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NSDOS

Musicien, interprète, chercheur et danseur
Février-Mars 2023

©Flavien Prioreau

  • Arts de la scène
  • Création numérique
  • Musique
  • La Nouvelle-Orléans

« Comment la technologie augmente-t-elle le corps du danseur ? Comment permet-elle des performances simultanées dans des espaces virtuels et physiques ? »

Je m’appelle NSDOS, alias Kirikoo Des. Je suis musicien, interprète, chercheur et danseur. Mes projets artistiques m’ont fait voyager dans le monde entier, au Royaume-Uni, en Italie, au Japon, en Alaska et en Indonésie (un projet de collaboration avec une école de gamelan a été retardé par la pandémie de coronavirus). Mais, au-delà du voyage, le fil rouge qui m’anime depuis mes débuts, quand j’étais danseur de hip-hop dans les rues de Paris, c’est le mouvement, et les interactions entre corps et technologie. Pour Intuition, j’ai filmé des données de mouvements naturels en Alaska ; dans Clubbing Sequence, la musique réagissait aux mouvements des danseurs dans un environnement de boîte de nuit en réalité augmentée. Je suis par ailleurs un hacker invétéré. J’ai aussi joué sur scène avec une machine à tatouer personnalisée qui émettait de la musique électronique lorsque je me faisais des tatouages sur les bras. À quel moment engage-t-on son corps, surtout par interface, clavier ou boutons interposés ? Le corps touche les choses mais n’est pas affecté. Je voulais cerner le moment où ma performance m’affecte, et ce qu’il en reste. Je porte encore les stigmates de cette performance. Mon dernier album Micro Club s’intéresse au corps dans le contexte parfois extrêmement contraignant du confinement, avec des mouvements – et surtout des danses – réduits au strict minimum. 

 

Né en 1984, à Paris, NSDOS, alias Kirikoo Des, est un artiste pluridisciplinaire français. Après avoir étudié à l’Académie internationale de la danse (AID), il eut envie de créer des sons sur lesquels poser ses mouvements, dans une volonté de création d’un nouvel ordre sonore. Parfois qualifié de « hacker de la techno » par la presse française, il détourne les outils technologiques pour relier les machines et la matière. Il collecte des données vivantes à l’aide de capteurs placés sur son corps lorsqu’il danse, de dispositifs interactifs ou de programmes de codage novateurs, et les injecte dans le squelette rectiligne de la techno pour créer une matrice organique. Il invite le public à repousser avec lui les limites du corps, des objets et des sons. En quête permanente de nouveaux formats pour développer son art, il fait participer le public à ses performances, ateliers et master-classes, organisés dans des musées d’art contemporain ou lors d’événements d’art numérique, tels que les MUTEK de Mexico, Montréal et Tokyo, le BIAN de Montréal, la Biennale de Gwangju, en Corée du Sud, ou la Triennale de Milan. 

Mon travail porte sur la relation entre le physique et le virtuel, donc sur les technologies qui permettent ces liens, comme sur la possibilité d’une danse post-internet, c’est à dire qui soit soutenue par une base de données de mouvements, décentralisée et travaillant avec des data. C’est la raison pour laquelle je travaille avec MATRICE, institut d’innovation et de technologie.  

La question centrale de mon projet de recherche et création pour la Villa Albertine est : comment la technologie augmente-t-elle le corps du danseur ? Comment permet-elle des performances simultanées dans des espaces virtuels et physiques ? À quel moment peut-on se passer du corps du danseur puisque l’on construit des bases de données de mouvements captés qui peuvent rejouer seuls ? Ou, inversement, comment le corps du danseur vient réincarner des bases de données profondément inertes ? C’est une problématique majeure de la technologie : peut-elle faire sans nous ? Inversement, comment se l’approprier, lui redonner forme ? Poser cette question, à travers le travail que j’envisage, en l’appliquant à la danse, c’est tirer le fil d’une problématique de recherche qui parcourt les États-Unis depuis les années 60 : celle de l’augmentation et de son éthique. Mon travail s’inscrit dans cette controverse américaine et la pose en ces termes : la possibilité d’une danse sans les corps via la compilation de mouvements captés, ou la « réhumanisation » des données dans des mouvements venant augmenter la palette du danseur. En effet, à travers le réseau de capteurs décentralisés que je veux déployer, ce sont les mouvements de milliers de personnes qui sont mis la disposition de mon corps. 

À la Nouvelle Orléans, je viens travailler sur la captation et la duplication du geste à l’échelle d’une base de données, et la création de performances de danse. Le projet s’intitule S.E.L.M project (Send Everyday Life Movement) 

Pourquoi les États-Unis ? Parce que la technologie ! C’est ici qu’ont commencé les réflexions sur la dématérialisation, incarnées notamment par internet. Il s’agit de prolonger cette histoire d’ingénieurs, de scientifiques, mais aussi de Français qui ont une part dans l’origine d’internet, et de hippies qui ont préfiguré nos usages… dans la perpétuation du lien France-Amérique.  

Poser l’enjeu de réhumanisation de la data a aussi un sens politique. Nos sociétés sont divisées. Avec François-Xavier Petit (MATRICE), nous nous demandons quelle est la part de la technologie dans cette fracture. Dans quelle mesure une partie des classes moyennes américaines comme françaises se sentent dépossédées de leur vie par l’irruption de systèmes techniques si sophistiqués qu’ils sont incompréhensibles ? L’Amérique post-Trump est le lieu de cette question, celui de l’accélération technologique, économique, cognitive des sociétés dont l’armature est faite de systèmes techniques. Tenter de ré-humaniser la data, de la réincarner dans des mouvements de danse doit être une réflexion sur l’accessibilité, la compréhension et donc l’appropriation de nos technologies. C’est une inflexion éthique pour la technologie qui doit comprendre qu’elle est un réel fait social. Aussi, mon projet est soutenue par le laboratoire ETHICS l’Université Catholique de Lille et la biennale des futurs possibles.  

Scène très dynamique, La Nouvelle-Orléans produit une culture de la danse ancrée et populaire. J’y ai rencontré des artistes qui m’ont inspiré (au Chaos Computer Club congress). Concrètement, je voudrais contacter les SA&PC (Social Aid and Pleasure Clubs), échanger avec des danseurs reconnus, avec les chercheurs de l’université de Louisiane (School of Arts) et the LSU AVATAR initiative. Objectif : tester leur appétence pour les dance and live coding performances.  

 

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