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Anna Hiddleston-Galloni

Co-directrice du Centre Pompidou × Jersey City
Mars-Avril 2023

© Anna Hiddleston-Galloni

  • Musées
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  • Washington, DC

« Les musées ne peuvent pas faire abstraction de l’émotion au profit de l’intellect, ni débattre sans faire preuve de respect. Le savoir doit aller de pair avec l’accessibilité, la beauté avec la diversité, l’art avec la société. »

Titulaire d’un Master en histoire de l’art, j’organise depuis vingt-cinq ans des expositions d’art moderne et contemporain pour des galeries privées et des institutions publiques. Aujourd’hui attachée de conservation au département d’art moderne du Centre Pompidou, j’ai récemment été chargée d’établir le programme des expositions pour le nouveau musée qui va voir le jour à Jersey City, dans le New Jersey.  

 

À quoi ce musée va-t-il ressembler, et en quoi sera-t-il différent de l’institution parisienne ? Notre objectif principal est de tisser des liens avec la communauté locale, tout en conservant les traits essentiels de l’identité du Centre Pompidou, lieu d’expositions, de réflexion et de débats pluridisciplinaires.  

 

J’ai toujours été soucieuse de toucher de nouveaux publics, et c’est plus que jamais un aspect central de ma mission. Comment impliquer la communauté locale ? Comment attirer des gens qui n’ont pas l’habitude d’aller au musée et leur donner le sentiment qu’ils y sont à leur place ? L’un des défis récurrents de l’organisation d’expositions est de trouver un équilibre entre les œuvres destinées aux spécialistes, la recherche historique, et une approche plus accessible pour les visiteurs.  

 

J’ai récemment été commissaire associée de l’exposition Georgia O’Keeffe, présentée au Centre Pompidou en septembre 2021, au moment où le monde s’ouvrait de nouveau après le confinement. Les visiteurs ont afflué, en partie parce que la pandémie les en avait empêchés pendant si longtemps, mais aussi parce que l’exposition ne se contentait pas de présenter des œuvres de l’artiste : elle parlait également de son parcours et de sa personnalité. Nous avions inclus des portraits d’elle, réalisés par des photographes célèbres, et une biographie complète avec des citations pour lui permettre de s’exprimer pleinement. L’histoire de l’art se mêlait ainsi à l’histoire personnelle de l’artiste. Ses peintures ne révélaient pas seulement la radicalité de ses innovations, mais aussi son expérience de la vie. La réaction des visiteurs montre à quel point la pandémie a accru notre besoin d’ouverture à l’autre, et combien il est essentiel de faire des musées des lieux riches d’expériences humaines, où l’on puisse partager ses idées et ses émotions. 

 

Anna Hiddleston-Galloni est titulaire d’un Master d’histoire de l’art de l’Institut Courtauld de Londres. Dès l’obtention de son diplôme, en 1995, elle a commencé à travailler comme assistante de recherche au Centre Pompidou, où elle a participé à l’organisation d’expositions consacrées à Alberto Giacometti, Jean Dubuffet ou encore Nicolas de Staël. En parallèle, elle a travaillé sept ans comme consultante spécialisée en arts pour le programme de patronage artistique de la Caisse des dépôts, avant de rejoindre le département d’art contemporain du Centre Pompidou en 2004, où elle a collaboré à diverses expositions, comme Danser sa vie et Air de Paris. Attachée de conservation du département d’art moderne depuis 2013, elle a été commissaire associée des expositions Matisse en son temps, Francis Bacon/Bruce Nauman : Face à face, Francis Bacon : En toutes lettres et, récemment, la rétrospective Georgia O’Keeffe.  

Pendant ma résidence, j’ai l’intention de collecter le plus de témoignages et d’exemples possible sur la manière dont les musées américains s’adressent aux minorités, aux communautés locales et aux enfants, pour voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, et rencontrer les gens qui font des musées des lieux ouverts et propices à la réflexion. Au fil des années, la médiation est devenue une part de plus en plus importante de notre métier. Cela passe par la création de podcasts, les visites virtuelles, les guides d’exposition, l’accueil de groupes scolaires, mais il faut aussi programmer des expositions qui parlent aux communautés locales et aux jeunes, pour replacer l’art dans un contexte social et explorer des thèmes qui reflètent les préoccupations actuelles.  

 

Notre pratique s’éloigne peu à peu des traditionnelles approches linéaires de l’histoire de l’art qui s’attachaient à montrer la succession des différents mouvements artistiques. Nous cherchons de nouvelles manières de décoloniser notre vision des collections et de rompre avec les vieux schémas pour élargir les frontières culturelles et accueillir toutes les formes d’art et tous les artistes dans leur diversité.  

 

J’aimerais aussi rencontrer les artistes qui travaillent dans ces villes, pour comprendre leurs préoccupations, leurs visions, et poser les bases de la collaboration la plus juste. Un musée ne doit pas seulement être un lieu d’exposition mais aussi de création et de production pour les artistes, les danseurs et les musiciens. Au Centre Pompidou, j’ai travaillé sur une série d’expositions d’artistes contemporains, l’Espace 315, une installation créée dans un espace spécifique du musée. Mais notre soutien aux artistes peut aller au-delà de la production, et inclure des résidences, des subventions, et la mise à disposition d’ateliers, de salles de concert ou de ressources techniques pour les aider dans leur travail. Je souhaite étudier les différentes approches des musées américains pour soutenir les artistes dans toutes les disciplines.  

Bien que je travaille régulièrement avec des musées américains, que ce soit pour organiser des expositions avec les collections du Centre Pompidou, solliciter des prêts d’œuvres de grandes collections américaines ou participer à des colloques ou des publications, je veux me plonger dans leur mode de fonctionnement. Prenons les musées de Washington, par exemple : beaucoup sont consacrés aux minorités : le Musée national de l’histoire et de la culture afro-américaines, le Musée national des Indiens d’Amérique, le Musée des arts asiatiques, des arts africains, le Musée national des artistes féminines, pour n’en citer que quelques-uns. C’est pourquoi il m’a paru logique d’y débuter ma résidence. Miami me donnera l’occasion d’explorer la scène artistique latino-caribéenne grâce aux nombreux artistes et communautés qui y résident, et Houston m’ouvrira les portes des institutions artistiques texanes, imprégnées d’histoires et de réalités bien différentes de celles de la Côte Est. Je pourrai y découvrir non seulement la magnifique collection Menil, mais aussi le musée des Beaux-arts de Houston et le musée Kimbell, à Fort Worth, qui a développé un vaste programme de sensibilisation aux œuvres d’art.  

 

L’une des missions les plus importantes d’un·e commissaire, c’est le partage. Nous ne pouvons pas faire abstraction de l’émotion au profit de l’intellect, ni débattre sans faire preuve de respect. Le savoir doit aller de pair avec l’accessibilité, la beauté avec la diversité, l’art avec la société. Au cours de cette résidence, je souhaite trouver de nouvelles manières d’exercer mon métier, en me concentrant sur des problématiques telles que la facilité et l’égalité d’accès à l’art, pour réinventer le musée en tant qu’espace où l’art et la vie sont liés.  

En partenariat avec

Centre Pompidou

Depuis 1977, le Centre Pompidou présente une riche programmation aux croisements des disciplines et des publics. Son bâtiment emblématique, qui abrite l’une des deux plus grandes collections d’art moderne et contemporain au monde, ainsi que des expositions, des colloques, des festivals, des spectacles, des projections ou des activités pour les plus jeunes, en font une institution sans équivalent, profondément ancrée dans la cité et ouverte sur le monde et l’innovation.

 

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