Portrait : Christophe Huysman et Nicolas Fraiseau

L’acrobate Nicolas Fraiseau a développé sa première création Instable sous la supervision du directeur de la compagnie Les Hommes Penchés, Christophe Huysman. Jouée en 2018 à l’Académie Fratellini de la Plaine Saint-Denis et en 2019 au Seoul Street Arts Festival en Corée du Sud, Instable sera présentée par Pittsburgh Trust for Cultural Resources ainsi que par Performance Spaces for the 21st Century (PS21) en 2021-2022, tous deux lauréats du programme FACE Contemporary Theater 2020 pour la présentation d’Instable.  

Tout a commencé par une rencontre…  

Chaque année, les étudiants qui terminent leur cursus au Centre National des Arts du Cirque (CNAC) présentent leur projet personnel. En 2016, c’est au tour de Nicolas Fraiseau. Sur scène, il tente en vain pendant une vingtaine de minutes de grimper sur un mât chinois. Sa performance est placée sous le signe de la fragilité, de l’instabilité et de l’échec. Dans tous ces états physiques et émotionnels, souvent représentés de manière négative, Nicolas Fraiseau décrit son rêve, « celui d’accrocher un mât à un fil de fer invisible » et persuade Christophe Huysman, membre du jury, que ses gestes « pourraient être développés ». Quelques mois plus tard, l’aventure d’Instable commence avec la compagnie de théâtre Les Hommes Penchés.  

…tout a pris sens pendant la représentation,…  

S’installant sur une scène précaire composée de planches de bois bosselées, d’une barre métallique en morceaux et de quelques câbles, Nicolas Fraiseau contemple l’impasse qui l’entoure. Au début, il grimpe sur le mât chinois qu’il rafistole avant de tomber. Prise entre drame et comédie, la salle éclate de rire. Nicolas Fraiseau explique qu’ « il s’efforce de grimper, cherchant à atteindre son but » et « par ses efforts, ses actions, ses accidents, il crée la vie autour de lui. Parfois, il glisse et révèle son impuissance ». Son corps et la perche ne font plus qu’un et pourtant, ils se livrent une bataille sans fin. L’instabilité devient une logique et les limites de l’équilibre un jeu. La fragilité de l’artiste reflète la nature humaine et, au milieu d’innombrables échecs, la chute n’est plus seulement un danger mais aussi une performance.  

… tout a été créé à deux.  

À la fin de la performance, Nicolas Fraiseau atteint enfin le sommet du mât, y dépose une petite planche de bois et s’y tient droit. Dès lors, toute la mise en scène de Christophe Huysman reçoit une nouvelle interprétation. « Il ne s’agit pas de raconter une histoire ni même de réfléchir à l’instabilité, c’est une des raisons pour lesquelles le spectacle est sans paroles, il s’agit d’action. C’est une forme qui utilise toute sa puissance et où les mots ne sont pas nécessaires « , dit-il. Et dans cet  » instant présent « , comme le décrit Nicolas Fraiseau, les spectateurs s’interrogent sur les gestes de l’artiste. Qu’est-ce que cela signifie de tomber amoureux d’un performeur ? Qu’est-ce que l’échec pour l’être humain dans la société d’aujourd’hui ? Quel est le prix à payer pour atteindre l’équilibre quand le chemin était dangereux et parfois complètement absurde ? La chute, l’instabilité, l’accident ne sont plus seulement une impulsion à la pensée critique mais un moyen d’agir. Accueillir l’inattendu fait alors partie de la condition humaine.  

Toutes les citations sont issues de l’entretien entre Nicolas Fraiseau et Christophe Huysman sur le site Les Hommes Penchés.   

A propos de Christophe Huysman et de la Compagnie les Hommes Penchés   

Christophe Huysman est écrivain, acteur et metteur en scène. Après ses études au Conservatoire de Roubaix et au Conservatoire National de Paris (CNSAD), il crée la compagnie Les Hommes Penchés en 1995. Depuis 2001-2002, la compagnie s’est engagée dans un programme de créations qui ouvre de nouvelles perspectives de spectacle : pièces de théâtre, installations vidéo, music-hall… C’est ainsi que Christophe Huysman met en scène Les Hommes dégringolés (Festival d’Avignon, 2001), Les Repas HYC (Théâtre de la Bastille, 2003) et L’Orchestre perdu (Festival d’Avignon, 2010). Parallèlement, il nourrit une relation intime avec les arts du cirque et crée Espèces, pièce de cirque (La Villette, 2004), HUMAN articulations (Festival d’Avignon, 2006), et 7.7.7. (Festival Multipistes, 2015). Au croisement des arts de la rue et des arts scénographiques, Christophe Huysman continue de faire rêver.   

A propos de Nicolas Fraiseau   

Nicolas Fraiseau est né en 1995. Il commence son apprentissage à l’Ecole nationale de cirque de Châtellerault, où il se passionne pour le mât chinois. Il poursuit sa formation à l’Ecole nationale des arts du cirque de Rosny-sous-Bois (ENACR) et au Centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne (CNAC). Nicolas Fraiseau a le goût du risque et partage des moments de liberté à travers l’improvisation et la précision des gestes. En 2015, il rejoint la Compagnie Kiaï en tant qu’interprète pour Cri, une pièce mise en scène par Cyrille Musy et Sylvain Décure. En 2018, il joue dans Kafka dans les villes mis en scène par Frédérique Lolliée, Elise Vigier et Gaëtan Levêque ; dans Piano sur le fil de Bachar Mar Khalife, mis en scène par Gaëtan Levêque ; et, dans La Main de la Mer de Gaëtan Levêque et Metis Gwa en 2019. Étoile montante du monde du cirque, Nicolas Fraiseau n’a pas fini de nous surprendre.