Ana Mendoza Aldana
Curatrice, critique d'art et poète
Mars-Avril 2026

- Littérature
- La Nouvelle-Orléans
« À travers une recherche dans les archives de Tennessee Williams à La Nouvelle-Orléans, je m’intéresse à comment la création littéraire et l’expérience plastique peuvent être un moyen de lutter contre les sentiments d’aliénation et la mélancolie. »
Je suis née à Guatemala ciudad et vit à Paris depuis plus de quinze ans. Les tensions entre le déracinement et l’intégration, entre le désir d’un sentiment d’appartenance et le refus d’une abdication face aux injonctions hétéronormatives, orientent mon regard de curatrice, de critique d’art et de poète.
J’organise des expositions viscérales qui se basent sur une recherche intuitive approfondie. Celles-ci tissent des chemins narratifs à travers les œuvres d’artistes contemporain·es avec qui je travaille étroitement, et dont je m’efforce de restituer les spécificités contextuelles, territoriales, et les réflexions plastiques. J’affectionne tout particulièrement une approche féministe, queer, et les récits qui se construisent à la marge.
La littérature est souvent un point de départ qui me permet de multiplier les portes d’accès à des expériences esthétiques sensibles, situées et intellectuelles.
En passant par l’écriture et le texte, j’essaye de déployer des associations d’images, de rythmes et de sons émancipées, en empruntant les formes libres et les jeux typographiques de la poésie. Je développe une forme de critique d’art qui propose des lectures ouvertes à la fois raisonnées et émotionnelles des démarches artistiques.
Après des études en Histoire à Strasbourg et en Histoire de l’art à La Sorbonne à Paris, Ana Mendoza Aldana a collaboré avec des galeries et centres d’art essentiels dans la construction d’une scène artistique contemporaine en France et à l’international.
Elle a présenté ou publié son travail dans des institutions telles que la Bibliothèque Kandinsky au Centre Pompidou, l’École des Beaux-Arts de Paris, l’École du Louvre, le Crédac à Ivry, M HKA à Anvers, ou plus récemment à Columbia University à Paris.
À travers une recherche dans les archives et la correspondance de Tennessee Williams à la Nouvelle-Orléans, Tennessee’s Ghost est un projet qui explore la façon dont la création littéraire et l’expérience plastique peuvent être un moyen de lutter contre les sentiments d’aliénation et la mélancolie.
La mélancolie est le refus d’abandonner ce que nous ne comprenons pas toujours nous-mêmes avoir perdu, ce que nous refoulons ou ce qui nous manque. La mélancolie préserve ce qui n’est plus, elle est refuge. Vorace et cannibale, elle entrave et alimente la création. La mélancolie est liée aux histoires de migration, à la solitude de nos environnements urbains où les liens communautaires se sont effilochés, à la discrimination raciale et aux luttes de classe, et aux expériences des minorités sexuelles et de genre.
La mélancolie se dépose comme un sédiment au fond de nous et devient ainsi l’omniprésence d’une absence qui nous hante, un fantôme. Et alors ? Soit nous apprenons à négocier avec ce fantôme, soit nous sommes contraint·es de faire face à une profonde solitude, à la dépression et potentiellement à d’autres déchirements émotionnels et psychiques.
J’ai organisé El fantasma de Tennessee à la galerie Marcelle Alix à Paris en 2025, une exposition sur la mélancolie d’après trois pièces iconiques de Tennessee Williams. Les œuvres d’artistes contemporain·es proposaient une première expérience plastique de ces recherches que j’espère pouvoir enrichir et approfondir à la Nouvelle-Orléans grâce à la Villa Albertine en consultant les documents et les correspondances de l’auteur américain qui y sont conservés. Des ateliers d’écriture au 3bisf à Aix-en-Provence et à Triangle-Astérides à Marseille, me permettront de partager avec les publics la force réparatrice du texte et de la création sur des questions en lien avec les récits migratoires et sur la santé mentale.
La Nouvelle-Orléans ne ressemble à aucune autre ville aux États-Unis, et aucune autre ville n’est aussi présente dans les écrits de Tennessee Williams que La Nouvelle-Orléans dont l’Histoire, l’architecture et la chaleur imprègnent l’ensemble des écrits de l’auteur, comme un état de transpiration permanente qui imbiberait nos habits.
Lors de ma résidence à La Nouvelle-Orléans, je me familiariserai avec les archives de l’auteur américain, tout particulièrement sa correspondance et ses carnets.
Ce séjour de recherche coïncidera également avec le Tennessee Williams & New Orleans Literary Festival, se tenant tous les mois de mars et célébrant le dramaturge. Ce sera l’occasion de rencontrer l’équipe de conservateur·ices et historien·nes de la Historic New Orleans collection qui accueille cet événement, ainsi que d’autres historien·nes, des écrivain·es, des professeur·es de littérature et autres penseur·ses, mais aussi des acteur·rices et des musicien·nes réfléchissant et créant à partir et autour du legs de Tennessee Williams dans toute sorte de milieux et de langages artistiques.
Je souhaiterais enfin profiter de ce séjour à La Nouvelle-Orléans pour découvrir tout ce qui fait de cette ville une ville unique : l’héritage des colonisations successives françaises et espagnoles, l’Histoire et le trauma de l’esclavage et des économies d’exploitation, la Grande Dépression ayant marqué de manière indélébile la ville, le jazz, le Carnaval, et la persistance d’un esprit libre pourtant contrastant avec le puritanisme local qui a durablement impacté le jeune Tennessee Williams à son arrivée.
En partenariat avec

3bisf

Triangle-Astérides
Triangle-Astérides est un centre d’art contemporain d’intérêt national établi depuis sa fondation en 1994 au sein de la coopérative culturelle la Friche la Belle de Mai, une ancienne usine de tabac à Marseille.
Triangle-Astérides articule un programme exigeant d’expositions à des résidences de recherche et d’expérimentation d’artistes des scènes françaises et internationales, un programme d’artistes associé·es destiné à la scène locale (en complémentarité avec les Ateliers de la Ville de Marseille), à quoi s’ajoutent des événements, des projets éditoriaux et un travail attentif mené auprès de tous les publics.
Triangle-Astérides hérite à la fois de réseaux internationaux (avec le Triangle Network, à l’origine de sa création et dont il reste une structure membre tout en opérant de façon indépendante), nationaux et locaux (par la fusion, en 2018, de Triangle France et d’Astérides). La mise en relation de ces différentes échelles est au cœur de toutes ses activités.
Attentif aux besoins de chacun·e, Triangle-Astérides veille dans la mesure de ses possibilités à l’accessibilité de ses programmes (PMR, visites en LSF pour chaque exposition, et sur demande en audiodescription et parcours FALC – facile à lire et à comprendre), tant pour le public que pour les artistes invité·es.
Les supports de communication de Triangle-Astérides sont diffusés en français et en anglais (parfois traduits par des traducteur·ices, souvent traduits vers un anglais imparfait par l’équipe elle-même). Ponctuellement et sur demande, nos programmes peuvent également être traduits vers d’autres langues.
Triangle-Astérides est une association à but non lucratif qui reçoit le soutien de la Ville de Marseille, du Ministère de la Culture – DRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur, de la Région Sud – Provence-Alpes-Côte d’Azur et du Département des Bouches-du-Rhône.
Son équipe est composée de quatre personnes ; son conseil d’administration de cinq dont un·e artiste.