Skip to main Skip to sidebar

Dyana Gaye

Cinéaste
Novembre → Décembre 2021

Philippe Biancotto

  • Cinéma
  • La Nouvelle-Orléans

« Ce sont toujours des lieux, des villes, qui motivent chez moi l’idée d’un projet.»

Mon désir de cinéma vient de la comédie musicale, genre auquel je me suis confrontée à deux reprises (Un transport en commun, Un conte de la goutte d’or)  et dans un nouveau film à venir, Studio Kébé, actuellement en développement. Par-delà le cinéma, j’ai étudié la musique et la danse pendant de nombreuses années et mon approche cinématographique est certainement la jonction de ces différents champs d’expression artistique.   

 

Née à Paris, d’un père sénégalais, j’interroge depuis près de vingt ans ce territoire familial, depuis mon premier court-métrage, Une femme pour Souleymane, qui se déroulait entre Paris et Dakar. A l’image de ma double appartenance culturelle, mon travail se situe souvent entre deux rives et il est naturellement traversé par la dimension de circulation, d’héritage, de traces et de correspondances.   

 

Ce sont toujours des lieux, des villes, qui motivent chez moi l’idée d’un projet, et j’ai jusqu’ici souvent filmé depuis Dakar.   

 

Il y a quelques années, je découvrais que la ville de Saint-Louis du Sénégal était menacée par la montée des océans. J’ai pensé qu’il y avait là matière à un film, qu’il était urgent d’informer sur sa situation. J’ai donc initié l’écriture d’Album  avec ma co-scénariste Cécile Vargaftig (Des étoiles, Un conte de la goutte d’or), projet de long métrage de fiction, pour lequel je décidais de faire dialoguer Saint-Louis du Sénégal avec La Nouvelle-Orléans. Tirer le fil de leur histoire commune, liée à un territoire – la France – qui ne serait pas directement filmé mais dont l’héritage est indissociable de ces deux villes.   

 

Dyana Gaye est une réalisatrice franco-sénégalaise dont le premier court-métrage, Une Femme pour Souleymane (2000) a été distingué dans plusieurs festivals. Ses films  Deweneti (2006, prix spécial du Jury au Festival International du court métrage de Clermont-Ferrand) et  Un Transport en commun (2009 – Locarno, Sundance et Toronto) recevront chacun une nomination pour le César du meilleur court-métrage. En 2014, Des Etoiles, son premier long-métrage tourné entre Dakar, Turin et New-York reçoit le Grand prix du Jury et Prix du public au Festival Premiers Plans d’Angers. 

 

« (…) Hors des cabanes honteuses de l’histoire

Je m’élève

Surgissant d’un passé enraciné de douleur

Je m’élève

Je suis un océan noir, bondissant et large,

Jaillissant et gonflant je tiens dans la marée.

En laissant derrière moi des nuits de terreur et de peur

Je m’élève

Vers une aube merveilleusement claire

Je m’élève (…) »

Maya Angelou, Extrait du poème « Still I rise » – « And Still I rise », 1978, Random House

 

De part et d’autre de l’Atlantique, à l’embouchure des fleuves Sénégal et Mississipi, La Nouvelle-Orléans et Saint-Louis sont deux villes en miroir, jusqu’à leur géographie, qui les place directement sous la menace de la montée des eaux.   

 

Il fallait un personnage fort, à reconstruire et à faire (re)vivre, pour établir un pont entre ces deux espaces. De l’eau ; insaisissable, dynamique, n’épousant aucune forme et élément indissociable des deux villes, est née l’idée de faire du personnage principal de ce film : une ingénieure hydraulique, Elizabeth.   

 

Africaine-américaine, originaire de La Nouvelle-Orléans, elle a survécu à l’ouragan Katrina qui a emporté son mari. Elle arrive à Saint-Louis du Sénégal pour faire une expertise de la montée des eaux. D’une ville à l’autre, au fil de ses rencontres, de ses souvenirs, de ses fantômes, au rythme des musiques qui l’accompagnent, Elizabeth cherche un nouvel équilibre. C’est une femme indépendante qui à Saint-Louis est confrontée à une autre culture, aux regards et aux préjugés, à ses fantômes, au dérèglement climatique le plus inquiétant qui fait écho au délitement de sa propre existence.   

 

A la fois réaliste et onirique, musical et photographique, Album  est l’histoire d’une résilience.   

 

Pour mieux composer l’Album  et la trajectoire d’Elizabeth, pour nourrir avec précision son environnement personnel et professionnel, les détails de son quotidien, les objectifs de sa mission, je ressens la nécessité d’un séjour prolongé à La Nouvelle-Orléans. J’éprouve également le besoin d’explorer la dynamique de la ville, au présent, en allant à la rencontre de ses habitants et de leurs préoccupations.   

Depuis l’adolescence, la culture noire américaine, à travers ses luttes, sa littérature, sa musique et bien évidemment son cinéma, m’aura ouvert un large spectre de construction et d’identification. C’est la musique (le jazz) qui m’aura conduite à La Nouvelle-Orléans. J’avais longtemps fantasmé et imaginé la ville, avant de la découvrir triomphante et plus que vivante malgré les catastrophes naturelles qui l’avaient dévastée.   

 

Dans le prolongement de mon premier long-métrage, Des étoiles, qui se déroulait entre Dakar, Turin et New York, je souhaitais continuer à sonder les liens entre le continent africain et les Etats-Unis, à creuser les fascinations réciproques, confronter les corps, les cultures, les lieux.   

 

La disparition est au cœur du film (et la question de l’héritage, son corollaire) : possiblement celle d’un territoire, d’une mémoire, de tout un pan d’Histoire. Celle d’individus aussi, dont les fantômes récents viennent « visiter » Elizabeth.   

 

Faire résonner ces deux villes, c’est mettre en écho les traces de leur passé commun mais c’est également questionner leur situation au présent.  

 

C’est aussi souligner le rôle majeur de la musique qui les relie, c’est pourquoi cet Album  est profondément musical. Du blues du Mississippi à un grand orchestre de percussions Saint-Louisien, d’un chant traditionnel du Mardi-Gras au Mbalax (musique populaire sénégalaise), la musique qui accompagne Elizabeth tout au long de ce voyage épouse le rythme de ses émotions et des situations qu’elle traverse.  

 

Dans les pas d’Elizabeth, cette résidence se présente à moi comme une formidable opportunité de reprendre cette écriture in situ, dans des conditions uniques d’observation, de recherche et d’interaction. 

En partenariat avec

Forum des images

Avec plus de 2000 séances chaque année, des cycles thématiques, des festivals, des invité·es venus du monde entier et TUMO Paris, l’école de la création numérique pour les jeunes de 12 à 18 ans, le Forum des images, installé en plein cœur de Paris, est un lieu incontournable dédié au cinéma et à la création numérique.

 

En savoir plus

Contenus associés

Inscrivez-vous pour recevoir toute notre actualité en exclusivité