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Artiste plasticien
Automne 2022
« Je m’intéresse bien plus au processus et à l’évolution de la matière, qu’à une forme qui serait considérée comme finie, immobile. Car la matière n’est jamais figée. »
Je travaille comme un peintre dont les principaux outils ne seraient pas des pinceaux et des pigments, mais la maîtrise de paramètres mathématiques, physiques et chimiques. Le principe premier de mon travail est de faire émerger des formes, de créer les conditions nécessaires à leur apparition plutôt que de les représenter. En atelier, je passe d’abord du temps à rechercher, en mobilisant la méthode expérimentale développée par la science. Je soustrais un objet de son environnement pour le placer dans un contenant au sein duquel je peux modifier des paramètres comme la pression, la température, la luminosité, l’humidité… J’observe, et petit à petit, je développe une connaissance à son sujet et une certaine maîtrise. Cette maîtrise n’est jamais absolue mais elle me permet d’orienter ou d’infléchir certains phénomènes dans leur évolution, et aussi dans leur temporalité. La temporalité est importante, je m’intéresse bien plus au processus et à l’évolution de la matière, qu’à une forme qui serait considérée comme finie, immobile. Car la matière n’est jamais figée.
J’ai travaillé sur différents phénomènes : des réactions chimiques qui, par un effet de pression poussent comme des plantes, à partir desquels je compose des paysages en mouvements (Présage), les métamorphoses des métaux sous l’action de l’électricité (Masse et Martyr), le magnétisme (Les Fleurs), le rythme de floraison des plantes (Mesk-Ellil)… J’essaye d’agir sur ces phénomènes et de les moduler afin d’obtenir le résultat plastique souhaité, mais c’est toujours finalement une collaboration entre les lois qui régissent la matière et mon intervention. Je recherche l’aléatoire tout en essayant de le contraindre. Les découvertes sont souvent des accidents que je cherche ensuite à reproduire en comprenant leurs mécanismes d’apparition.
Né à Casablanca au Maroc en 1986, Hicham Berrada est un artiste plasticien basé en France. Il a étudié aux Beaux-Arts de Paris et au Fresnoy. En associant intuition et connaissance, science et poésie, il produit des vidéos, des installations et des performances.
Je travaille depuis plusieurs années sur la morphogenèse, l’étude des lois qui détermine les formes dans la nature. Les éléments naturels sont extrêmement complexes : la surface d’un galet est composée de millions d’aspérités, de tailles et de formes variées, contrairement à une voiture, composée de 200 000 polygones. On aurait du mal à fabriquer une fleur avec 200 000 polygones. Il faut plus d’un million de polygones pour recréer la forme de la marguerite. Les formes de la nature sont beaucoup plus sophistiquées que celles fabriquées par l’humain. Pour la série de sculptures des Augures mathématiques, je travaille à partir des algorithmes développés par cette science, en les croisant entre eux pour créer des hybrides informatiques, mais qui pourraient exister et se développer. C’est un peu comme sculpter au moyen d’un système dynamique. J’ai aussi eu l’occasion de collaborer avec des physiciens spécialistes du développement des formes, notamment sur l’apparition et le déplacement des dunes de sables (In Fragilis) , et depuis peu, sur la fonte des glaces.
En Floride, j’aimerais commencer un projet sur les coraux de la région. Les coraux sont fascinants par la richesse de leurs formes, et parce qu’ils bousculent les frontières dressées par le sens commun entre formes animales, minérales et végétales. Historiquement, les scientifiques ont eu beaucoup de mal à déterminer à quelle catégorie ils appartenaient, les qualifiant un temps de pierres arborescentes, puis de plantes-animaux. Les paysages aquatiques composés par ces animaux immobiles, ou par leurs squelettes lorsqu’ils sont morts et blanchis, continuent aujourd’hui de questionner l’opposition entre matière vivante et matière inanimée, d’ordinaire si structurante dans l’appréhension de notre environnement.
Les coraux qui survivent au large de Miami sont d’autant plus fascinants qu’ils résistent à un environnement urbain dense et pollué. Au voisinage direct d’une autoroute, un hybride a été découvert par le biologiste Colin Foord : le Fused Staghorn, né du croisement spontané de deux coraux parmi les plus fragiles et menacés de la région. Contrairement à ses ascendants en voie d’extinction, qui connaissent un déclin massif et rapide sous l’effet du réchauffement climatique et la pollution, l’hybride s’accommode de ces conditions nouvelles. J’aimerais rencontrer des spécialistes de la formation des coraux pour mener un travail exploratoire autour de ces organismes, en particulier sur le processus complexe qui les structure et organise la matière dont ils sont composés. Ce processus subtil met en jeu des interactions sophistiquées et de nombreuses interconnections entre différents facteurs physico-chimiques et biologiques.
Ces interconnections incluent bien évidemment la relation entre les humains et les coraux à travers notamment les modifications de la température de l’eau, de son Ph et de sa composition, liés aux conséquences de l’activité humaine. A côté de ces changements non-intentionnels auxquels nous soumettons les coraux, il y a les actions intentionnelles comme, par exemple, le soin qui leur est apporté par des chercheurs et des organisations de défense locales. Je souhaiterais rencontrer en Floride ces différents acteurs qui travaillent sur la reconstitution et la réparation des massifs coralliens, en les cultivant en laboratoire pour les réintroduire dans leur milieu d’origine. Enormément de recherches, de techniques et d’expérimentations sont développées qui, à défaut de rétablir les conditions disparues, cherchent à adapter les coraux à leur nouvel environnement. Des recherches sont menées pour comprendre et déclencher la reproduction des coraux en aquarium, les faire pousser dix fois plus vite en aquarium, ou les rendre plus résistants par des croisements en laboratoire.
Là où on ne voyait autrefois qu’une ressource, se développe désormais une forme d’accompagnement biologique à la survie, dans lequel les humains essayent avec pragmatisme d’adapter les coraux à un environnement qu’ils ont modifié, mais qu’ils ne peuvent maîtriser. Alors que les coraux étaient autrefois perçus uniquement comme une ressource, et comme des créatures autonomes et sauvages, il y a un changement de paradigme, le développement d’une forme de « care » de la nature qui m’intéresse profondément et que j’aimerais creuser à l’occasion de cette résidence.
Art Explora
Créée par l’entrepreneur et philanthrope Frédéric Jousset en novembre 2019, la Fondation Art Explora ambitionne de réduire la fracture culturelle en s’engageant pour le partage de l’art avec le plus grand nombre. Pour ce faire, la fondation déploie un ensemble d’initiatives, en France et à l’étranger, s’appuyant notamment sur les nouvelles technologies, mais aussi sur des dispositifs itinérants ouverts à tous. Art Explora veut ainsi créer des rencontres nouvelles entre les œuvres et les publics, tout en soutenant la création et les acteurs culturels dans les initiatives innovantes qu’ils entreprennent.
Lafayette Anticipations
Lafayette Anticipations est une fondation d’intérêt général structurée autour de son activité de production et de soutien à la création dans son ensemble. Elle est un catalyseur qui offre des moyens sur-mesure uniques pour produire, expérimenter et exposer des œuvres nouvelles d’artistes internationaux issus des champs de l’art contemporain, du design, de la musique et des arts vivants.