Caroline Guiela Nguyen
Autrice, metteure en scène et réalisatrice
13 novembre - 26 novembre 2021
- Arts de la scène
- New York
« C’est toujours en immersion sur un territoire que je me remplis du réel que je mets ensuite en fiction, au contact des gens qui peuplent ce territoire, dans toute leur diversité, leur complexité, et leur façon d’appartenir à leur société. »
Je m’appelle Caroline Guiela Nguyen, je suis autrice, metteure en scène et réalisatrice et j’ai fondé une compagnie de théâtre en 2009 Les Hommes Approximatifs, à la suite de mes études. C’est par la sociologie que je suis arrivée au théâtre. Par cet exercice du regard. D’être déjà à l’extérieur du cadre pour essayer de comprendre l’autre. J’ai ensuite été admise à l’école du Théâtre National de Strasbourg en section mise en scène, où j’ai rencontré une partie des membres de la compagnie. Et très vite, j’ai ressenti le besoin de travailler avec des corps qui étaient absents des plateaux, d’entendre des langues et faire résonner les récits manquants. Rapidement aussi, j’ai eu besoin de réconcilier le monde d’où je venais et le théâtre que je découvrais. Pour Fraternité, conte fantastique, la pièce que j’ai créée à Avignon cet été, j’ai par exemple réuni 13 comédiens, âgés de 21 à 82 ans, qui viennent de France, d’Inde, de Belgique, du Mali, du Vietnam… Et ensemble, nous avons imaginé une histoire, nous nous sommes interrogés sur la fraternité, et avons regardé comment malgré nos parcours, nos cultures différentes, il est possible de prendre soin des uns des autres. En tant qu’autrice, je crois profondément en la puissance de notre imaginaire commun, quand il est chargé par le réel qu’il permet de raconter. La confrontation des différents horizons culturels, sociaux, spirituels de mon équipe nous permet d’inventer un “il était une fois” à la portée de tous.
Après des études de sociologie et d’arts du spectacle, Caroline Guiela Nguyen intègre l’école du Théâtre national de Strasbourg. Trois ans plus tard, elle fonde la compagnie Les Hommes Approximatifs qui s’attaque aux parcours de vie, aux histoires et aux corps absents des plateaux de théâtre. Ces récits dramaturgiques s’inspirent du réel, d’histoires intimes, et convoquent des comédiens, professionnels ou non, venant d’horizons sociaux, géographiques, culturels, spirituels, chaque fois différents.
Dans notre processus de création, nous prenons toujours énormément de temps en immersion. Nous allons sur des territoires blessés, à la rencontre des gens et nous écoutons. Puis j’écris, je commence un récit, une fiction à la fois libre et lestée des personnes qui sont devenues des « experts de leur propre douleur ». Nous invitons aussi souvent ces personnes à participer à notre projet. Non pas pour qu’elles racontent leur propre histoire, mais pour qu’elles participent à la construction d’une fiction en commun. Et surtout, pour que nous inventions une parole avec elles.
Je souhaite travailler sur les violences policières. Mais mon angle d’attaque se loge précisément dans ce que dit Assa Traoré dans le livre qu’elle a écrit avec Geoffroy de Lagasnerie: « nous ne serons pas les victimes qu’ils souhaitent, nous sommes des victimes qui gardons la tête haute».
Qu’il s’agisse de Saigon où nous avons traité des questions coloniales ou de Fraternité qui nous fait plonger dans les disparus du franquisme, la question au centre des « larmes » est toujours celle de la victime et de sa dignité.
Cette question m’a toujours préoccupée. Je suis moi-même fille de victime de la colonisation. Et longtemps, j’ai détesté ce terme, et longtemps je n’y voyais qu’une chose qui rabaissait ma mère et était la source de gestes condescendants envers elle. Longtemps j’ai détesté être la fille d’une victime. Aujourd’hui je veux, grâce à ce projet, aller auprès de ces victimes, de ces « experts de leur propre douleur », comprendre et raconter leur rôle dans la constitution même de notre société, présente et future.
Ici, il sera évidemment question de justice. Justice pour une famille et ses proches mais aussi justice pour que demain soit envisageable, pour que puisse dialoguer notre passé et notre futur. Ainsi, comme pour tout projet que je commence, l’idée pour moi est d’aller à la rencontre de familles, d’associations qui après le drame, après ou pendant les larmes trouvent la force de penser depuis leur blessure notre monde de demain.
Le modèle du multiculturalisme américain nous permet d’imaginer de nouvelles façons de les faire vivre, je pense par exemple au succès rencontré par le Black History Month… Et pourtant sont nés ces dernières années le mouvement Black Lives Matters ou le site Stop AAPI Hate (AAPI = Asian Americans and Pacific Islanders), qui ont été l’occasion d’exprimer les traumatismes antérieurs jamais dits ou entendus des générations précédentes des minorités et immigrés. Découvrir New York, ses institutions, son tissu associatif et militant, sera pour moi l’occasion de me nourrir des récits de ceux qui la composent, d’imaginer grâce et avec eux une société réconciliée.
En partenariat avec
Théâtre National de Bretagne (TNB)
Le Théâtre National de Bretagne (TNB), créé en 1990, est né de la fusion du Centre Dramatique de l’Ouest en 1949 et de la Maison de la Culture en 1968. En tant que Centre Européen de Production Théâtrale et Chorégraphique, il est doté d’une mission élargie qui englobe le théâtre, mais aussi la danse, la musique, le cinéma, la pédagogie, un festival international annuel et une école d’art dramatique. Le TNB accueille environ 200 000 spectateurs chaque saison. Depuis 2017, l’acteur et metteur en scène Arthur Nauzyciel dirige le TNB et a mis en place un projet artistique fondé sur le triptyque : “Partager, transmettre, rencontrer” auquel il a associé 18 artistes, rejoints en 2021 par 10 autres artistes.