Skip to main Skip to sidebar

Portrait : Jacques Schwarz-Bart

Musique

Marc Baptiste

Le jazzman renommé Jacques Schwarz-Bart a développé un nouveau projet de Gwoka, portant le nom familier de Soné Ka-La 2/Odyssée. Après avoir expérimenté avec son répertoire délicat et intense en Guadeloupe et en Martinique, Jacques Schwarz-Bart enregistre actuellement cet album et prépare une tournée en France et aux Etats-Unis en 2021. Ce projet unique, qui rassemble des artistes tels que Sonny Troupé, Malika Tirolien, Gregory Privat, Arnaud Dolmen et Reggie Washington, a été sélectionné par le jury du programme Jazz & New Music de la Fondation FACE, en partenariat avec les Services Culturels de l’Ambassade de France aux Etats-Unis.  

“Brother Jacques” : Un talent inné et la découverte chanceuse du saxophone  

Fils d’une romancière caribéenne importante, reconnue pour ses récits sur l’esclavage, et d’un père juif polonais connu pour ses écrits sur la Shoah et gagnant du Prix Goncourt, Jacques Schwarz-Bart a passé son enfance dans un univers de réflexion sur la condition humaine. Son travail musical évoque des questions similaires à celles des écrits de ses parents, dans une atmosphère multi-culturelle entre rythme Afro-caribéen et mélodies spirituelles. Avant de devenir une figure majeure du jazz, Jacques Schwarz-Bart a suivi un parcours intéressant et inhabituel… 

Extrait du documentaire de Franck Cassenti: Jacques Schwarz-Bart. La Voix des Ancêtres. Le film nous emmène aux Caraïbes, aux Etats-Unis et en France, tandis que Jacques Schwarz-Bart exprime les pensées de son père et partage l’histoire d’une famille qui incarne le concept de “créolité” et “Tout-monde”.  

En sortant de Sciences Po, et de l’école de préparation de l’ENA, il est embauché par le Président du Conseil Général de Guadeloupe. Son destin semble alors écrit ; pourtant à ce moment-là il découvre le saxophone – et c’est une révélation.  

Après 2 ans en poste au Conseil Général de Guadeloupe, il démissionne pour s’installer à Paris, où il devient l’assistant d’un sénateur, et poursuit sa pratique musicale dans son temps libre. Un jour, il rencontre Garrison Fewell, guitariste et professeur au Berklee College of Music de Boston, au Caveau de la Huchette, qui lui demande de jouer. Cette rencontre est un tournant décisif pour Jacques Schwarz-Bart, que Garrison Fewell encourage à auditionner pour Berklee. A l’âge de 27 ans, Jacques Schwarz-Bart s’envole vers les Etats-Unis pour réaliser un rêve inattendu.  

Il commence à jouer aux côtés de Giovanni Hidalgo, Bob Moses et Danilo Perez. Ensuite, lorsqu’il sort de Berklee, il se retrouve auprès de D’angelo, Erykah Badu et Roy Hargrove, et participe à une révolution musicale importante avec l’apparition de la Neo Soul et du New Jazz. Toutefois, Jacques Schwarz-Bart, avec ses inspirations et son histoire unique, ne s’arrête pas là. Intéressé par la musique d’un point de vue spirituel, il crée deux nouveaux styles : le Gwoka, et le Voodoo Jazz.  

Gwoka et Voodoo Jazz : histoire musicale et culturelle 

Entraîné par un besoin émotionnel et une recherche de nouvelles esthétiques, le saxophoniste ténor Jacques Schwarz-Bart questionne l’histoire du gwo ka et laisse ses origines parler à travers son instrument. Ses parents lui ont fait découvrir ce style de musique, hérité des esclaves africains des Antilles françaises. Des rythmes comme le toumblak, pandjabel et même le kaladja inspirent le musicien, qui y trouve une nouvelle manière d’exprimer ses émotions par le langage musical.  

“Mon approche du Gwoka Jazz consiste à trouver et explorer les lieux de rencontre du jazz et de la musique gwoka, les décomposer et les modeler à ma façon. (…) J’utilise les sept rythmes fondamentaux du gwoka et les gammes des chansons traditionnelles, pour les reformer en nouvelles mélodies qui épousent un langage harmonique complexe, fondé sur le jazz moderne et la musique impressionniste. J’ai aussi créé un dialogue polyrythmique en assignant une partition différente à chaque instrument. Par exemple, les lignes de basse ne marquent jamais les mêmes accents que la batterie… Elles se rencontrent pour mettre en avant des points clés de la clave. Ce sont les différentes pièces d’un puzzle. Pour finir, j’établis toujours un équilibre entre le complexe et le simple pour maintenir une profondeur de perception multi-dimensionnelle à travers le récit.” Jacques Schwarz-Bart, interviewé par Vandoren.  

En même temps qu’il explore les possibilités du Gwoka Jazz, il continue de développer l’ouverture de son expression musicale avec un autre “jazz créolisé” inspiré par le vaudou. L’un de ses albums, Jazz Racine Haïti résume ce projet ambitieux qui célèbre les chansons religieuses traditionnelles vaudou, en y incorporant la musicalité et spiritualité du jazz.  

“Le Voodoo Jazz est un processus complètement différent. Au lieu de déconstruire pour reconstruire, j’ai simplement mis en valeur les deux styles. Les chants vaudous sont très complexes à la fois dans leur emploi de gammes larges, de structures asymétriques et variations de motifs, développements et modulations. Je suis donc resté très proche des chants religieux originels, et ajouté un langage harmonique riche, et des structures qui ouvrent de l’espace pour de l’improvisation de jazz. Le dernier aspect de mise en valeur a consisté en l’écriture de nouveaux passages qui aident à introduire et/ou prolonger un chant.” Jacques Schwarz-Bart, interviewé par Vandoren.  

Jazz Racine Haïti est aussi le sujet central du documentaire Jazz Racine, réalisé par Celidja Pornon & Giuseppe De Vecchi, qui montre Jacques Schwarz-Bart travaillant sur son album avec le prêtre vaudou Erol Josué, et sa mère Simone Schwarz-Bart.  

Dans chaque album, Jacques Schwarz-Bart continue d’explorer ses racines, et exprime la musicalité infinie du jazz. Par exemple, son album de 2017 appelé Hazzan célèbre ses origines, cette fois-ci paternelles, donnant les couleurs du jazz à la musique liturgique juive. Une véritable fête qui dépasse les connotations sacrées de la musique liturgique, pour aller vers quelque chose de nouveau et puissant.  

Quinze ans plus tard : de Soné Ka-La à Soné Ka-La 2/Odyssée 

En 2005, le premier album signé par Jacques Schwarz-Bart, Soné Ka-La, est un triomphe international, amenant le jazz gwoka dans 23 pays avec les musiciens Sonny Troupé, Olivier Juste et Milan Milanovic. En 2020, le projet Soné Ka La 2/Odyssée émerge avec une nouvelle approche, la fusion de la mélodie du saxophone avec la voix captivante de Malika Tirolien. Des touches contemporaines et électroniques complimentent ces mélodies stupéfiantes avec le clavier de Grégory Privat, la batterie de Arnaud Dolmen et le Ka de Sonny Troupé, et la magie de la basse de Reggie Washington. Soné Ka-La 2/Odyssée est à la fois un projet musical de recherche été le résultat final d’un mélange de genres par l’improvisation, ainsi que le produit d’un long travail.  

Jacques Schwarz-Bart est un interprète avec dix albums à son nom, ainsi qu’un compositeur et éducateur. Il a aussi produit plus de 20 albums pour divers artistes, est présent dans 150 albums, et a donné des master classes et ateliers dans 12 pays différents. Né en 1962 aux Abymes, en Guadeloupe, Schwarz-Bart a commencé le saxophone à 24 ans, un âge auquel la plupart des musiciens sont déjà professionnels. Schwarz-Bart a été nommé Chevalier des Arts et des Lettres par le gouvernement français en 2015. Il enseigne actuellement à Berklee, tout en maintenant des tournées régulières. Il est lauréat du Prix Bernheim pour les Arts en 2017.  

Contenus associés

Inscrivez-vous pour recevoir toute notre actualité en exclusivité