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Stéphanie Gillard

Cinéaste
Spring 2025

  • Cinéma
  • Chicago

« Nous découvririons la vie sur la réserve à travers leurs yeux, et nous rencontrerions eux et d’autres vétérans des guerres précédentes dans l’histoire des États-Unis, pour raconter une histoire qui se répète et les dépasse. Pour raconter l’histoire de leurs difficultés et de leur désir de retrouver leur place. »

Mes films peuvent sembler très différents en termes de sujet, mais ils résonnent toujours avec un genre particulier ou un univers cinématographique, avec des thèmes communs et, surtout, une approche, une manière de travailler et de réfléchir sur le documentaire. Chacun de mes films a exploré les dynamiques de groupe. J’ai toujours raconté des histoires de transmission, que ce soit dans une école touareg, lors d’une randonnée lakota Sioux, ou avec des jeunes escrimeurs des Antilles françaises, des championnes de football ou des supporters camerounais. C’est parce que le partage, la mémoire collective, l’Histoire et les récits, la question de savoir d’où nous venons pour décider où nous allons, comment nous nous construisons, à tout âge, les liens entre générations… toutes ces questions me motivent. C’est ma façon de voir le monde, dans cet échange permanent, ces familles, ces groupes, ce sont les personnes que je souhaite filmer parce que je me sens proche d’eux dans leurs valeurs, dans leur manière d’aborder la vie, et ils forment un monde que j’aime : des hommes et des femmes modestes et généreux qui veulent toujours avancer malgré les difficultés.

 

Après un master en droit, elle intègre l’ENSAV (École Nationale Supérieure d’Audiovisuel) à Toulouse. Elle travaille ensuite comme assistante réalisatrice et productrice avec Les Films à Lou, Agat Films, Maïa Films et La Ménagerie. Elle produit et réalise son premier film, Une Histoire de Ballon, sur la rencontre entre la tradition orale et le football en Afrique, diffusé sur ARTE et récompensé par l’Étoile SCAM. Elle réalise ensuite trois documentaires pour la télévision et deux longs-métrages documentaires diffusés en salles : The Ride (Festival de Tribeca) et The Squad (Festival d’Angoulême, CPH, IFI Dublin…).

Depuis 2022, elle enseigne le documentaire aux étudiants étrangers au Summer College de La FEMIS.

Lors de mes voyages à travers les réserves pour réaliser The Ride, j’ai rencontré des vétérans de toutes les guerres américaines depuis la Seconde Guerre mondiale. Au fil des décennies, de nombreux jeunes Lakota rejoignent l’armée. Ils partent encore adolescents. Une structure, l’armée, remplace une autre, la famille. Après deux ou trois missions, ils reviennent et doivent s’intégrer dans la vie professionnelle et gérer un foyer. Mais avant leur départ, ils n’avaient jamais eu à gérer cette vie d’adulte. C’est un schéma qui se répète depuis des générations et explique en partie l’oisiveté des soldats, la dépression et les difficultés de réinsertion (sans oublier le désintérêt et le désengagement de l’armée une fois leurs services rendus).

Après The Ride, j’aimerais revenir à la réserve de Standing Rock (et peut-être aux réserves de Cheyenne River, Rosebud et Pine Ridge) pour réaliser un film sur les jeunes vétérans Lakota, leurs vies, leurs aspirations, leurs doutes et leurs fragilités. Nous découvririons la vie sur la réserve à travers leurs yeux et nous les rencontrerions, ainsi que d’autres vétérans des guerres précédentes dans l’histoire des États-Unis, pour raconter une histoire qui se répète et les dépasse. Raconter l’histoire de leurs difficultés et de leur désir de retrouver leur place.

Je veux comprendre ces hommes et ces femmes, ce qui les a motivés, comment ils perçoivent leurs années militaires. Comment ils s’insèrent dans un pays construit sur les cendres de leur peuple ? Pourquoi ressentent-ils le besoin de prendre les armes pour lui ? Comment gèrent-ils le racisme et le rejet de ceux pour qui ils sont partis se battre ? Comment chacun a-t-il vécu le départ, la guerre, le retour, la relation à la mort, à la vie, à la réserve, à la fois à la nation Lakota et à celle des États-Unis ? C’est l’ambivalence de leur vie qui sera au cœur du film.

Je pense que je suis lié aux États-Unis d’une certaine manière. Depuis mon enfance, je suis passionné de cinéma, notamment des classiques d’Hollywood. Et ma sœur aînée a décidé de quitter la France pour les États-Unis lorsque j’avais 12 ans. Elle est citoyenne américaine depuis plus de 30 ans maintenant et vit à New York. Cette décision a été un choc pour moi, surtout à un moment où je construisais ma réflexion critique à travers les films. Je suppose que c’est là que sont nées mon intérêt personnel pour l’histoire des États-Unis. Cette situation m’a amené à me demander ce qui avait attiré ma sœur dans ce pays. Comme s’il y avait un monde et des questions à explorer entre les films que je regardais, l’Histoire telle qu’elle est racontée à travers les films, et la réalité. Mon objectif à travers The Ride et le projet The Road Home est d’interroger les traces de l’Histoire dans la vie d’aujourd’hui.

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