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Garance Maurer

Artist, designer

  • Design & Métiers d'art
  • San Francisco

« Pouvons-nous vivre avec les incendies plutôt que contre eux ? Je souhaite observer et comprendre dans quelle mesure cette stratégie holistique intègre tous les utilisateurs de la forêt et leurs compétences dans une pluralité culturelle, linguistique et disciplinaire, et une perspective suprahumaine. » 

Je pratique le déplacement. Des mouvements terrestres qui m’invitent à explorer les relations que nous entretenons avec différents milieux (naturels, urbains, sociaux notamment). En tant qu’artiste et designer, je fais des pas de côtés disciplinaires qui m’engagent à mêler différentes méthodes. Traverser des paysages, des disciplines, en être traversée. Cette pratique en mouvement, alimente un travail de recherche sur les formes d’habiter.

Ma pratique du design, elle, est fondamentalement située : par, pour et avec les territoires que j’explore. Ancrée dans une méthodologie de recherche-action, je compare cette approche transdisciplinaire avec celle de la traduction, du vecteur : à l’intersection de plusieurs champs, je dialogue avec les différent.es acteur.ices d’un territoire ou d’un sujet, afin de tisser des liens et de créer des ponts de pratiques et de connaissances. Faire avec plutôt que contre. Faire (ensemble) pour savoir.

Mon approche sensible et technique des matériaux me permet de questionner et révéler les enjeux et récits que ces matériaux contiennent. Généralement, ces derniers, récoltés localement, émergent d’un contexte spatial et temporel très spécifique mais se rattachent à une envie de narration plus universelle des écosystèmes et des cycles de vie. L’ultra-local contient en lui la potentialité du changement d’échelle, et aide à (re)considérer des dynamiques globales. Par le déplacement du regard, je veux cultiver des récits alternatifs soutenables écologiquement et socialement.

Je souhaite ainsi traverser, sentir, comprendre, connecter, faire et raconter le feu dans ses différents aspects et dynamiques en Californie lors de ma résidence à la Villa Albertine.

Garance Maurer est une artiste et designer transdisciplinaire indépendante. Diplômée d’un master en design textile de l’ENSCI-Les Ateliers (2018), elle a travaillé dans divers secteurs allant de l’artisanat à l’industrie, du design à l’architecture, et de la recherche artistique au militantisme. Elle a été artiste en résidence au Mexique (Alliances françaises), dans les Alpes, en Corse (Fabbrica Design) et en Hongrie (Balatorium). Ses travaux ont été exposés notamment à la Villa Cavrois, au Musée Dauphinois, à La Villette et à la Biblioteca Vasconcelos. Une pratique bien ancrée l’amène à travailler et vivre dans différents espaces, entre Berlin et la France.

Cultivant l’altérité, les pratiques collectives et les savoirs communautaires, elle est cofondatrice du Collectif Trouble et membre de Floating Berlin.

Le projet que je développerai à San Francisco s’inscrit dans la continuité d’une recherche débutée en 2022 en Corse lors d’une résidence sur les fibres végétales et les ressources locales. Dans le cadre de mes activités, me suis interrogée sur le potentiel de transformation par le feu, en relation avec les incendies de forêt qui surviennent chaque été (et de plus en plus souvent et de plus en plus intensément) en Corse et dans le monde. J’ai donc étudié la symbolique du feu dans les cérémonies, la religion, les croyances païennes, l’environnement, l’activisme, l’écoféminisme, et utilisé le feu pour fabriquer du charbon de bois et des émaux céramiques avec des cendres de plantes. J’ai rencontré des scientifiques et des écologistes, des bergers et des personnes qui pratiquent les brûlages contrôlés au niveau local.

Ces brûlages sont une tradition que les communautés touchées par les incendies de forêt dans le monde entier ont toujours pratiquée. Il s’agit d’une technique d’entretien qui consiste à mettre le feu à une forêt, dans des circonstances spécifiques et favorables, de manière à brûler le combustible accumulé, empêchant ainsi les arbres et les branches tombés d’alimenter les incendies de forêt nuisibles. Ces techniques préventives sont bénéfiques pour la biodiversité et constituent aujourd’hui une méthode reconnue de gestion des forêts.

Lors de ma résidence, je souhaite étudier la problématique californienne des incendies, incendies de forêt, mégafeux et incendies contrôlés, en discutant avec les personnes concernées dont je recueillerai les récits et les documents pour mieux en appréhender les nuances. Je poserai notamment les questions suivantes : quelles sont nos relations avec le feu ? Qu’entraîne pour nous la disparition d’un paysage, et pour notre histoire personnelle et collective ? Comment pouvons-nous mieux faire connaître les connaissances écologiques traditionnelles et les actions des communautés autochtones ? Comment sortir de la dichotomie entre les politique de guerre contre le feu et de préservation d’une nature romancée et sanctifiée, afin d’évoluer vers des pratiques d’entretien, d’hybridation et de cohabitation décoloniales ?

Les communautés amérindiennes de Californie mettaient périodiquement le feu à leurs forêts. Leurs connaissances écologiques traditionnelles sont l’un des facteurs qui expliquent que la Californie était un écosystème diversifié et équilibré avant l’arrivée des Européens. Néanmoins, dans la perspective industrielle eurocentrique et productiviste du XIXe siècle, le brûlage contrôlé était considéré comme naïf et dangereux, un gaspillage de ressources précieuses. Il a donc été interdit, les connaissances écologiques traditionnelles ont été dévalorisées, et les forêts ont été surexploitées selon des modes de monoculture intenses.

Aujourd’hui, nous observons le phénomène mégafeux. Imprévisibles, incontrôlables et extrêmement intenses, ils consomment quasiment chaque année d’immenses superficies de terres. Considérés comme l’une des catastrophes climatiques les plus violentes, ils sont à la fois la conséquence et l’une des causes du dérèglement climatique et symptomatiques de l’Anthropocène. La Californie,

région particulièrement touchée par les mégafeux et pionnière de l’étude scientifique du phénomène, retrouve aujourd’hui les techniques de feux maîtrisés héritées des communautés amérindiennes.

Pouvons-nous vivre avec les incendies plutôt que contre eux ? Je souhaite observer et comprendre dans quelle mesure cette stratégie holistique intègre tous les utilisateurs de la forêt et leurs compétences dans une pluralité culturelle, linguistique et disciplinaire, et une perspective suprahumaine.

J’utiliserai le feu comme sujet, outil, métaphore et porte d’entrée dans ce domaine, et discuterai avec les personnes concernées. Cet élément paradoxal, source à la fois de création et de destruction, me donnera l’occasion de rencontrer et de travailler avec des scientifiques, des écologistes, des spécialistes des connaissances écologiques traditionnelles, des communautés d’artistes et d’artisans, des philosophes et des créateurs. Des traditions ancestrales au low-tech, je souhaite explorer la dichotomie et cerner les différentes nuances des feux en Californie.

En partenariat avec

Fondation de l’Université de Corse

Notre ambition est de répondre aux enjeux du territoire et à ses besoins de développement en agissant autour de 4 axes prioritaires: l’innovation et l’entrepreneuriat, le transfert de savoirs, la mobilité internationale et la solidarité. Depuis sa création, la Fondation a mis en place de nombreux dispositifs pour accompagner les étudiants dans leur désir d’innover, de créer, de s’ouvrir à l’international, à travers des bourses pour entreprendre, le financement de stages à l’étranger, le développement de projets pédagogiques développant l’esprit d’innovation et l’entrepreneuriat, le financement de voyages d’étude autour d’écosystèmes innovants en Europe et à travers le monde.

Fondation Bettencourt Schueller

La Fondation Bettencourt Schueller s’applique à incarner la volonté d’une famille, animée par l’esprit d’entreprendre et la conscience de son rôle social, de révéler les talents et de les aider à aller plus loin, dans trois domaines qui contribuent concrètement au bien commun : les sciences de la vie, les arts et la solidarité. À la fois fondation familiale et reconnue d’utilité publique depuis sa création, en 1987, la Fondation Bettencourt Schueller entend « donner des ailes aux talents » pour contribuer à la réussite et à l’influence de la France. Pour cela, elle recherche, choisit, soutient, accompagne et valorise des femmes et des hommes qui imaginent aujourd’hui le monde de demain, dans trois domaines qui contribuent concrètement au bien commun : les sciences de la vie, les arts et la solidarité. 

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