Gwendolenn Sharp
Opératrice culturelle
Avril-mai 2023
- Musique
- Boston
- Chicago
- San Francisco
« L’urgence climatique pourrait être un coup d’arrêt aux tournées et à la coopération internationales. Comment les acteurs et institutions culturels américains appréhendent-ils ces enjeux ? »
Je m’appelle Gwendolenn Sharp, je suis franco-britannique. J’ai suivi des études de littérature comparée en France et au Québec, et mené des recherches sur la « nordicité » avant de bifurquer vers un DESS en coopération culturelle. En 2004, année de l’entrée du pays dans l’UE, la curiosité m’amène pour un stage de trois mois en Pologne, où je resterai huit ans. Au sein de l’organisation culturelle Ars Cameralis, j’acquière une expérience diversifiée dans la production de concerts, la conception de projets, la coopération internationale et le développement d’outils.
En février 2012, je participe à une rencontre des Arts de la Scène à Yokohama (Japon), une année après l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima. J’y rencontre des artistes qui avaient alors réexaminé et questionné le sens de leur pratique, de leur rôle, mais aussi celui des échanges culturels internationaux, convaincus que, grâce à eux, le pays ferait preuve de résilience et d’un nouveau sens des valeurs, leur donnant le pouvoir d’influer sur le changement.
Cette expérience a été un véritable déclencheur dans mon parcours, mettant en lumière la possibilité d’allier mes convictions et mon activisme environnemental avec mes pratiques professionnelles. De cette réflexion et de multiples rencontres et expériences est née The Green Room, avec pour vocation de mettre en place des projets liant le secteur de la musique et les questions de durabilité, de cocréer des solutions pour des tournées bas-carbone, et de réaliser des études et recherches opérationnelles sur les enjeux environnementaux et climatiques dans la musique.
Gwendolenn Sharp est la fondatrice de The Green Room, une organisation œuvrant pour le changement environnemental et sociétal dans l’industrie de la musique. Depuis 2016, elle co-crée des solutions pour des tournées bas-carbone et réalise des évaluations, des actions de sensibilisation et des formations opérationnelles sur les pratiques artistiques et les enjeux environnementaux. En 2019, elle a contribué à l’étude opérationnelle Mobility Scheme for Artists and Culture Professionals in Creative Europe countries (On the Move pour i-Portunus). Gwendolenn écrit des articles et intervient régulièrement lors d’événements professionnels pour défendre le rôle de la culture face aux crises environnementales. Elle a été sélectionnée par le programme JUMP en 2019 et en tant qu’innovatrice Keychange en 2022.
Pensé comme une résidence itinérante de recherche-action, mon projet a pour objectif d’examiner comment le secteur de la musique aux États-Unis répond à la prise de conscience croissante sur le changement climatique. Ce temps sera également l’occasion de recueillir des récits, d’expérimenter différentes approches du slow-travel et de documenter les possibilités de déplacements alternatifs à l’avion.
Les effets des crises écologiques et leurs conséquences pour les êtres humains nous menacent de plus en plus, affectant particulièrement les sociétés du Sud, souvent les plus vulnérables mais aussi les moins responsables du réchauffement climatique. Les records de chaleur, l’augmentation des tempêtes hivernales, les incendies géants et la fréquence des ouragans ne sont que quelques exemples de la manière dont ces effets sont de plus en plus visibles. Les grandes villes sont fortement touchées et constituent une échelle très intéressante pour étudier l’impact de ce phénomène sur les musiciens, les lieux de diffusion de la musique et les institutions.
La coopération internationale est par ailleurs confrontée à de nombreux défis, notamment les problèmes de visa, la Covid, l’urgence et la justice climatique. La mobilité culturelle et artistique fait également face à de nombreux risques liés au changement climatique : augmentation des coûts de transport, exposition aux critiques pour l’invitation d’artistes internationaux, éco-conditionnalité du financement de la mobilité.
L’urgence climatique pourrait être un coup d’arrêt aux tournées et à la coopération internationales. Comment les acteurs et institutions culturels américains appréhendent-ils ces enjeux, et que doit-il se passer pour qu’elles se poursuivent de manière durable et équitable ?
A l’issue de cette résidence, mes recherches donneront lieu à un retour d’expérience auprès du secteur de la musique français et européen, notamment sur la mise en place de tournées bas-carbone aux États-Unis.
Pour cette résidence itinérante, je commencerai par rallier les États-Unis par la mer, en me déplaçant ensuite en train entre les villes, et en transports en communs et modes doux au sein des villes.
Je débuterai ma résidence à Portland, première ville des États-Unis à avoir adopté une stratégie de réduction des émissions de carbone en 1993. J’irai à la rencontre du dynamisme et de la créativité de sa scène musicale ainsi que des institutions pionnières dans la manière d’aborder les impacts environnementaux du secteur de la musique qui y sont nées.
Je poursuivrai mes recherches à Chicago, qui accueille notamment The Bridge project, qui incarne parfaitement ce que signifie la mobilité artistique durable. Ce programme permet l’accueil d’artistes sur un temps long, et a développé des collaborations avec des clubs, des festivals, des conservatoires, des universités, des musées ou des communautés locales. J’explorerai ces scènes plus en profondeur, à la fois en ce qui concerne les aspects écologiques et la manière dont cela pourrait être une pratique reproductible pour d’autres territoires et scènes musicales.
Je terminerai ma résidence par Boston, qui est confrontée à des marées montantes qui nécessiteront une adaptation au changement climatique ainsi que des relocalisations. Je suis particulièrement intéressé par l’étude du rôle que peuvent jouer les salles de concert et les acteurs culturels pour faire face à ces défis, mais aussi par la manière dont la musique et le secteur culturel sont intégrés dans ces plans d’adaptation et d’atténuation au niveau local.
En partenariat avec
Le Périscope
Fondé en 2007, le Périscope est un lieu consacré aux musiques innovantes. Il œuvre à la diffusion et la création artistique et accompagne les initiatives entrepreneuriales et culturelles afin d’animer un écosystème fertile pour les musiques issues du jazz et des musiques improvisées. Labellisé Scène de Musiques Actuelles, il est soutenu par de nombreux partenaires, notamment par la DRAC, la Région Aura, la Ville de Lyon et l’UE.