Collectif GRAU

La ville est, depuis le début de l’urbanisation, l’espace où l’on vit ensemble : pour l’opportunité, la sécurité, l’économie, le besoin de relations et toutes les autres raisons qui font que nous nous regroupons. Vivre ensemble dans un certain environnement demande une organisation collective qui se matérialise toujours de façon physique.

Nous sommes intéressés par la relation entre l’environnement physique existant et les organisations sociales que nous construisons. Dans tous nos projets, nous cherchons à comprendre quelles sont les structures physiques minimales nécessaires pour permettre aux gens de vivre bien ensemble. C’est une question d’équilibre, entre ce que le « public » propose comme structure et ce que les gens font avec ces structures, quelle appropriation et liberté sont possibles.

Dans le cadre de notre résidence pour la Villa Albertine, nous avons souhaité interroger ce lien en travaillant sur le rapport que les habitants entretiennent au monde physique et notamment à la grille (trame viaire), qui est omniprésente dans le paysage urbain américain. Cette grille, souvent exploitée au maximum de son potentiel dans les quartiers denses, où elle permet une intensité impressionnante, semble dans d’autres situations effacer toute condition urbaine, notamment dans des territoires à plus faible densité. En même temps cette grille, en tant que structure physique, est intimement liée aux conditions d’habitabilité des habitants.

Notre projet s’intitule « Collective América ». Pendant un mois, nous sommes allés à la rencontre d’une série d’habitants de Chicago dans et en dehors du centre. En dessinant et en écrivant leur point de vue sur la ville et la manière dont ils interagissent avec la structure de la grille, nous avons cherché à comprendre comment, ensemble, ils peuvent dessiner des opportunités de faire de nouveau commun dans la condition physique de la ville.

Ces visions ont été regroupées en une publication dont l’intégralité du contenu a été produite sur place en temps réel pendant la durée de la résidence.

Notre projet portait sur la ville de Chicago dans un contexte où un nouveau plan d’urbanisme, « We Will Chicago », est actuellement en train de prendre forme. « We Will Chicago » n’est pas encore un plan mais il affiche déjà une ambition nouvelle : les gens d’aujourd’hui seront « la ville de demain ». On peut le lire comme un renversement des modes de penser et faire la ville. Cela nous rappelle que l’architecture et la grille, même omniprésente, ne sont que des hypothèses qui doivent être requestionnées quotidiennement.

Nous proposons un regard qui croise les habitants de Chicago, leurs conditions de vie physique (dans des bâtiments) et la grille urbaine pour raconter d’autres visions de la ville que celle que nous connaissons habituellement.

Nous souhaitions également faire le lien entre Chicago et le Grand Paris, où nous vivons et travaillons au quotidien, en explorant la notion d’identité métropolitaine et ce sur quoi on peut réellement s’appuyer pour faire commun.

Cette exploration de Chicago s’inscrit dans la continuité de notre travail quotidien. En tant que recherche appliquée, c’est une illustration de notre méthodologie de projet basée sur la réalité du territoire et le lien entre les conditions sociales et physiques que nous y trouvons.

Si la recherche n’a pas vocation à faire projet nous voulions néanmoins qu’elle soit le début d’un dialogue engagé avec les acteurs de Chicago et une possibilité d’aller plus loin dans les réflexions, soit dans notre propre pratique, soit dans le cadre académique à travers nos activités d’enseignement.