Mathieu Deldicque
Directeur de musée et conservateur du patrimoine
Printemps - Automne 2023
- Musées
- Atlanta
- Boston
- La Nouvelle-Orléans
- New York
« Comment une demeure historique peut trouver un écho contemporain ? Témoin d’histoires complexes, de sociétés évanouies, elle conserve néanmoins quelques liens, même ténus, avec nos préoccupations et notre histoire contemporaine. »
Soucieux de préserver les monuments et œuvres du passé pour les transmettre et les faire apprécier au visiteur d’aujourd’hui, je suis mû par l’envie de démocratiser et donner à comprendre les merveilles que les siècles nous ont léguées. Après des études d’histoire et d’histoire de l’art, à l’École nationale des chartes et à l’Université de Picardie Jules Verne, je suis devenu conservateur du patrimoine, pour faire de mes idéaux un métier.
Bien des clés de lecture pour apprécier et comprendre un monument ou une œuvre d’art ne sont aujourd’hui pas évidentes pour un grand nombre d’entre nous. Je nourris ainsi l’ambition, en concourant à leur sauvegarde et leur mise en valeur, d’offrir à un public large et diversifié un voyage dans le temps, au plus près de nos racines partagées et d’une beauté humaniste.
Mon parcours m’a permis d’appréhender bien des façons de conserver et mettre en valeur les monuments, leurs décors et les œuvres d’art. J’ai pu concourir à plusieurs grands chantiers de restauration au sein du musée que je dirige désormais (le musée Condé du château de Chantilly), à organiser d’importantes expositions consacrées à certains des plus grands artistes de l’histoire de l’art (Léonard de Vinci, Raphaël, Dürer), à enseigner, ou encore à offrir des outils de lecture et d’appréciation à destination de tous les publics.
En plus de mes travaux actuels, mes précédentes fonctions au sein du ministère de la Culture m’ont incité plus spécifiquement à réfléchir et travailler à la modernisation de l’approche d’un château ou d’une demeure historique en général. C’est cette réflexion que je souhaite confronter au territoire américain et à ses demeures historiques, et à des passés contrastés, tels qu’on peut également en trouver dans les châteaux français. Car je suis persuadé qu’en France comme aux États-Unis, les problématiques contemporaines sont aussi chez elles dans les demeures d’autrefois.
Ancien élève de l’École nationale des chartes et de l’Institut national du patrimoine, docteur en histoire de l’art, Mathieu Deldicque est conservateur du patrimoine et directeur du musée Condé, au château de Chantilly. Il a été, de 2013 à 2015, conservateur en charge des musées-châteaux nationaux au ministère de la Culture. En poste à Chantilly depuis 2015, il a été commissaire de nombreuses expositions consacrées à la Renaissance ou aux arts décoratifs. Soucieux de la transmission du patrimoine, il œuvre à la restauration des œuvres et des décors, et à l’accueil de tous les publics.
Comment des demeures vieilles de plusieurs siècles peuvent trouver un écho contemporain ? Témoins d’histoires complexes, d’usages a priori perdus, de sociétés en grande partie évanouies, elles conservent néanmoins quelques liens, même ténus, avec nos préoccupations et notre histoire contemporaines. À l’époque de l’instantané, de l’immatérialité, des questionnements et des remises en cause, l’accès à ces monuments demeurent pourtant plus que jamais nécessaires. Mais les approches et les discours qui leur sont appliqués doivent être repensés.
Cette résidence a pour but de décentrer le regard forcément européen que je porte sur la valorisation d’une demeure historique – mon activité professionnelle quotidienne – pour appréhender des territoires éloignés, ceux de l’Est américain, et leur histoire secouée et diverse.
Au nord, à Boston, Newport et le long de l’Hudson, le « Gilded Age » américain a connu l’éclosion de fortunes considérables qui ont traduit dans la pierre leur nouveau pouvoir. La plupart de ces demeures ne sont désormais plus que le reflet d’une grandeur éteinte. À l’heure des séries des plateformes numériques, elles sont de nouveau sous les feux des projecteurs et je me pencherai sur cette valorisation contemporaine. Au sud, de Charleston à La Nouvelle-Orléans, c’est une histoire un peu plus ancienne et plus douloureuse que je souhaite appréhender. En m’intéressant à la mise en valeur des anciennes plantations et demeures de l’élite esclavagiste passée, je souhaite comprendre comment les mémoires se confrontent et comment des discours nuancés peuvent et doivent se traduire dans les parcours de visite.
La rencontre des professionnels qui conservent, dirigent et animent ces lieux, des chercheurs qui s’intéressent aux problématiques qu’ils soulèvent, sera au cœur du projet. L’enquête, la comparaison, le partage d’expériences, des bonnes pratiques et des initiatives originales, permettront de procéder à l’actualisation d’une pratique professionnelle personnelle, mais aussi d’en offrir plus largement le bénéfice.
Ma résidence est conçue comme un diptyque géographique, temporaire et thématique. En se concentrant sur l’Est des États-Unis, du nord au sud, ce sont différentes histoires constituant la trame des demeures historiques, permettant l’élaboration de discours et de valorisations divers que je souhaite aborder.
La première partie se déroulera en Caroline du Sud et en Louisiane, autour de Charleston et de La Nouvelle-Orléans. Ces états, marqués par l’esclavage et la guerre de Sécession, conservent bien des lieux patrimoniaux porteurs des mémoires contrastées qui ont traversé les siècles. Les plantations esclavagistes (Laura Plantation, Whitney Plantation etc.) et le discours qui accompagne leur visite et leur préservation seront au cœur du séjour à La Nouvelle-Orléans et ses alentours. À Charleston, c’est le riche passé de l’époque coloniale et post-coloniale (William Aiken House, Nathaniel Russel House mais aussi Drayton Hall ou encore Biltmore Estate), qui sera analysé à travers ses plus importantes demeures.
Le second volet me portera sur la côte nord, autour de Newport d’abord, où les magnats du Gilded Age ont rivalisé d’audace et matérialisé dans la pierre leur incomparable grandeur. Après le concentré unique de Newport (The Breakers, The Elms, Marble House ou Château-sur-Mer), je descendrai la vallée de l’Hudson, où, non loin de New York, les siècles ont laissé des demeures qui sont autant de jalons de l’histoire du territoire et de ses habitants.
En parcourant ces terrains d’étude très différents, à l’histoire contrastée et reflétant des sociologies opposées même si contemporaines, ce sont les projets scientifiques portés, les points de vue empruntés, les médiations contemporaines imaginées, qu’il m’intéressera d’analyser et confronter.
En partenariat avec
Château de Chantilly
Le Château de Chantilly (Domaine de Chantilly – Fondation d’Aumale) assure la gestion du précieux patrimoine légué par le duc d’Aumale à l’Institut de France. Ce legs comprend le château, ses collections réunies au sein du musée Condé, une bibliothèque d’une richesse unique, un parc historique de 115 hectares, les plus grandes écuries princières d’Europe ainsi que ses dépendances et forêts.