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Sandra Jackson-Opoku

Auteure de romans historiques
2026

  • Littérature
  • Chicago
  • La Nouvelle-Orléans

« Days of DuSable pourrait bien bouleverser les récits dominants autour de Jean Baptiste Point DuSable, cet homme noir francophone à l’origine de la fondation de Chicago moderne. Alors que ma nation s’apprête à commémorer son 250ᵉ anniversaire, j’espère contribuer à restituer la voix originelle de DuSable, à éclairer la complexité de son historiographie, et à ouvrir de nouvelles pistes de réflexion autour de l’une des figures les plus énigmatiques de l’histoire franco-américaine. »

Mon écriture explore l’histoire, le genre, l’identité, l’hybridité et les migrations dans la diaspora africaine. Elle s’inspire d’une croyance ouest-africaine selon laquelle trois mondes coexistent : celui des vivants, celui des âmes à naître et le royaume des ancêtres. Ainsi, ces œuvres sont peuplées de personnages aux expériences et origines diverses, une communauté mondiale de descendants africains et de groupes apparentés, qui peuvent être aussi bien des âmes à naître ou des anciens disparus que des êtres vivants. Des figures folkloriques et des personnages non humains y apparaissent également, du malicieux arachnide Kwaku Ananse à une colonie de lézards domestiques africains.

Les liens entre populations humaines et voies d’eau mondiales m’ont toujours fascinée, qu’il s’agisse des réseaux commerciaux de la route de la soie reliant les communautés de l’Afrique ancienne, de l’Asie et de l’Europe méditerranéenne, des écologies de la traversée atlantique (Middle Passage), de la grande inondation du Mississippi de 1927, de la géopolitique des îles atlantiques, ou encore des voyages d’un marchand de fourrures métis du XVIIIᵉ siècle le long des rivières et Grands Lacs du Midwest américain. Je m’intéresse également aux cultures linguistiques issues de ces rencontres. Cette problématique est au cœur de mon projet de résidence à la Villa Albertine.

Days of DuSable entend bousculer les récits dominants à propos de Jean Baptiste Point DuSable, un homme noir francophone à qui l’on attribue la fondation de la ville moderne de Chicago. Mais alors que mon pays s’apprête à célébrer son 250ᵉ anniversaire, j’espère contribuer à redonner voix au langage originel de DuSable, à éclairer la complexité de son héritage et à ouvrir de nouvelles pistes de réflexion autour de l’une des figures les plus énigmatiques de l’histoire franco-américaine.

 

Sandra Jackson-Opoku est l’autrice de trois romans primés. The River Where Blood is Born a reçu le Black Caucus Award de l’American Library Association. Hot Johnny and the Women Who Loved Him a figuré parmi les best-sellers en fiction reliée du magazine Essence. Savvy Summers and the Sweet Potato Crimes a remporté le Malice Minotaur Award du premier roman policier. Ses œuvres de fiction, de non-fiction, de poésie et ses textes dramatiques ont été largement publiés et produits. Elle a reçu de nombreuses distinctions, parmi lesquelles une bourse du National Endowment for the Arts, le Chicago Esteemed Artist Award, la Hearst Foundation James Baldwin Fellowship, le prix Casa África Purorrelato et une Travis Bogard Fellowship au Eugene O’Neill Center à Tao House.

Lors de l’« été de la prise de conscience » en 2020, à la suite du meurtre de George Floyd par des policiers de Minneapolis, des manifestants ont défilé dans le centre-ville de Chicago. La police fut envoyée pour les détourner du quartier commerçant huppé du Magnificent Mile, et la maire Lori Lightfoot ordonna de lever le pont de Michigan Avenue. La marche s’arrêta de l’autre côté de la rivière, face à Pioneer Court, où l’entrepreneur métis du XVIIIe siècle, Jean Baptiste Point DuSable, avait établi une demeure et un comptoir de commerce qui allaient donner naissance au Chicago moderne.

J’ai réfléchi aux complexités de la race, de la classe et du genre dans une ville fondée par un homme noir et dirigée alors par une femme noire. De ces réflexions sont nées des nouvelles, dans lesquelles un enfant voyage dans le temps, du Chicago du XVIIIe siècle jusqu’à une marche Black Lives Matter du XXIe siècle. The Secret Place (2021) et Lucky Charms (2025) ont évolué pour devenir Days of DuSable, un roman historique en cours d’écriture. On sait peu de choses de sa vie, c’est pourquoi je réexamine l’héritage de DuSable à travers le prisme d’une forme littéraire inventée par la poétesse, philosophe et militante féministe Audre Lorde : la biomythographie, qui combine des éléments d’histoire, de biographie et de mythe pour créer un récit épique.

Bien que personne de mon entourage ne parlait la langue, j’ai grandi dans un Chicago imprégné de toponymes français — Vincennes, LaSalle, Joliet, Marquette. L’Illinois faisait autrefois partie de la Haute-Louisiane, lorsque les possessions françaises s’étendaient du golfe du Mexique jusqu’aux Grands Lacs — un espace où alliances, ethnies et langues étaient en perpétuel mouvement. DuSable parlait probablement un peu d’anglais, quelques rudiments de langues autochtones, ainsi qu’un ou plusieurs dialectes français : le « muskrat French », le français du Pays des Illinois/Missouri (aussi appelé Paw-Paw French, français vincennois ou français cahok).

Dans son activité de marchand de fourrures, Jean Baptiste Point DuSable sillonna les terres et les voies d’eau, voyageant avec son réseau de parenté adopté au sein des Potawatomis à travers l’Illinois, l’Indiana et le Michigan, peut-être même jusqu’au Québec. Des décennies après sa mort, un auteur affirma que DuSable était originaire d’Haïti, une hypothèse aujourd’hui remise en question par la recherche contemporaine. Son aisance face à la complexité des langues, des identités et des dynamiques géopolitiques de la région suggère qu’il n’était pas un immigré, mais un indigène.

La langue véhiculaire de DuSable était vraisemblablement le français du Pays des Illinois, un patois nourri d’influences autochtones, canadiennes et africaines. Jadis largement parlé dans certaines régions de l’Indiana, de l’Illinois et du Missouri, il ne subsiste plus aujourd’hui que chez quelques dizaines de personnes âgées vivant dans des zones isolées à l’est du Missouri.

Afin d’esquisser une approximation littéraire de ce dialecte, je m’appuierai sur les ressources archivistiques de la Newberry Library et de la Chicago Historical Society, et je consulterai des spécialistes du programme France@Illinois au sein du département de langues du monde de l’Université de l’Illinois, ainsi que du département de français de l’Université de Louisiane du Sud à Bâton Rouge. Je prévois également un travail de terrain à Kaskaskia (Illinois), ainsi qu’à Old Mines, Sainte Geneviève et Saint-Louis (Missouri), en m’appuyant sur les sociétés historiques locales et les locuteurs natifs. J’assisterai à des festivals consacrés à l’héritage français et au congrès annuel du French Center for Colonial Studies, centre de recherche dédié au patrimoine français dans le Midwest. J’espère également pouvoir rencontrer l’ethnomusicologue Douglas Stroughmatt, qui a su préserver des éléments de ce dialecte à travers des chants populaires.

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