Walid Hajar Rachedi
Écrivain et Directeur de publication
Mi-février à mi avril-2025
- Littérature
- Atlanta
« Dans ce moment de crise, je dirais même de sidération, qui interroge mes croyances sur les démocraties occidentales, je voudrais interroger ce qu’il reste du rêve américain. »
Pendant longtemps, je pensais qu’écrire était réservé à d’autres, qu’écrivain n’était pas un métier. Parce que j’ai grandi dans un milieu populaire, travailler c’était d’abord avoir un diplôme et gagner de l’argent. Parce que je suis fils d’immigrés algériens, la culture française – la culture classique, j’entends – semblait être la propriété d’autrui. Pourtant, j’ai toujours eu des histoires plein la tête, j’ai toujours été fasciné par ceux capables de les raconter. J’ai une admiration particulière pour les grands romanciers, mais mes influences sont autant à chercher du côté de la littérature que du cinéma ou du rap. J’aime traverser les frontières, voilà pourquoi je parle cinq langues et j’ai visité une soixantaine de pays. J’aime penser contre moi-même, et comprendre comment les autres réfléchissent et conçoivent le monde. C’est le plus beau cadeau qu’on puisse me faire. J’ai cherché d’autres utopies, notamment aux Etats-Unis, au Brésil, où j’ai vécu et continue de me rendre régulièrement. C’est sûrement pour cela que j’ai créé un média en ligne qui donne la parole à des journalistes, des auteurs et des producteurs de podcasts du monde entier. J’aime travailler avec des personnes qui viennent de différents champs de la création. J’aime entreprendre et voir les choses aboutir. Dans mes romans, les questions d’identité, de dynamiques socioculturelles, de la géopolitique, de spiritualité occupent une place importante, mais ce que j’interroge d’abord, c’est le sens de l’existence : notre place dans le monde et ce que nous souhaitons transmettre. Nous sommes de passage.
Walid Hajar Rachedi est né en France en 1981 et a passé plusieurs années en Amérique latine et aux États-Unis. Son premier roman, Qu’est-ce que j’irais faire au paradis ?, a été finaliste du Prix Goncourt du premier roman en 2022, et son deuxième roman, Nos destins sont liés, a été publié en septembre 2023.
Il est également le co-fondateur et directeur de Frictions, une plateforme de médias en ligne, largement reconnue pour sa série de podcasts, qui enquête sur les problèmes sociaux mondiaux dans un style narratif long.
Les Etats-Unis ont toujours occupé une place particulière dans mon imaginaire. Enfant, j’ai passé un nombre incalculables d’heures devant les films et séries qui dessinaient les contours d’un pays fascinant où l’univers conspirait en faveur des outsiders – un récit d’autant plus facile à appréhender qu’il s’apparentait aux leçons de vie reçus de mes parents, immigrés algériens : Mektoub et “destinée manifeste”, même combat ?
Sans le rêve américain, je n’aurais sans doute pas osé partir à l’autre bout du monde, quitter une situation professionnelle confortable pour devenir écrivain ou croire que les histoires les plus tragiques peuvent connaître une fin heureuse.
Aussi, le 4 novembres 2008, quand Barack Obama a été élu Président des Etats-Unis, les yeux fixés sur un écran géant dans les rues d’Harlem, j’ai été profondément ému de l’entendre dire : “Si quelqu’un doute encore que l’Amérique est un endroit où tout est possible, qui se demande si le rêve de nos fondateurs est vivant, la réponse lui est donnée ce soir.”
Quinze ans plus tard, les Etats-Unis comme la France s’interrogent sur leur identité comme leurs mythes fondateurs : des deux côtés de l’Atlantique, les nouveau venus, réfugiés ou migrants économiques, et même, binationaux, sont vus comme une menace existentielle par une large partie de la population.
Dans ce moment de crise, je dirais même de sidération, qui interroge mes croyances sur les démocraties occidentales, je voudrais interroger ce qu’il reste du rêve américain : chez les les Afro-Américains dont l’histoire est emblématique de cette conquête des outsiders et chez les nouveaux arrivants ou les jeunes first Generation, nés dans une Amérique moins sûre d’elle-même et de sa “destinée manifeste” que celle de ma jeunesse.
Une enquête pour chercher de nouvelles clés de compréhension, voire de réconciliation, pour nos sociétés plurielles. Les contours d’un nouveau rêve, qui sait ?
Depuis les années 1970, Atlanta est largement considérée comme la “Mecque noire” des Etats-Unis. C’est la ville où la classe moyenne afro-américaine est la plus importante aux Etats-Unis et a le plus de chances de réussir. C’est le rêve américain du Dr Martin Luther King, emblème d’Atlanta, enfin réalisé.
Côté pile, c’est aussi une ville dont la partie la plus pauvre de la population est noire et vit aux marges de cette réussite sociale et économique.
C’est donc le lieu idéal depuis lequel interroger la signification du rêve américain chez les Afro-américains, mais aussi chez les arrivants plus récents puisque la ville la plus “cool” du Sud des Etats-Unis connaît une attractivité croissante autant auprès des populations venant des autres États que de migrants – la Géorgie est régulièrement classée parmi les dix États américains les plus ouverts à l’accueil, avec la réception d’environ 2 500 à 3 500 réfugiés chaque année.
Une enquête d’autant plus intéressante qu’elle interroge le processus d’intégration dans une ville où le cœur culturel n’est pas porté par la majorité blanche.
Dans une ville à la géographie éclatée comme Atlanta, c’est aussi la question du rapport entre la marge et le centre, au sens métaphorique et spatial, que je trouve intéressante à explorer. Enfin, sur le plan littéraire, Atlanta m’évoque la figure de l’écrivain et sociologue W.E.B Dubois dont les écrits sur la condition américaine m’ont aidé, par ricochets, à mieux appréhender les fractures françaises.
En partenariat avec
Paris-VIII-Vincennes-Saint-Denis
Musée National de l’histoire de l’immigration
France terre d’asile