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Marie Darrieussecq

Ecrivaine
Printemps 2022

Vincent Josse

  • Littérature
  • Los Angeles

« Je voudrais essayer de calmer mes rapports aux réseaux sociaux et de les intégrer normalement à ma vie, sans la terreur, l’angoisse, la répulsion, la fascination, qu’ils ont pour moi. »

Je suis née en 1969. Je me souviens du monde d’avant Internet. Je me souviens du monde d’avant l’informatique. J’ai eu mon premier ordinateur à 17 ans (j’étais une pionnière !), un IBM avec une mémoire de dix pages écrites, une sorte de machine à écrire très perfectionnée, avec un embryon de traitement de texte. Puis j’ai eu accès aux premiers Mac, des cubes avec une mémoire externe sur disquette. J’ai envoyé mon premier email en 1990 via le Minitel (une invention française qui n’a pas survécu). Nous ne savions pas à qui écrire et nous avions donc des correspondants dans le monde, choisis pour l’unique raison qu’ils avaient, eux aussi, une adresse email, en général localisée comme moi dans une université, une grande école ou un collège où nous étions étudiants.

Ecrivaine, Marie Darrieussecq est aussi traductrice de l’anglais (les essais de James Baldwin aux éditions Gallimard) et a exercé la profession de psychanalyste. Marie Darrieussecq travaille à partir des clichés pour examiner ce que le langage dit de l’expérience, la manière dont les mots, et notamment les lieux communs, énoncent la réalité et, en retour, la façonnent. Son style minimal, chargé d’anecdotes et de métaphores scientifiques ou géographiques, sert une « écriture physique » de ce qui est imminent. 

J’ai eu mon premier téléphone portable à 32 ans. Je n’ai commencé à l’intégrer à mes rêves que très récemment. Quand j’ai un cauchemar, je continue, comme autrefois, à me débattre, à fuir, à crier mais je ne pense jamais à me servir de mon téléphone pour appeler à l’aide. Je pense que le temps de l’inconscient n’intègre qu’à son propre rythme la vitesse de nos prothèses technologiques.

J’ai entendu mon fils de 14 ans parler dans son sommeil et dire : « Je t’envoie la vidéo ». J’ai trois enfants, tous teenagers. Ils sont sur Snap, Insta, TikTok, jamais sur Facebook ni Twitter. Ils me racontent leur vie sociale dématérialisée, pour eux elle va de soi, mais parfois ils en tombent malades.

Je suis sur Facebook sous un autre nom, en « sous-marin », curieuse de la vie des autres mais du tout de divulguer la mienne. J’ai confié la création de mon compte Instagram à une web designeuse professionnelle qui a aussi créé mon site internet.

A la Villa Albertine, je voudrais essayer de calmer mes rapports aux réseaux sociaux et de les intégrer normalement à ma vie, sans la terreur, l’angoisse, la répulsion, la fascination, qu’ils ont pour moi. J’ai toujours eu le sentiment que si je commençais ce serait comme la cocaïne, je ne pourrais jamais m’arrêter.  Rencontrer ceux qui font les réseaux, ceux qui en vivent ou y vivent, ceux qui imaginent ou étudient un nouveau langage pour tenter de le placer dans l’écriture.

Ecrivaine, mes personnages doivent utiliser les réseaux sociaux, mais pour l’instant ils le font timidement, voire pas du tout. Or la vie normale, je le vois bien, c’est de les utiliser, et mes personnages, pour pouvoir dire le monde et le prendre en charge narrativement, vont inévitablement avoir des comptes Insta, Facebook, Snap etc, selon leur âge et leur situation. C’est inévitable. Il est donc temps que je (qu’ils, qu’elles) m’y (s’y) mette(nt). Je viens à Los Angeles pour ça, parce que la ville des anges est aussi un des grands centres de la vie virtuelle, et de la vie imaginaire,

En partenariat avec

Théâtre National de Bretagne (TNB)

Le Théâtre National de Bretagne (TNB), créé en 1990, est né de la fusion du Centre Dramatique de l’Ouest en 1949 et de la Maison de la Culture en 1968. En tant que Centre Européen de Production Théâtrale et Chorégraphique, il est doté d’une mission élargie qui englobe le théâtre, mais aussi la danse, la musique, le cinéma, la pédagogie, un festival international annuel et une école d’art dramatique. Le TNB accueille environ 200 000 spectateurs chaque saison. Depuis 2017, l’acteur et metteur en scène Arthur Nauzyciel dirige le TNB et a mis en place un projet artistique fondé sur le triptyque : “Partager, transmettre, rencontrer” auquel il a associé 18 artistes, rejoints en 2021 par 10 autres artistes.

 

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