Autophagies, d’Eva Doumbia, arrive à New York

Autophagies est un spectacle à mi-chemin entre le théâtre et la dégustation collective. Karen-Kaia Livers, originaire de la Nouvelle-Orléans, joue le rôle d’un maître de cérémonie qui invite le public à une “eucharistie documentaire”, orchestrée par le chef Alexandre Bella Ola. Pendant une heure et demie, la préparation du mafé est accompagnée d’histoires sur ses ingrédients. Selon la réalisatrice, fondatrice de la Compagnie La Part du Pauvre, Eva Doumbia, ce voyage à travers un plat consiste à “partir d’une chose simple et la déplier pour raconter une histoire”. Derrière chaque aliment se cache l’histoire d’une migration, d’une conquête coloniale, ou de différentes formes d’exploitation des personnes ou de l’environnement.

Eva Doumbia confie avoir été marquée, enfant, par le restaurant de son père, le premier au Havre à servir du mafé. Il y a quelques années, elle a cependant découvert que le mafé n’est pas un plat traditionnel, mais une recette très récente, les arachides ayant été introduites en Afrique de l’Ouest après la Seconde Guerre mondiale. Elle a alors commencé à lire de plus en plus sur l’histoire de la nourriture et son lien avec les phénomènes historiques et géopolitiques. C’est ainsi qu’est née l’idée de raconter les origines des aliments en les cuisinant, et en les reliant, par des mots et des anecdotes, à son expérience personnelle. Le but avoué est de prendre conscience de ce que nous avons dans notre assiette.

Membre fondateur du collectif Décoloniser les arts, Eva Doumbia porte une attention particulière aux dynamiques sociales et à leur influence sur la culture. Si Autophagies met l’alimentation au centre des préoccupations, c’est pour la réinterroger à travers un certain nombre de paradoxes. Le riz est-il l’aliment le plus consommé en Afrique ? Pourtant, il n’y pousse pas, et doit être importé d’Asie, d’où viennent également mangues et bananes. Quant au sucre, inutile à notre organisme, il sera abordé pour le rôle crucial qu’il a joué dans la traite transatlantique des esclaves. Sans jamais recourir à la moralisation, Autophagies propose simplement de “manger en conscience” : prendre nos habitudes quotidiennes et nos préjugés comme point de départ d’une réflexion plus large.

Lieu : 
Du 23 février au 26 février 2023 au Invisible Dog, NY (co présenté par NYU Skirball)

La production sera également présentée au Ashé Cultural Center, La Nouvelle Orleans

Avec le soutien de FACE Contemporary Theater, un program de la Villa Albertine et FACE Foundation, et du Réseau Contxto, un programme d’ARTCENA pour la traduction.