Why San Francisco?

Matthieu Meynier
Excentrique, San Francisco est tout autant réputée pour sa beauté victorienne que pour ses communautés anticonformistes qui ont écrit une partie de l’histoire du XXe siècle. Berceau de la contre-culture américaine, San Francisco fait partie des villes qui stimulent particulièrement l'imagination. Janis Joplin, Jimi Hendrix, The Grateful Dead ou encore Jefferson Airplane ont fait naître dans les années 1960 et 1970 un véritable « San Francisco sound ». De Robert Louis Stevenson à Armistead Maupin en passant par Jack London et Kerouac, San Francisco a su attirer de nombreux écrivains, fascinés par l'esprit de la Ruée vers l'or et le caractère mystérieux de la ville, nourri par son fameux brouillard. Si certaines époques sont définitivement révolues, comme celles des beatniks et des hippies, la ville tente de maintenir son dynamisme artistique avec des institutions comme le SFMOMA, le De Young, le Yerba Buena Center for the Arts, City Lights ou la San Francisco Public Library qui nourrissent le lien avec les habitants historiques de San Francisco, et notamment les communautés latinos, asiatiques, hippies et LGBTQ.
Dans un territoire façonné par les entreprises de la Tech, quelle place pour les acteurs de l’art et de la culture ? Deux postures se font face : d’un côté un enthousiasme débordant pour une synergie entre art et technologie et, de l’autre, un scepticisme assumé face à une instrumentalisation possible des humanités au service du marketing. Ce débat s’illustre, par exemple, à travers la course architecturale des campus technologiques : Facebook conçu par Frank Gehry à Menlo Park, Apple par Norman Foster à Cupertino, ou encore Google par Bjarke Ingels/Thomas Heatherwick à Mountain View. Ces campus sont au cœur de ces relations ambivalentes : ils sont tour à tour symboles d’un discours militant, d’un acte de philanthropie, d’une stratégie de marque ou, plus simplement, ils participent du règne de la surenchère.
Plus vraiment hippie, mais assurément high tech, San Francisco se remet de la crise sanitaire avec de nombreux défis à relever. Comment revitaliser le centre-ville, alors que la majorité des entreprises de la Tech pérennisent le travail à distance ? La Silicon Valley va-t-elle résister aux délocalisations accélérées par la pandémie, alors qu’Austin mais aussi Atlanta ont déjà su attirer des figures importantes ? Comment réduire les inégalités dans une ville où les écarts entre les millionnaires et les homeless ne cessent de se creuser ? Comment les entreprises de la Tech et les institutions culturelles vont-elles répondre aux enjeux de diversité et d’inclusion mis en exergue par le mouvement Black Lives Matters?
La Baie de San Francisco n’est pas seulement le lieu où s’invente l’économie de demain à travers le numérique. C’est aussi un lieu où la question de la pérennité de la culture – sous ses formes actuelles – et sa réinvention se pose à une l’échelle locale et globale : Quelle place pour la culture et les artistes à San Francisco dans les prochaines années ? Quel futur pour les institutions culturelles, notamment quel modèle philanthropique à l’heure des tycoons de la Tech ? Quelles nouvelles formes de culture à l’heure des réseaux sociaux ?
Avec la Villa San Francisco, la Villa Albertine veut animer en lien avec les acteurs locaux de San Francisco (entreprises, universités, institutions culturelles) un espace de dialogue qui place les artistes et les penseurs au cœur de ces enjeux.