Philippe Lacôte
Cinéaste
Septembre - Novembre 2024
- Cinéma
- New York
«La résidence à la Villa Albertine me permettra de prendre le pouls de New York et de Harlem, documenter le monde des soufis, et travailler mon regard de cinéaste afin de faire des 7 voleurs d’or un film personnel et ancré dans une réalité. »
Mon travail de réalisateur a pris plusieurs formes avant de se concentrer ces quinze dernières années sur mon histoire personnelle à travers le portrait politique et social de mon pays d’origine, la Côte d’Ivoire. Au fil des années, j’ai développé un regard qui puise dans différents imaginaires multiculturels, et se distingue par un désir fort de raconter des histoires. Mes histoires sont vastes et épiques. Elles traversent les évènements du monde, et la trajectoire de mes personnages les confronte à la grande Histoire. Ma dernière réalisation a poussé encore plus loin cette démarche, car dans LA NUIT DES ROIS, le sujet principal c’est l’art de raconter. En plaçant un jeune homme de 17 ans dans un milieu carcéral hostile, j’ai créé une sorte de Shéhérazade moderne, qui est obligé de raconter une histoire aux autres prisonniers. Et s’il veut survivre, cette histoire doit durer toute la nuit…
Dans mon prochain film LES 7 VOLEURS D’OR, je souhaite m’interroger sur la notion de narratif dans la famille. Qu’est-ce que l’histoire d’une famille ? Comment elle prend forme et quelle est sa part de vérité ou de mythe ? Comment les évènements historiques changent ou non le cours de cette histoire ? Dans quelle mesure, la notion de destin ou de fatalité est-elle active ? Nous avons tous, dans nos récits personnels, des personnes ayant fait des choix qui ont changé l’histoire de nos familles, et donc notre propre histoire.
Philippe Lacôte grandit à Abidjan, capitale économique de la Côte d’Ivoire. Il a écrit et réalisé les longs métrages Run (Cannes Un certain regard 2014) et La Nuit des Rois (Venise Orizzonti 2020, TIFF Amplify Voices Award, Rotterdam Youth Jury Award), ainsi qu’une série documentaire en 4 épisodes pour ARTE, Les Routes de l’esclavage. En 2023, il tourne Killer Heat pour Amazon Studios, avec Joseph Gordon-Levitt et Shailene Woodley dans les rôles titres. En parallèle il développe Les 7 voleurs d’or, dont le récit se déroule sur deux continents, l’Afrique et l’Amérique.
Mon prochain long métrage, Les 7 voleurs d’or, se passe en majeure partie à New York, dans la diaspora africaine de Harlem. Le film se déroule sur plusieurs générations entre l’Afrique de l’Ouest et les USA, par-delà l’océan Atlantique. Le cœur de l’action des 7 VOLEURS D’OR se déroule au sein d’une communauté soufie de Harlem : les Tidjanies. Il s’agit d’une plongée dans un monde peu connu, avec ses codes et ses rituels. J’ai l’intention de réaliser un travail en immersion dans cette communauté, pour en faire un portrait de l’intérieur, selon l’approche documentaire que j’aime apporter à mes films de fiction. Pour entrer en contact avec les membres de cette communauté, je compte m’appuyer sur des contacts noués en Côte d’Ivoire dans la communauté Tidjane et aussi rencontrer l’anthropologue Zain Abdullah (Black Mecca: The African Muslims of Harlem), qui pourra me raconter l’histoire de ces communautés et me guider vers les bonnes personnes. Le film fait plus largement le portrait de Harlem, le quartier noir historique, et de ses immigrants africains. Cette partie nécessite de passer du temps pour des repérages approfondis, et pour mieux connaître et comprendre le fonctionnement des communautés. A ce titre, je souhaite rencontrer Boukary Sawadogo, burkinabè d’origine installé à Harlem, professeur au City College of New York, qui a écrit Africans in Harlem (2022), une source pour tout ce qui concerne l’histoire de Harlem du point de vue de l’immigration africaine.
La résidence à la Villa Albertine me permettra de prendre le pouls de New York et de Harlem, documenter le monde des soufis, et travailler mon regard de cinéaste afin de faire des 7 voleurs d’or un film personnel et ancré dans une réalité.
Il y a quelques années, en me promenant dans les rues de Harlem, j’ai été étonné d’entendre du « mooré » et d’autres langues d’Afrique de l’Ouest, les mêmes que celles que j’entends à Abidjan. Une amie d’enfance ivoirienne, devenue chauffeur de taxi à New York et qui m’avait invitée à visiter « sa » ville, m’a expliqué que les modifications apportées aux lois sur l’immigration en 1965 avaient entraîné un afflux d’immigrants ouest-africains à New York, qui s’est encore accentué depuis 2010, créant une enclave que les habitants de Harlem appellent désormais « Little Africa« . Jusqu’à présent, l’histoire de Harlem a été celle de l’expérience afro-américaine. Il est incontestable que Harlem jouit d’un héritage historique dans la culture et la politique noires grâce au mouvement de la Harlem Renaissance, aux Afro-Américains, aux leaders des droits civiques et aux icônes culturelles et littéraires qui ont contribué à la renommée de Harlem à New York et parmi les populations noires du monde entier. Aujourd’hui, avec un nouvel objectif et dans l’optique d’une autre diversité, je cherche à découvrir une partie de l’histoire inédite des migrants d’origine africaine à Harlem. De toutes les diasporas qui ont peuplé les Etats-Unis, celle-ci est assez récente. Elle fait l’objet de recherches universitaires mais a été peu montrée au cinéma. J’irai sur le terrain à la rencontre des habitants de Harlem issus de la diaspora africaine pour comprendre et documenter leur mode de vie, et visiterai aussi les lieux de culture et de recherche inscrits dans la vie et la géographie du quartier, comme The Africa Center et le Schomburg Center for Research in Black Culture in Harlem.
En partenariat avec
Ford Foundation
La Fondation Ford est un organisme indépendant qui combat les inégalités afin de construire un avenir plus juste. Depuis plus de 85 ans, elle soutient des artistes visionnaires, à la pointe des changements sociétaux dans le monde entier, et s’efforce de renforcer les valeurs démocratiques, réduire la pauvreté et l’injustice, promouvoir la coopération internationale et contribuer aux progrès de l’humanité. Forte d’une dotation de 16 Md$, la fondation siège aujourd’hui à New York et possède une dizaine d’antennes régionales en Afrique, en Asie, en Amérique latine et au Moyen-Orient.
Paradise City Films
Basée à Paris et à Londres, Paradise City est une société de production active dans les champs du cinéma et de l’audiovisuel, née de l’association entre Émilie Georges et Naima Abed. De leurs collaborations au sein de Memento International et de La Cinéfacture, elles ont développé une expertise unique dans le développement, la production et la vente de films internationaux avec des films tels que Call me By your Name de Luca Guadagnino, Drift d’Anthony Chen, The True Story of the Kelly Gang de Justin Kurzel ou encore Piercing de Nicolas Pesce.