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Sarah Leonor

Cinéaste
15 mars - 15 mai 2023

Renaud Monfourny

  • Cinéma
  • Boston

« J’aimerais confronter mon récit à la réalité américaine contemporaine. »

Je réalise des fictions, des documentaires, des courts et des longs métrages.

Seule, comme cela a été le cas avec mon dernier film « Ceux de la nuit », en bande, avec la petite équipe que je retrouve régulièrement depuis plus de vingt ans, ou en équipe, c’est-à- dire la bande et plein de collaborateurs en plus. Le cinéma me permet d’aborder le monde qui m’entoure, de l’appréhender dans toute sa complexité. C’est un art plein de contradictions. Quand je travaille seule, la tâche me semble parfois insurmontable et l’équipe me manque, et quand je travaille en équipe, combien de fois je rêve de me réveiller et de décider seule ce que je ferai de ma journée de tournage en solitaire. De même, ce qui m’émeut profondément dans les visages des acteurs de fiction est leur vérité documentaire. Et quand je porte un regard documentaire sur une réalité, je finis toujours par convoquer la fable, le mythe, les artifices de la fiction pour la déplier et la comprendre. C’est donc là, dans cet entre-deux entre réalité et imaginaire que je me sens à l’aise, là où je reviens régulièrement, où s’éprouve et se forge mon rapport au temps, et où se précise mon point de vue.
Au fil des films il y a des récurrences, quels que soient les sujets abordés : personnages en rupture, éternels orphelins en quête d’une famille au sens large, arpenteurs d’un monde bardé de frontières physiques, mentales, réelles ou imaginaires qu’ils franchissent en quête d’un ailleurs meilleur, toujours loin de chez eux. Je ne suis jamais autant proche de moi et dans l’intimité de mon rapport au monde que quand j’évoque des destins éloignés du mien. Je n’ai encore jamais filmé de retour chez soi. « You can’t go home again », écrivait Thomas Wolfe.

 

Sarah Leonor a appris le cinéma en regardant des films et en voyageant, d’abord avec un appareil photo, puis avec une caméra. Son premier court-métrage, Napoli 90’, est projeté en 1994 au Festival du Cinéma du Réel. Le moyen métrage l’Arpenteur, co-réalisé en Arménie avec Michel Klein, obtient le prix Jean Vigo en 2002.

En 2009, son premier long-métrage, « Au voleur », avec Guillaume Depardieu et Florence Loiret Caille fait sa première en compétition au festival de Locarno, et le tour des festivals d’art et essai. Quelques années plus tard, « Le grand homme » (2014, avec Jérémie Rénier et Surho Sugaipov) est sélectionné entre autres au festival de Toronto et retenu dans la programmation New Directors/New Films (Lincoln Center/MOMA) en 2015. Depuis, Sarah Leonor mène de front plusieurs projets de plus ou moins grande envergure : courts- métrages, essais, longs-métrages. Son dernier long-métrage, l’essai documentaire « Ceux de la nuit » (2022), a été montré en compétition au festival du cinéma du Réel 2022, et est sorti en salles en France le 11 janvier 2023.

A GIRL AND A GUN

Je développe depuis quelques années un projet de western inspiré librement de l’histoire réelle de ces utopistes socialistes français qui ont fui l’Europe à partir des années 1850 avec l’espoir de concrétiser leur utopie sur une terre américaine considérée à l’époque comme vierge. Ces sociétés avaient chacune leur spécificité selon le mouvement qui les avaient inspirées (les saint-Simoniens, Proudhoniens, Icariens etc.) mais dans l’ensemble se rejoignaient sur une base commune : collectivisme, égalité entre tous les membres, mise en commun des richesses individuelles, refus de la violence, absence de religion. Mal préparés, dépourvus d’expérience, – ils étaient en majorité d’origine citadine – les utopistes socialistes français se sont perdus dans l’immensité d’un territoire sauvage, hostile, où la loi capitaliste régnait déjà. Restent quelques croquis de cités idéales et quelques récits, poussières d’un rêve que certains auront vécu pendant quelques mois, parfois quelques années.

Je ne veux filmer que du présent. J’aimerais confronter mon récit à la réalité américaine contemporaine. Je me demande à quoi pourraient ressembler aujourd’hui mes héros d’hier– et en particulier mon héroïne principale, une jeune femme de 20 ans. Quelle serait son utopie ? Est-ce qu’elle pourrait changer le monde, et qu’en serait-il de son rapport à la violence ? C’est pour moi l’occasion de confronter mon imaginaire – lui-même inféodé en l’occurrence à l’Utopie qu’est le genre du western pour tout cinéaste – à une Amérique au présent. De confronter mon univers cinéphilique à la réalité américaine.

C’est donc par le prisme de l’Utopie que j’aimerais découvrir l’Amérique contemporaine. Et plus particulièrement, dans ce paysage que je ressens comme habité d’une grande violence, en me concentrant sur les mouvements utopistes actuels, les expériences communautaires qui, contrairement à l’Europe, n’ont cessé d’exister et de se succéder sur le sol Américain, comme si c’était une spécificité des Etats-Unis que de constamment « recommencer le monde » .

Je ne suis jamais allée à Boston, mais il me semble que c’est la ville idéale.
C’est un port, où ont accosté les immigrants européens, et où l’on accoste encore aujourd’hui. C’est un chapelet d’îles – autant de territoires encore isolés, circonscrits par la mer, qui sont comme la traduction dans l’espace de l’idée de colonie coupée du monde –.

C’est une porte d’entrée qui m’invite à pénétrer sur le territoire des Etats-Unis.

Je me retrouve donc d’ores et déjà et presque malgré moi dans les pas de ces utopistes français. Je vais arpenter une ville ancrée dans le passé, et totalement ouverte sur le présent. Je pense évidemment aussi à la présence de l’université de Harvard, où je vois déjà la possibilité de rencontrer des professeurs et des étudiants engagés dans des recherches sur les utopies contemporaines, la place des femmes dans la société américaine, les expériences communautaires actuelles. Là, plus qu’ailleurs, je sentirai le lien entre le passé d’une Utopie et son présent – s’il en est encore.

En partenariat avec

Les Films Hatari

Les Films Hatari est une société française indépendante de production de films et de programmes de télévision fondée en 2002. Son ambition est d’accompagner des films scellant une narration engagée à une cinématographie forte, avec un fort potentiel de financement et de commercialisation sur les marchés français, européens et extra-européens. Depuis sa création, Les films Hatari a produit une cinquantaine de films, la plupart a été présentée dans les festivals du monde entier.

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