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Claire Houmard

Archéologue
Été 2023

© Claire Houmard

  • Musées
  • San Francisco

« Face aux bouleversements sociaux-climatiques contemporains, de nombreuses sociétés arctiques doivent faire preuve de résilience. Chez les Yupiik, cette résilience passe par la réaffirmation de leur identité et un intérêt accru pour leur patrimoine. »

Passionnée d’archéologie depuis l’enfance, j’ai participé et conduit des fouilles sur de nombreux sites européens et nord-américains, datant du Paléolithique au 20e siècle. Ces expériences, complétées par ma formation universitaire, m’ont progressivement amenée à étudier les sociétés sans écriture. Comprendre leurs modes de vie et leurs perceptions des univers qui les entourent ne peut s’appuyer que sur la culture matérielle disponible (objets archéologiques finis et déchets artisanaux ayant servi à leur production). Questionner leur patrimoine immatériel à partir de ces vestiges constitue l’enjeu majeur de ma recherche.

Bien que toujours investie dans la préhistoire européenne, je me concentre depuis mon doctorat sur le Nouveau monde, en particulier celui englacé de l’Arctique auquel les préhistoriens des Temps glaciaires (40 derniers millénaires) font le plus souvent référence. Des premiers peuplements aux périodes médiévales et modernes, je retrace les mouvements de populations et les interactions culturelles entre les sociétés natives (pré-inuites, inuites et yupiit) et allochtones (norroises, européennes, euro-américaines et russes). Les sociétés arctiques dites « pré-contact » (entre les 16e et 20e siècles selon la latitude et l’isolement géographique) n’ont pu échanger que sporadiquement avec les navires et/ou explorateurs étrangers en quête de nouvelles ressources (défenses de morse, fanons et huiles de cétacés, fourrures) ou de voies de communication plus rapides entre l’Asie et l’Europe. Ces contacts ont pourtant influencé le mode de vie de ces sociétés nomades friandes de nouveautés (métal, perles, pipes, textile, tabac, sucre, alcool, etc.) qui deviendront particulièrement recherchées à la période « de contact ».

Archéologue et professeur junior à l’Université de Franche-Comté, Claire Houmard participe aux projets ANR Inter-Arctic et PaleoCet. Elle a obtenu son doctorat en cotutelle entre les Université Paris-Nanterre et Laval à Québec (Canada). Lauréate de deux prix de thèse (CIEC et Chancellerie des Université de Paris), elle a effectué de nombreux postdoctorats (Fondation Fyssen, MQB-JC, Labex PasP, Fondation Carlsberg) et mené ses recherches à Paris et Nanterre puis à Copenhague et Besançon. Elle dirige depuis 2022 le projet « Yup’ik » soutenu par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et la Villa Albertine. 

De nombreuses sociétés arctiques subissent les effets du dérèglement climatique actuel (hausse des températures, phénomènes météorologiques intenses, montée des eaux, érosion côtière). Elles font preuve de résilience face à ces bouleversements sociaux-climatiques en réaffirmant leur identité, notamment par leur patrimoine matériel et immatériel.

En 2016, j’ai eu l’opportunité de travailler dans le sud-ouest de l’Alaska et découvrir le monde yup’ik. Les Yupiit (singulier Yup’ik) se sont établis de part et d’autre du détroit de Béring (Sibérie et Alaska) durant le dernier millénaire. Relativement sédentaires et hiérarchisés, ils vivent principalement de la pêche au saumon et de la chasse au caribou. L’artisanat du bois flotté et du bois de caribou y est particulièrement développé. Un projet co-construit par la communauté yup’ik de Quinhagak (Alaska) et l’Université d’Aberdeen (Royaume-Uni) visait à sauvegarder les vestiges du site archéologique de Nunalleq, « le vieux village », menacé par l’érosion côtière, connu depuis longtemps et très ancré dans la tradition orale. Témoin direct des conflits intertribaux qui se sont succédés durant le Petit Age Glaciaire (1350-1850) dans le sud-ouest alaskien, il fut abandonné vers 1675 suite à une attaque particulièrement violente.

La collaboration étroite entre les archéologues et les habitants, gardiens de la tradition orale et détenteurs des savoirs ancestraux, a permis la création du Nunalleq Museum à Quinhagak, pour que la population puisse conserver son patrimoine sur ses terres ancestrales le plus longtemps possible plutôt que dans des « musées-sanctuaires » éloignés des lieux de découverte. La portée symbolique reste importante même si le village et son musée, menacés par la montée des eaux, devront être déplacés à moyen terme. Le projet français « Yup’ik » vient prendre le relais, orienté sur les résiliences passées et présentes de cette population.

Mon lieu de résidence sera le village de Quinhagak, centre des travaux de recherche sur le terrain et d’étude de la collection archéologique, mais aussi lieu de mémoire des descendants yupiit installés à cinq kilomètres du « vieux village ». Il est extrêmement rare dans l’Arctique de pouvoir réunir sur un même site ces trois piliers patrimoniaux. Ma résidence représente une opportunité unique de concilier passé et présent, et de contribuer à une (re)valorisation de l’identité culturelle d’une population arctique. Les populations dont le mode de subsistance est en grande partie traditionnel sont particulièrement menacées par la mondialisation économique et le dérèglement climatique.

En collaboration avec l’Université d’Aberdeen et avec le soutien de la Villa Albertine et du ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères, je reprendrai les travaux de terrain arrêtés depuis 2018, pour documenter Nunalleq mais aussi replacer ce site dans son contexte culturel et environnemental en élargissant la zone d’étude via des prospections et des sondages dans ses environs immédiats. J’espère mieux comprendre la résilience des Yupiit face aux changements actuels et passés, notamment durant le Petit Age Glaciaire qui a compliqué l’accès aux ressources naturelles. Les occupants de Nunalleq sont en effet restés sur place pendant plus de 200 ans malgré l’intensification des conflits. Des analyses sédimentaires permettront d’évaluer les fluctuations en ressources animales et végétales, de mieux saisir le quotidien des populations yupiit du 17e siècle et ainsi de pouvoir confronter la tradition orale aux témoignages laissés par les vestiges archéologiques.

En partenariat avec

University of Aberdeen

Le département d’archéologie de l’Université d’Aberdeen s’associe à la société villageoise Qanirtuuq, Inc. et au village yup’ik de Quinhagak dans le cadre d’un projet archéologique à grande échelle. Les sites archéologiques, ainsi que les infrastructures modernes de la région, sont menacés par la fonte du pergélisol et l’élévation du niveau de la mer le long de la mer de Béring. Notre travail se concentre sur le site de Nunalleq, un village yup’ik pré-contact du XIVe au XVIIIe siècle avec des vestiges organiques exceptionnellement bien conservés. Depuis 2018, nous traitons les découvertes dans un laboratoire basé à Quinhagak dans le nouveau centre culturel et archéologique de Nunalleq.

 

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Université de Franche-Comté

L’université de Franche-Comté (uFC) est une université française fondée en 1423, établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP), dont le siège est à Besançon. Elle est constituée de 12 composantes qui sont soit des unités de formation et de recherche (UFR), plus communément appelées facultés, soit des écoles ou des instituts. Elle est répartie sur cinq sites : Besançon (Doubs), Belfort (Territoire de Belfort), Montbéliard (Doubs), Vesoul (Haute-Saône) et Lons-le-Saunier (Jura).

 

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