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Laura Huertas Millán

Artiste et cinéaste
Avril 2025

  • Cinéma
  • New York

« Mon projet aspire à capturer des voix plurielles et à interroger ce qu’elles combattent. En révélant les potentialités de la boxe comme un sport qui révèle et/ou se dérobe des violences systémiques, Shadowboxing vise à tisser des liens entre des récits individuels et des luttes collectives qui traversent la ville. »

 

Ma pratique se développe principalement à travers l’image en mouvement, les installations multi-canaux et le cinéma. Ancrées dans un travail quotidien d’écriture, mes pièces proposent des récits alternatifs pour revisiter ou revoir des histoires officielles biaisées. Elles mettent en scène des témoignages de résistance politique ou d’expériences marginalisées, qui annoncent des transformations individuelles ou collectives émancipatrices. Des thèmes tels que le traumatisme générationnel, la mémoire, l’oppression politique ou la disparition sont abordés à travers des formats qui mobilisent l’imaginaire: la fiction, le récit d’anticipation, la poésie audiovisuelle. 

Je produis mes œuvres dans des temps étendus, de façon sérielle et modulaire, en donnant une très grande place à la recherche et au dialogue transdisciplinaire. Entre 2009 et 2012 j’ai développé une série autour de la notion d’exotisme, qui cherchait à déconstruire l’altérisation (le fait de rendre “autres”) des peuples colonisés à travers la photographie et le cinéma. Entre 2012 et 2018, j’ai développé une série de “fictions ethnographiques”, des commentaires des racines coloniales de l’anthropologie en tant que discipline, mais aussi des œuvres de fictions empruntant à l’ethnographie contemporaine décoloniale.

La résidence à New York sera l’occasion de poursuivre l’une des enquêtes de terrain que je développe depuis plusieurs années autour de la boxe anglaise, qui fait partie d’une nouvelle série d’œuvres autour de la notion de pharmakon (le poison et le remède).

Lauréate du Prix AWARE 2024 pour les artistes en milieu de carrière, Laura Huertas Millán est diplômée des Beaux-Arts de Paris, du Fresnoy et a obtenu un doctorat de l’Université PSL (programme SACRe). Sa pratique multiforme à la croisée du cinéma et de l’art entrelace l’écologie, la fiction, les enquêtes historiques et les trajectoires diasporiques. Ses films ont été présentés dans des festivals de cinéma tels que la Berlinale, Rotterdam, Toronto, entre autres, et ont fait l’objet de nombreuses rétrospectives dans des cinémathèques et festivals à l’international.  Elle est lauréate du prix Ulrike Crespo After Nature Prize en 2024, et de prix à Locarno, FIDMarseille, Videobrasil, parmi d’autres. 

Shadowboxing est un projet de film en cours de réalisation, à travers une enquête de longue durée sur la boxe Anglaise, comme espace de luttes et de résistances.

Le film s’inspire, en partie, des prises de parole et des transformations sociales que des boxeur.euses ont mises en marche, par des prises de position politique excédant le ring, et en faisant des combats une arène de conquête de droits sociaux. Mais ce projet n’est pas tourné seulement vers les figures emblématiques de la boxe. Il s’agit au contraire, d’accueillir des récits singuliers où la boxe permet une forme d’émancipation, qu’elle soit collective, individuelle, matérielle ou strictement émotionnelle. Ce film va à la rencontre de boxeurs et de boxeuses amateurs et professionnel.le.s avec une question ouverte: pourquoi vous battez-vous? Leurs vécus uniques, et leurs résonances au sein de communautés plus larges sont au centre de ce projet.

Si cette enquête s’intéresse aux attaches affectives des boxeurs.ses envers la boxe, il ne s’agit pas pour autant de rendre la violence de cette pratique esthétique ni complaisante. Au contraire, il s’agit, aussi, de considérer la complexité de l’histoire de la boxe, et les formes de sa violence: « le plus tragique des sports » comme le qualifie Joyce Carol Oates, pourtant amatrice de combats. 

Ma recherche ira à la rencontre de boxeurs et de boxeuses. Sans jamais vouloir entrer dans une lecture unilatérale de cette pratique, le film accueillera une multitude de perspectives et de points de vue, notamment à travers plusieurs pratiquant.e.s à New York, centre historique de la boxe. Il s’agira donc de boxer avec ces communautés (puisque je pratique tandis que je prépare ce film) tout en poursuivant cette réflexion autour du corps et de la violence.

Je projette de poursuivre l’écriture de mon film Shadowboxing à New York, à la fois lieu emblématique de la boxe américaine mais aussi ville riche dans ses histoire de luttes et de déplacements diasporiques. Joyce Carol Oates, dans son essai On Boxing, souligne que les boxeurs ont souvent risqué leur vie dans le ring, incarnant les tensions entre violence, classe sociale et race, ce qui fait écho à l’histoire de la boxe américaine, où les combats sont souvent aussi une lutte pour la survie économique. A New York, les boxeurs issus de ces communautés se battent souvent non seulement pour des titres, mais aussi pour améliorer leurs conditions de vie.

Dans ce projet, je m’intéresse à des profils de boxeurs et d’entraîneurs pour qui la boxe est un moyen de transcender les blessures sociales et psychologiques. Les gymnases locaux, notamment ceux fréquentés par des jeunes issus de milieux défavorisés, représentent des espaces de lâcher-prise. Je compte explorer des lieux emblématiques comme le Gleason’s Gym, où l’histoire de la boxe se déploie à travers des récits de libération.

Les dynamiques de genre sont centrales dans mon approche. Je m’intéresserai à la place des femmes dans la boxe, en explorant comment certaines boxeuses redéfinissent les normes de la féminité et de la masculinité dans ce sport souvent perçu comme exclusivement masculin. La boxe, en tant que pratique, offre un espace d’expression pour des identités queer, où le combat devient une danse, comme le souligne Oates, « part dance, courtship, coupling ». La ville revêt aussi l’aspect d’un terreau fertile pour des mouvements de redéfinition des normes de genre.

Mon projet aspire à capturer des voix plurielles et à interroger ce qu’elles combattent. En révélant les potentialités de la boxe comme un sport qui révèle et/ou se dérobe des violences systémiques, Shadowboxing vise à tisser des liens entre des récits individuels et des luttes collectives qui traversent la ville.

En partenariat avec

AWARE

AWARE: Archives of Women Artists, Research and Exhibitions est une association loi 1901 à but non lucratif co-fondée en 2014 par Camille Morineau, conservatrice du patrimoine et historienne de l’art spécialiste des artistes femmes. Devant la sous représentation féminine dans le monde de l’art, AWARE a pour ambition de rééquilibrer la présence des artistes femmes et de leur donner une meilleure visibilité, par la diffusion de ressources en libre accès. Ainsi, son site web bilingue français /anglais propose plus de 900 notices biographiques d’artistes femmes des XIXe et XXe siècles ainsi que des articles et entretiens élaborés par des chercheur·euse·s et commissaires du monde entier.

 

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