieurs spectacles, une conférence sur la danse et le Funk Ball « I Feel Good ». La même année, elle crée le spectacle « Roots » et depuis 2012, elle codirige le festival « Le Funk prend les Rennes », dans la ville de Rennes. Passionnée par le sens des danses créolisées, elle continue d’apprendre différentes techniques de danse à partir de la technique Acogny développée par Germaine Acogny (École des sables-Toubab Dialaw-Sénégal), et la technique Dunham de Katherine Dunham (Katherine Dunham Centers For Arts and Humanities – St Louis- USA), deux artistes qui ont influencé son travail. En 2014, elle crée « Red Line Crossers » et coproduit le festival « Tombées de la Nuit ». Puis, en 2015, elle crée « Soul Train Géant » avant de se tourner vers son projet personnel « The Unexpected Dance ».
A propos d’Engrenage[s]
La Compagnie Engrenage[s] a été créée en 2003 par Franck Guizonne et Céline Mousseau. Dédiée aux danses hip-hop et funk, la Compagnie a produit 17 spectacles avec plus de 600 représentations entre 2003 et 2016. La Compagnie Engrenage[s] est devenue un Générateur de projets artistiques à partir de 2017, accompagnant des artistes influencés par les cultures urbaines et encourageant des projets de recherche artistique innovants.
Voici une vidéo des danseurs français participant au projet New Orleans Fever, Virginie Savary, Houth Chonbura « BBoy Cambo » et Marie Houdin :