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François Chastanet

Architecte, designer graphique & dessinateur de caractères, auteur documentaire
avril — mai 2023

A selection of double-page spreads from “Pixação: São Paulo Signature” (2007) and “Cholo Writing: Latino Gang Graffiti in Los Angeles” (2009) books.

  • Arts visuels
  • Washington, DC

«Croisant photographie de rue et enregistrement vidéo des pratiques dessinées préparatoires sur papier, j’ai mené un nouveau projet documentaire sur les signatures urbaines de Philadelphie, fleuron calligraphique méconnu de l’histoire du graffiti américain.»

Je suis un architecte, designer graphique et dessinateur de caractères avec un intérêt particulier pour les signes écrits dans l’espace public, de la signalétique typographique institutionnelle aux pratiques illégales manuscrites. En tant que designer co-fondateur du studio TypoMorpho, je travaille principalement sur des projets d’identité signalétique, de scénographie d’exposition et lettrages architecturaux. Parallèlement, j’enseigne la typographie et le dessin de lettres au sein du département Design Graphique de l’institut supérieur des arts et du design de Toulouse / isdaT, où j’ai récemment mené une recherche sur les polices de caractères dites “single-line” optimisées pour les environnements fablabs.

Depuis le milieu des années 2000, à l’intersection de l’architecture, de la typographie et de la photographie urbaine, je documente à travers des ouvrages photographiques des phénomènes de graffiti comme le mouvement «Pixação» à São Paulo au Brésil ou le «Cholo Writing» à Los Angeles afin de révéler les évolutions inattendues mais significatives des formes de l’alphabet latin en relation avec les paysages urbains. Au début des années 2010, j’ai également réalisé une enquête photographique et vidéo sur le «Dishu», pratique calligraphique éphémère à l’eau sur le sol des rues et parcs chinois, en portant une attention particulière aux instruments d’écritures artisanaux.

Je travaille actuellement sur un panorama des styles calligraphiques d’écriture du nom dans l’espace public basé sur six cas d’études principaux: Los Angeles (Cholo Writing), New York (Tags & Throw-ups), Philadelphia (Tall Hands & Wickeds), São Paulo (Pixação) au Brésil, Tijuana (Trepes) et Monterrey (Ganchos) au Mexique. Cette approche comparative questionne la notion architecturale de «Genius Loci» définie par Christian Norberg-Schulz à la fin des années 1970 (l’identité d’un lieu) appliquée aux usages de l’alphabet latin globalisé: de nos jours, la possibilité d’identification semble être beaucoup plus assurée par l’atmosphère graphique que par l’architecture répétitive et les infrastructures des mégalopoles contemporaines.

François Chastanet est architecte, designer graphique et dessinateur de caractères, auteur documentaire co-fondateur de l’atelier TypoMorpho basé à Bordeaux. À travers des commandes graphiques, des documentaires et l’enseignement il explore les relations entre architecture et signe écrit, de la signalétique typographique aux pratiques manuscrites éphémères. Il mène actuellement une recherche ​au sein de l’École pratique des hautes études​ / Ephe en cotutelle avec l’Atelier national de recherche typographique​ / ​Anrt sur l’évolution des formes de l’alphabet latin à travers six études de cas de graffiti des noms en Amérique du Nord et du Sud (Los Angeles, New York et Philadelphie aux Etats-Unis, São Paulo au Brésil, Tijuana et Monterrey au Mexique).

L’écriture du nom dans l’espace public est la forme dominante de graffiti depuis la fin du 20e siècle. Cette pratique populaire représente probablement la seule culture calligraphique ayant un quelconque poids dans la réalité culturelle occidentale, où, au début du 21e siècle, nous vivons dans une civilisation du clavier. Parler précisément de ces inscriptions illégales à un niveau esthétique n’est pas chose aisée; il est donc important de les analyser de manière dépassionnée. Ma démarche consiste à étudier les «tags» d’un point de vue formel, comme autant d’écoles calligraphiques géographiquement ancrées: replacer l’art de la signature urbaine dans la longue histoire des formes de l’alphabet latin et identifier des graphies métropolitaines spécifiques. Nous devons en effet reconnaître que différentes traditions d’écriture-signature coexistent, avec leurs propres outils, styles et méthodologies: le graffiti des noms comme design contextuel questionnant les infrastructures et cultures urbaines locales.

Le mouvement des graffiti new-yorkais qui a débuté vers la moitié des années 1960 et qui est en devenu l’épicentre lors de sa diffusion globale au début des années 1990 est bien-sûr très important mais cache une situation plus complexe. Il existe une dispute historique entre Philadelphie et New York pour savoir quelle ville a commencé ce jeu du graffiti des noms «all-city» (sur l’entièreté d’un territoire urbain disponible) à la fin des années 1960. Documenter comment ces graphies se sont esthétiquement stabilisées au fil du temps comme deux styles clairement distincts me semble plus important que des questions strictement chronologiques. Le phénomène new-yorkais, devenu massif dans les années 1970 et 1980, a bénéficié d’une couverture médiatique très importante, créant ainsi les archétypes mondiaux qui définissent de manière prédominante les signatures urbaines jusqu’à ce jour.

Lors de cette résidence, ma recherche s’est concentrée sur Philadelphie qui est a contrario une scène unique hautement autarcique, méritant une plus grande reconnaissance. Cette ville est le parfait exemple localisé d’une «école» d’écriture-signature urbaine au sein des limites d’une aire métropolitaine, une identité visuelle artisanale qui est demeurée stable au fil des années malgré quelques évolutions.

Pour la Villa Albertine, à travers une immersion directe et une exploration de terrain, j’ai approfondi l’étude de cas sur Philadelphie au sein d’une cartographie du graffiti américain: création d’un corpus photo et vidéo sur ces exceptionnelles signatures urbaines afin de mettre en lumière ce phénomène sous-représenté. Ces «Philly handstyles» étaient initialement appelés dans les années 1960 «Gangster Prints» et se sont par la suite développés en de nombreuses variantes. J’ai étudié le développement propre à Philadelphie dans la forme des lettres, notamment ce qui est appelé dans le milieu graff local les étroites et cursives «Tall Hands» et les extraordinaires «Wickeds» (signatures complexes très élaborées qui se sont développées à partir des années 1980) avec leurs courtes phrases-chocs associées inscrites en capitales clairement lisibles. Ces différentes pratiques sont relativement méconnues et représentent un fleuron sous-estimé de la calligraphie de rue.

La scène tag de Philadelphie constitue un authentique exemple de l’émergence d’identités collectives métropolitaines basées sur la forme des lettres: certaines villes sont en effet capables de produire leur propre «texture» scripturale au-delà des expérimentations individuelles sur l’image du nom. Les styles manuscrits de Philadelphie méritent une étude photographique et calligraphique approfondie afin de poursuivre le travail engagé par quelques rares chercheurs indépendants, designers et artistes (notamment Stephen Powers, Robert Moran, Christian Acker). Comme l’anthropologiste Susan Phillips le suggère dans «The City Beneath: A Century of Los Angeles Graffiti» (Yale University Press, 2021), il faut lire les infrastructures urbaines et les espaces de la ville comme des textes ou des archives.

Tout en photographiant les signatures en interaction avec le paysage urbain de Philadelphie, j’ai mené en parallèle des entretiens avec les «writers» locaux et des sessions manuscrites sur papier captées en vidéo depuis le point de vue du scribe pour un rendu optimal du geste d’écriture. L’utilisation complémentaire de différentes observations dessinées (diagrammes architecturaux, détails calligraphiques gestuels, modèles de lettrages) permet de montrer didactiquement le corps humain en tant qu’outil d’écriture et d’offrir une meilleure compréhension de l’esthétique brute de ces lettres filaires dans l’espace public.

En partenariat avec

Atelier National de Recherche Typographique (ANRT)

L’Atelier National de Recherche Typographique (ANRT) a été créé en 1985 par les Ministères de la Culture, de l’économie et du Budget pour « contribuer au développement de la typographie et de la création de caractères ». C’est aujourd’hui un 3e cycle de l’ENSAD Nancy, sur le campus ARTEM. S’y développe une approche singulière de la recherche en typographie, privilégiant l’articulation entre théorie et pratique, et développant des collaborations sur le long terme avec des laboratoires de recherche internationaux dans d’autres disciplines, telles que la linguistique, l’épigraphie ou les sciences informatiques.

 

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