Prune Antoine
Reporter et écrivaine
Janvier-février 2025
- Littérature
- Houston
« Un film ou un rêve, c’est ça l’Amérique. Quelque chose qui n’est pas réel. Et quelle meilleure inspiration ? »
Née en France en 1981, j’ai grandi en Europe et je suis basée à Berlin depuis 2008. J’écris de la fiction et de la non-fiction. Je me suis principalement intéressée au monde post-soviétique et aux conséquences des conflits récents notamment sur les femmes. La Villa Albertine est une chance unique de poursuivre mon travail sur un sujet qui me fascine : les biais de genre en psychiatrie.
Prune Antoine est journaliste indépendante et romancière. Ses reportages ont été publiés par de grands médias et ont été sélectionnés pour le European Press Prize, le True Story Award ou le Prix franco-allemand du journalisme.
Elle a enquêté sur de nombreux sujets à l’intersection entre relations internationales, politique, société. L’Heure d’été (2019), finaliste du Goncourt du premier roman, se penche sur les espoirs d’un couple de Millenials à Berlin, aux prises avec la précarité, la gentrification et l’amour libre, dans une Europe au bord de la crise de nerfs. Plus récemment, La mère diabolique (2024) s’intéresse aux ambivalences de la maternité et revient sur l’affaire criminelle Christiane K.
Elle a bénéficié de la bourse Milena Jesenska à l’Institut des Sciences Humaines de Vienne et a été journaliste invitée à l’Institut Max Planck de droit international de Heidelberg.
C’est en préparant La mère diabolique que j’ai commencé à m’intéresser aux biais de genre dans la justice pénale et dans la psychiatrie. J’ai cherché à comprendre comment les femmes sont jugées, expertisées, évaluées. A l’automne 2023, j’ai obtenu une bourse de recherche à l’Institut des Sciences humaines de Vienne pour travailler sur les femmes et la psychiatrie. Quels critères sont utilisés pour évaluer les troubles psychiques au féminin ? Sont-ils justes ? Adaptés ? Et les traitements ? J’ai alors découvert la psychiatrie reproductive.
Aux États-Unis, c’est une discipline médicale récente et en plein boom qui se concentre sur les liens entre le cycle menstruel, les bouleversements hormonaux et la psychiatrie. Il existe des thérapeutes, des cursus universitaires, des unités psy spéciales. En Europe, nous n’en avons quasiment pas entendu parler.
D’où cette question que j’aimerais traiter de manière très incarnée dans un nouveau projet de non fiction littéraire : est-ce que la psychiatrie reproductive pourrait révolutionner la prise en charge de la santé mentale des femmes (en chute libre depuis la pandémie) ? Pourquoi ? Comment ?
Mon idée est de m’immerger dans une clinique pendant plusieurs semaines et d’observer ce qui s’y passe : qu’est-ce que ces femmes en souffrance mentale nous disent aussi de l’Amérique ? Implanter ce projet dans l’un des Etats les plus conservateurs des Etats-Unis, le Texas, n’est pas un hasard : je veux comprendre à quel point la politique influence la vie des femmes, leurs histoires les plus intimes. On voit déjà combien l’agenda conservateur porte atteinte aux droits des femmes, comme avec l’interdiction de l’accès à l’IVG.
Mon rapport avec l’Amérique est contradictoire : je ne me sens jamais plus européenne que lorsque je suis aux Etats-Unis. Ce que j’aime dans les Etats-Unis, c’est la démesure, l’absence de limites, l’espace. Je me souviens d’un road trip entre la Silicon Valley et Las Vegas dans une vieille voiture tombée en rade au milieu de nulle part, la station-service poussiéreuse, l’accent trainant du pompiste, la chaleur sur le bitume, un vrai cliché oui mais je me sentais déjà comme dans un film. Un film ou un rêve, c’est ça l’Amérique. Quelque chose qui n’est pas réel. Et quelle meilleure inspiration ?
J’avais envie de prendre un pouls plus lent, moins policé que la côte Est et Ouest que j’ai déjà parcourues, quelque chose de plus cru, de plus dur, de plus authentique peut-être. Je ne connais rien du Texas si ce n’est cette idée de l’Amérique profonde, cette culture des cowboys et des rodéos et je me réjouis de le découvrir à travers les femmes. J’ai trouvé une clinique à Houston, le Pavillon des Femmes, et je voudrais évidemment rencontrer des psychiatres, des infirmières et des patientes et peut-être les accompagner un peu plus chez elles, dans leur cadre familial. Je prévois aussi des incursions dans d’autres endroits plus petits, dans le grand Sud.
En partenariat avec
Editions Denoël