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Olivier Gabet

Directeur de musée et conservateur du patrimoine
Printemps et Automne 2022

Eleonore Demey

  • Musées
  • Houston
  • Los Angeles
  • New York
  • Washington, DC

“Faire de la jeunesse un impératif de la stratégie et de la politique culturelle et éducative des musées, et l’élément central de la lisibilité des enjeux sociétaux les plus actuels, sur la diversité comme sur l’universalité.”

Après avoir été formé à l’École nationale des chartes puis à l’École nationale du patrimoine, je suis historien de l’art et conservateur du patrimoine. Depuis mon premier poste en 2002 au musée d’Art moderne de la Ville de Paris, j’ai allié au cœur de mon parcours professionnel une activité d’études et d’écriture à la pratique du métier de conservateur, puis de dirigeant d’établissement culturel et patrimonial. S’il fallait résumer les vingt premières années de ce parcours, sans doute serait-il pertinent de soulever qu’un fil conducteur profondément classique s’y enrichit de nombreux défis, voire d’une forme de disruption. Ainsi, conservateur au musée d’Orsay de 2005 à 2007, mon rôle y fut d’avoir la charge des collections d’arts décoratifs de la seconde moitié du XIXe siècle, et de mener à bien le programme des Correspondances, une série d’invitations à des artistes contemporains, français et internationaux, à dialoguer avec les collections du musée, ce qui était encore plutôt rare à cette époque.

 

De même, j’ai préféré quitter ce poste pour le projet du Louvre Abu Dhabi, pour lequel j’ai été conservateur pour les arts décoratifs puis directeur scientifique adjoint, de 2008 à 2013, une opportunité unique d’accompagner la naissance d’un musée au XXIe siècle, une prise de risque culturelle et intellectuelle à un moment d’intense polémique. Cette expérience a été séminale, permettant une prise de conscience plus précise encore des enjeux des musées contemporains, de la collection à l’éducation, dans un contexte géopolitique complexe et passionnant.

 

Enfin, devenu directeur du musée des Arts décoratifs depuis 2013, fonction à laquelle se sont adjointes des missions plus exécutives et transversales en 2019 en devenant directeur général adjoint de l’ensemble de l’institution des Arts décoratifs, comprenant musées, bibliothèque et écoles, j’ai la chance rare de conduire les rênes d’un musée pluridisciplinaire, profondément lié aux évolutions les plus actuelles des industries créatives (mode et design), mais également fondamentalement engagé dans la défense et la transmission d’un patrimoine muséal de premier ordre ancré dans l’histoire européenne et extra-occidentale. Les problématiques que le musée des Arts décoratifs portent sont centrales dans le débat contemporain entre patrimoine et création, transmission et éducation, diversité et ouverture. 

Si nous savons depuis la Crise de l’esprit de Paul Valéry (1919) que « nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles », force est de constater que sans une puissante refondation des musées, premiers parmi les piliers de la transmission et de l’identité des civilisations, ces derniers pourraient devenir peu à peu, aux yeux de la jeunesse, un lieu d’une étrange bizarrerie, si ce n’est obsolète. Dans la perspective de cette résidence Villa Albertine, l’idée ne serait pas de réduire, de limiter la jeunesse à la seule question des visiteurs mais bien de s’interroger sur ce qu’est la jeunesse aujourd’hui au sein des musées, combien ceux-ci peuvent être analysés et réaffirmés dans leurs missions et leur rôle au prisme de la jeunesse. 

 

En tant que directeur du musée des Arts décoratifs depuis 2013, j’ai la charge très concrète d’accompagner la stratégie et la politique de l’établissement dans le champ éducatif et culturel : la jeunesse en est la clef de voûte. A maints égards, cet impératif de la jeunesse a permis des évolutions concrètes : rapprochement du musée avec l’école Camondo qui appartient à l’institution et qui forme de jeunes architectes et designers, politique des publics ambitieuse avec gratuité d’accès totale au musée, galeries et expositions pour les moins de 26 ans, amplification des ateliers pédagogiques via le réseau scolaire mais aussi les familles, développement approfondi des possibilités liées à l’enseignement professionnel (arts de la table, cuisine et hôtellerie, mode et esthétique) , permettant à nombre de jeunes d’origines sociales très différentes de s’approprier un musée qui pouvait à bon droit apparaître comme élitiste par les sujets qu’il embrasse. Ces sujets, qu’ils soient consubstantiels à la programmation des expositions ou infléchis pour répondre aux enjeux de la jeunesse, deviennent de nos jours des gages précieux pour la diversité et l’universalité. Et si l’on prend la jeunesse comme un prisme, elle comprend aussi la vie interne du musée, les recrutements, l’organisation du travail, l’apprentissage, jusqu’au profil des dirigeants et du conseil d’administration, en passant par celui des mécènes et soutiens du musée. 

 

Fort de cette expérience, qui reste un effort continu, j’aimerais observer et comprendre comment cet impératif de la jeunesse est pris en compte dans les musées et institutions culturelles aux États-Unis, comment il s’exprime, quels succès le couronnent, et quels obstacles sont rencontrés. Là encore, l’idée est de prendre le cadre de lecture le plus large possible, élargissant l’acception du terme de jeunesse, dépassant la seule question des publics, pour analyser le lien au système éducatif et universitaire, jusqu’à l’apprentissage et l’enseignement professionnel, tout comme son impact sur la gouvernance de ces institutions, trustees, intérêt et engagement des mécènes, sans omettre la nature des activités scientifiques et la programmation des expositions temporaires. La jeunesse semble ainsi l’élément central de la lisibilité des enjeux sociétaux aux États-Unis, que la crise sanitaire mondiale a sans aucun doute réaffirmés. 

Focillon Fellow à Yale University en 2003, j’ai eu depuis la chance de mener de nombreuses missions aux États-Unis, notamment dans le cadre de la direction du musée des Arts décoratifs et les relations extérieures avec les Friends de notre maison et la recherche de mécénat. Sans conteste, les problématiques envisagées pour cette résidence offrent une grande liberté dans le rapport à la dynamique territoriale américaine. Ce n’est pas tant de nouveaux territoires qu’il reviendrait d’étudier, que la dialectique ici essentielle et cruciale, au sein de territoires connus ou moins connus, entre institutions classiques et institutions plus disruptives, entre musées ancrés dans l’histoire culturelle longue et lieux émergents ou, à tout le moins, plus récents.

 

En quoi leur nature, leur identité, leur histoire, ont un lien particulier à la jeunesse, en quoi ce lien s’est modifié, amplifié ou pas depuis ces dernières années, en quoi de nouveaux projets en apportent des réponses ? De ce point de vue, New York et la côte Est formeraient une étape incontournable, mais qui pourrait s’enrichir très nettement par une étape sur la côte Ouest, au Texas et au Nouveau Mexique qui posent de vrais enjeux en soi. Et si la première pensée va au tissu si riche des musées, il est évident que le réseau humain est ici fondamental, car l’enjeu étudié dans le cadre de cette résidence pose les débats les plus actuels, sur la diversité comme sur l’universalité. 

 

En partenariat avec

Musée des Arts Décoratifs Paris

Situé dans le Palais du Louvre le long de la rue de Rivoli, entre les jardins des Tuileries et la place du Palais Royal, le MAD Paris (Musée des Arts Décoratifs) est le conservatoire du génie des artisans et des artistes. La collection, l’une des plus importantes au monde, présente, du Moyen Âge à nos jours, un panorama inégalé de l’histoire du meuble, du verre, de la céramique, de l’orfèvrerie, du bijou, du design, du textile et de la mode, du graphisme et de la publicité. 

 

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