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N’Goné Fall : Art et justice sociale

N’Goné Fall, commissaire d’exposition, essayiste sénégalaise et commissaire générale de la saison Africa 2020, a accompagné la sélection de 5 résidents du continent africain. Elle présente les enjeux que soulèvent leurs projets.

« L’Afrique, continent de 30 millions de kilomètres carrés et de plus d’un milliard deux cents millions d’habitants, est le dépositaire d’une mémoire collective, le réceptacle de civilisations aux frontières mouvantes dont les gestes ont traversé les siècles. Ce qui lie les populations africaines, c’est la conscience de vivre sur le même territoire, de partager la même Histoire, et de faire face aux mêmes défis sur le sol africain : l’accès total à l’éducation et à la santé, le respect des droits humains, le droit inaliénable à la libre circulation, à l’autodétermination et à l’émancipation qu’elle soit politique, sociale, économique ou culturelle. Ces dernières décennies, d’un pays à l’autre, des communautés créatives ne se contentent pas de rêver d’un monde plus juste, elles luttent inlassablement pour qu’il advienne. Scientifique, artiste, cinéaste, conceptrice de projets d’art contemporain, éducateur et entrepreneure, les cinq bénéficiaires du programme de résidence Villa Albertine Afrique 2022 sont à l’image de cette dynamique continentale. 

Les recherches en neurosciences de l’astrophysicienne et artiste visuelle Caroline Gueye nourrissent ses installations multi sensorielles qui incitent les publics à réaliser l’impact de la physique théorique ou expérimentale sur leurs vies. Ses productions artistiques sont toujours une invitation à réfléchir à cet invisible qui améliore notre quotidien, qui nous donne la capacité de transcender le futur grâce à l’aventure spatiale américaine, et qui nous rappellent à quel point nous sommes fortement connectés les uns aux autres. 

Relier des peuples est le point de départ du projet de la cinéaste Bahia Bencheikh El Fegoun. Mêlant rituels anciens et militantisme féministe, il présente l’activisme comme un mouvement global qui connecte l’Algérie, ancienne Mecque des révolutionnaires, aux États-Unis d’Amérique et ses luttes pour les droits de toutes les minorités. Cette enquête géopolitique et culturelle entre Alger et New-York joue avec l’élasticité de l’espace et du temps, interroge le substrat de luttes sociopolitiques, et suggère que la culture demeure une arme de résistance. 

La résistance culturelle est un sujet récurrent dans la démarche de la curatrice en art contemporain Missla Libsekal. Le territoire et les frontières, les déplacements de populations et les voyages des plantes, sont autant de portes d’entrée à une analyse de l’impact des conquêtes coloniales sur les sociétés contemporaines. De l’Afrique aux Amériques, ses recherches donnent la parole aux militants de l’ombre. Et dans ce processus continue, la mémoire, par le biais de la transmission orale de savoirs ancestraux, occupe une place centrale. 

Le corps, envisagé comme un temple sacré qui abrite une mémoire collective, est au cœur du travail académique et artistique de Jay Pather. L’art vivant lui permet d’exhumer des histoires oubliées ou volontairement effacées pour nous rappeler que d’une rive à l’autre de l’Atlantique, le chaos et les traumatismes ont souvent accompagné les récits de l’aventure humaine. Ses projets sont toujours des caisses de résonnance d’auteurs qui exigent la mise en œuvre immédiate et irrévocable d’une justice plus égalitaire et de progrès sociaux. 

Développer l’activisme politique et social à travers l’accès aux technologies numériques pour tous, tel est le défi que Judith Okonkwo lance aux entreprises américaines. Des hackathons sur l’éducation et la santé, à la production de kits pédagogiques et de films immersifs, l’innovation est le moteur de ses réalisations. Son studio de création XR, laboratoire dédié à la construction communautaire, rend hommage au sens de la solidarité des sociétés africaines et tisse un réseau continental de producteurs de contenus engagés. 

  

En s’appuyant sur la science, l’histoire, la géographie, la mémoire et l’innovation technologique, la sénégalaise Caroline Guèye, l’algérienne Bahïa Bencheikh El Fegoun, l’éthiopienne Missla Libsekal, le sud-africain Jay Pather et la nigériane Judith Okonkwo développent des projets pluridisciplinaires transnationaux qui résonnent autant localement que globalement. Leurs ouvrages théoriques, conceptuels, pédagogiques et artistiques nourrissent inlassablement une approche expérimentale qui initie et alimente des conversations inspirantes sur tous les continents. Leurs recherches, dont la résidence à la Villa Albertine aux USA ne constitue qu’une étape, sont sans ambiguïté au service du bien commun. Ce parti pris assumé place ces cinq personnalités dans le sillage de générations de militants africains de la lutte pour les droits fondamentaux. Car la justice sociale, fil rouge des questionnements portées par ces agents du changement, met en relief le renforcement du leadership des communautés créatives que l’on observe en Afrique depuis le début de ce nouveau millénaire. »

N’Goné Fall

 

 

N’Goné Fall est commissaire d’exposition et consultante en ingénierie culturelle. Elle a été directrice éditoriale du magazine d’art contemporain africain Revue Noire de 1994 à 2001. Elle a conçu des expositions en Afrique, en Europe et aux États-Unis. Elle est l’auteure de plans d’orientation stratégique pour des institutions nationales et internationales. Elle a été professeure invitée à l’Université Senghor d’Alexandrie, à la Michaelis School of Arts à Cape Town et à l’Université Abdou Moumouni de Niamey. Elle a été la Commissaire générale de la Saison Africa2020, une série de plus de 1 500 événements culturels, scientifiques et pédagogiques organisés dans toute la France de décembre 2020 à septembre 2021. N’Goné Fall est la curatrice du programme inaugural Afrique de la Villa Albertine.   

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