Bintou Dembélé
Chorégraphe
5 août au 1er novembre 2021
- Arts de la scène
- Chicago
« Mon expérience m’a fait prendre conscience de la nécessité d’investir le champ de la parole, d’inventer des mots où le vocabulaire manque, pour devenir les auteur.trice.s de nos propres récit. »
Danseuse et chorégraphe, mon parcours est lié à l’histoire du Hip-Hop en France. J’ai commencé à danser à l’âge de dix ans, dans les années 1980, à l’époque où l’on découvrait ce mouvement par la télévision et les VHS importées des États-Unis. J’ai vécu les différentes phases de l’émergence de cette culture : professionnalisation, commercialisation, dépossession et réappropriation.
Ma recherche actuelle s’intéresse aux conditions de l’apparition et du développement d’une pensée marronne. La figure de la fugue – consciente, volontaire – y occupe une place centrale. Historiquement, le terme marronnage désignait la fuite des esclaves africains hors des plantations, dans le but de recréer des sociétés nouvelles et libres. Par la suite, cette notion a été étendue aux arts par des écrivains comme Dénètem Touam Bona ou des universitaires comme Sylvie Chalaye : il s’agit de détourner un système contraint pour reconquérir un espace de liberté.
À travers cette notion, je m’efforce de développer une démarche décloisonnée qui englobe création, pensée et mise en actes dans la société. Cette démarche se nourrit de dialogues et collaborations avec des chercheuses universitaires comme Noémie N’Diaye ou Isabelle Launay. Mon expérience m’a fait prendre conscience de la nécessité d’investir le champ de la parole, d’inventer des mots où le vocabulaire manque, pour devenir les auteur.trice.s de nos propres récits.
Bintou Dembélé est l’une des artistes majeures du mouvement Hip-Hop en France. Elle collabore avec des artistes comme Denis Darzacq, Mohamed Bourouissa et Yolande Zauberman. En 2002, elle crée Rualité – d’après les mots « rue » et « réalité » – structure au sein de laquelle elle explore les mémoires des rituels et des corps, les cultures de la marge, les zones d’ombre de l’Histoire coloniale et postcoloniale, à travers la danse, la musique et la voix. En 2017, Clément Cogitore fait appel à elle pour chorégraphier Les Indes galantes à l’Opéra national de Paris. Depuis 2019, elle est artiste associée aux Ateliers Médicis (Clichy-Montfermeil). En 2021, elle est en résidence à la Villa Médicis (Rome).
Depuis mes débuts dans le Hip-Hop en 1985, puis tout au long de mon parcours professionnel, j’ai eu à cœur de déjouer les injonctions et assignations par le détournement : c’est ainsi que les cultures de la marge s’imposent et acquièrent un espace.
Je ressens aujourd’hui la nécessité de poser un axe dédié à la recherche : cette recherche s’articule avec d’autres esthétiques, d’autres disciplines, d’autres espaces. Elle vise à créer un champ des possibles de la pensée marronne dans une quête de liberté créatrice.
En 2010, j’ai travaillé sur le fait colonial et la construction du regard occidental à travers les « zoos humains », auxquels j’ai consacré le spectacle Z.H. en 2014. Historiquement, ces mises en scène « exotisantes » de pratiques culturelles venues des Suds se fondent sur une dévalorisation, une déconsidération et un rejet qui perdurent encore dans notre société sous des formes diffuses. Je me suis également intéressée au travail de la chorégraphe, anthropologue et militante chicagoane Katherine Dunham, la première à créer un ballet africain-américain étudiant les relations entre les danses traditionnelles insulaires et leurs origines africaines, en collaboration avec Ruth Page. A la Villa Médicis à Rome, j’ai commencé un projet de livre, une autre manière d’inscrire une trace. Aussi, j’ai pris part au projet Black Baroque amorcé par Noémie Ndiaye, Assistant Professor à l’Université de Chicago : une relecture essentielle de l’Histoire de la performance théâtrale et opératique.
Cette résidence m’a donné l’opportunité de poursuivre ces différents projets, de repenser sur une longue période ma démarche artistique, de déposer mon expérience du terter (terrain), et de tourner la page en ce moment de rupture où le chaos doit faire place à la renaissance et au renouveau.
Le nom de Chicago est associé à des luttes historiques, sociales et sociétales, qui ont eu une importance fondatrice. L’Histoire de la ville est indissociable d’une forme de multiculturalisme qui semble plus visible aux Etats-Unis qu’en France où il est sans cesse remis en cause. Chicago est également associée pour moi à des personnalités politiques telles que sa maire Lori Lightfoot ou des artistes emblématiques comme le peintre Kerry James Marshall. J’ai souhaité m’imprégner de l’esprit de cette ville, comprendre et comparer son histoire multiculturelle, à celle que je connais et que je vis quotidiennement en France.
Depuis plusieurs années, je m’imprègne, par exemple, des alliances entre les Bushinenge (noirs marrons) et les Kãlina (autochtones) de la Guyane française. Qu’en est-il à Chicago des relations entre les communautés ? Comment se pensent les communautés Queer ? Quels récits sont contés ? Comment ces communautés s’y prennent-elles pour conserver leurs traces, se célébrer, évoluer, se réinventer ?
J’ai voulu aller à la rencontre d’initiatives innovantes – individuelles ou collectives, institutionnelles ou underground – qui s’intéressent à la cohabitation entre artistes, habitant.es et institutions culturelles.
Depuis deux ans, je suis en résidence à Clichy-Montfermeil (là où ont commencé les révoltes urbaines en 2005), et cette résidence aux Etats-Unis s’inscrit dans le cadre de la plateforme collaborative Clichycago coproduite par les Ateliers Médicis et la Villa Albertine à Chicago.
En partenariat avec
Ateliers Médicis
Situés à Clichy-sous-Bois et Montfermeil dans le département de Seine-Saint-Denis, les Ateliers Médicis s’attachent à faire émerger des voix artistiques nouvelles, diverses, et à accompagner des artistes aux langages singuliers et contemporains. Ils accueillent en résidence des artistes de toutes disciplines et soutiennent la création d’œuvres pensées en lien avec les territoires. Ils favorisent et organisent la rencontre entre artistes et habitants.
Rualité
Compagnie de danse créée en 2002 par Bintou Dembélé d’après les mots « rue » et « réalité »
Ministère de la Culture et de la Communication – Drac Ile-de-France, Région Ile-de-France / Permanence Artistique et Culturelle, Département de la Seine-Saint-Denis, Fonds Inkermann, Fonds de dotation Francis Kurkdjian
Partenaires de Rualité, compagnie de danse de Bintou Dembélé
In8circle
Maison de production pour l’administration, la production et la diffusion
Experimental Station
Infrastructure culturelle indépendante créée en 2006 dans le South Side de Chicago, encourageant une écologie dynamique de programmes éducatifs et culturels innovants, de petites entreprises commerciales et d’initiatives communautaires
High Concept Labs
High Concept Labs (HCL) renforce le secteur de la création en proposant des programmes de résidence accessibles aux artistes de toutes disciplines intéressés par l’expérimentation, la découverte, l’échange et le risque
Hyde Park Art Center
Le Hyde Park Art Center est une plaque tournante des arts contemporains à Chicago, servant d’espace de rassemblement et de production pour les artistes et la communauté au sens large afin de cultiver des idées, d’avoir un impact sur l’évolution de la socété et de créer et se connecter à de nouveaux réseaux.
Logan Center for the Arts
Conçu comme un foyer pour la vie créative sur le campus de l’Université de Chicago, le Reva and David Logan Center for the Arts est un partenaire, une ressource et un catalyseur pour développer des réseaux culturels plus profonds et des projets créatifs plus riches dans toute la ville et au-delà.
Université de Chicago
Depuis plus de 125 ans, l’Université de Chicago forme des étudiants dans les domaines des sciences, de la médecine, de l’économie, du droit, des affaires, de l’histoire, de la culture, des arts et de la recherche humaniste.
France Chicago Center
Le Centre France Chicago est une organisation interdisciplinaire basée à l’Université de Chicago qui facilite, promeut et favorise le renforcement des liens entre les étudiants et les chercheurs de l’Université de Chicago et leurs collègues en France, tout en sensibilisant la communauté de l’Université de Chicago à la culture, l’art et la pensée française.