Quentin Zuttion
Artiste-Auteur
Avril - Mai 2022
- Bande dessinée
- Chicago
- New York
- San Francisco
« À travers l’image de la reine du bal de promo et de ce qu’elle inspire, j’aimerais pouvoir donner un regard sur une adolescence américaine contemporaine, et sur une société et un territoire aussi vaste et varié que les cultures que celui-ci represente.
J’ai fait mes études à l’Ecole Nationale Supérieure d’Art de Dijon (Bourgogne, France) où j’ai pu pratiquer différents médiums tels que la photographie, la vidéo et la performance. C’est après mon diplôme que je me suis mis à la bande-dessinée et ai développé un art plus narratif pour m’exprimer.
Très intéressé par la métamorphose, les personnages de mes livres se voient muter au fil des histoires. D’abord ancrés dans le réalisme et des sujets d’actualité (le genre, les violences sexuelles, les technologies), les corps des héroïnes et héros se transforment métaphoriquement via des dessins fantastiques et oniriques. J’ai à cœur de ne pas toujours expliquer ce qu’il se passe vraiment, mais de montrer ce que l’on ressent.
Mes personnages se racontent leur histoire, la réécrivent et somatisent corporellement leurs ressentis afin de donner vie à leurs émotions. Naissent alors des créatures « hors-normes », qui viennent interroger les normes et diktats contemporains : une femme-mouche zigzag de garçons en garçons sans jamais trouver sa place dans le jeu amoureux (Drosophilia), l’écorce d’une orange s’empare du corps d’une jeune fille grosse qui fait un régime pour dénoncer la grossophobie dont elle est victime (Chromatopsie), des lames acérées prolongent les membres de Lucie, une maman qui tente de se reconstruire après des années de violences conjugales via un programme d’escrime (Touchées), un adolescent explore sa sexualité et son genre en s’habillant avec une robe de soirée pailletée (Chromatopsie).
L’adolescence, c’est précisément l’instant de tous les changements et de toutes les mutations, que celles-ci soient subies ou voulues. Sur le corps, bien sûr, mais également dans les aspirations, les révoltes et les projections d’avenir de chacun. Je veux m’intéresser à ce bourdonnement interne, ce débordement ou cette mélancolie caractéristique de l’adieu à l’enfance. Pour ça, les États-Unis ont un rite de passage fascinant : le bal de promo et l’élection de sa reine.
Quentin Zuttion est un auteur et dessinateur de BD. Après un parcours en art contemporain aux Beaux-Arts de Dijon, il débute la BD en 2014 en dessinant des histoires courtes pour le magazine féminin et féministe Madmoizelle.com. En février 2016, il sort sa première BD papier : Sous Le Lit. Suivrons ensuite Chromatopsie et Appelez-moi Nathan (2018), puis Touchées (2019), et Drosophilia (2020). Tout au long de ses histoires qui mêlent onirisme et sujets de sociétés, Quentin nous parle de sentiments, de sexualités, de quêtes identitaires et d’affirmation de soi.
Elle est bécasse écervelée, garce aguicheuse, laideron repentie ou encore monstre sanguinaire. Depuis des décennies, la Prom Queen est exploitée, on la tord dans tous les sens. Sa figure imposante règne sur des sujets qui l’envient autant qu’ils la détestent. Elle porte en elle l’apothéose du passage à l’âge adulte et on lui promet un avenir radieux. Alors la culture contemporaine se charge de la salir. On lui fait honte en révélant facilement ses extras avec le quarterback dans les toilettes du lycée, on la recouvre d’une mare de sang à l’annonce de son sacre (Carrie au bal du diable), on l’abandonne endormie sur le terrain de foot (Virgin Suicides) : La reine du bal se laisse mourir ou massacre son cruel royaume. L’icône de la Prom Queen, dans ses multiples représentations, se cherche toujours.
Et quoi de plus normal lorsqu’on a éternellement 17 ans ? Elle incarne les désirs, les peurs, les désillusions et les rêves des adolescents, c’est le portrait d’une jeunesse qui se dessine. D’une ville à une autre, d’un état à un autre, leurs cultures, leurs croyances et leurs milieux sociaux les opposent. La réalité des inégalités les rattrape au quotidien et vient trancher leur avenir, bien loin de l’American Dream promis.
Dans une série de BD entre documentaire et fiction, j’aimerais portraiturer des adolescentes et adolescents dans différentes villes et décortiquer leurs aspirations par le biais de témoignages. À travers l’image de la reine du bal de promo et de ce qu’elle leur inspire, j’aimerais pouvoir donner un regard sur une adolescence américaine contemporaine, et finalement sur une société et un territoire aussi vaste et varié que les cultures que celui-ci représente. Effleurer leurs sentiments et leurs convictions afin de montrer ce qui les divise et ce qui les réunit. Que l’on soit une adolescente branchée New-Yorkaise, un geek de Californie ou une lycéenne d’une école Mormone à Salt Lake City, il y a des chances pour qu’ils dansent tous les trois le soir du bal du promo sur le dernier album de Billie Eilish en se demandant ce qu’ils vont devenir l’année prochaine.
Pour ce projet, l’exploration du territoire est primordiale. De New-York à San Francisco, en passant par Cleveland, Columbus, Denver et Salt Lake city, il est important d’avoir un panel d’adolescents de différentes régions afin de déceler les points communs et les différences dans leurs façons de vivre.
La ville de New-York, par son aspect très cosmopolite des différents quartiers, permet déjà de représenter et de dresser un portrait de l’adolescence américaine. Les rêves et aspirations d’une Prom Queen de l’Upper East Side ne seront pas les mêmes que celle d’un lycée de Brooklyn. Je veux également interroger une adolescence dont la religion prend une place importante (Salt Lake City, où le mormonisme a une très grande place, me semble intéressante à explorer). Entre ces territoires citadins, j’aimerais avoir la possibilité de découvrir des petites villes plus rurales qui apporteront encore un autre regard sur la jeunesse américaine et leur diversité. Comment l’adolescence est marquée par les enjeux politiques, culturels, les croyances et rituels de chaque état/ville. Mais aussi comment ils s’y soumettent ou s’en échappent (par la révolte, la fuite ?).
La fin du lycée marque aussi l’envie d’explorer, d’aller voir ailleurs. L’année prochaine, ce sont ces ados qui traverseront peut-être les Etats-Unis pour aller faire des études ailleurs. Ils quitteront leur banlieue, leur village, pour une grande ville. Ou bien s’émanciperont d’une religion. Ou s’offriront une année sabbatique pour mieux comprendre leurs désirs. Tous feront un grand voyage (qu’il soit réel ou intérieur). Certains partiront vraiment, mais d’autres resteront, peut-être pour toujours, dans le milieu dans lequel ils ont grandi. Parce que ça leur convient, ou parce qu’ils n’ont pas le choix pour toutes sortes de raisons (économiques, culturelles etc.). Après la dernière danse du bal de promo, la reine n’aura pas d’autres choix que de se poser trois questions : qui est-elle ? Que va-t-elle faire ? Et où va-t-elle aller ?
En partenariat avec
Cité internationale de la bande dessinée et de l’image
La Cité internationale de la bande dessinée et de l’image est un établissement public unique consacré au rayonnement du 7ème art en France et à l’international. Situé à Angoulême, il réunit notamment un musée dédié à la bande dessinée, une bibliothèque patrimoniale, une bibliothèque de lecture publique, une librairie de référence, une résidence internationale d’auteurs et un cinéma d’art et essai.