Julia Bourdet

En 2022 j’ai découvert dans un reportage l’histoire d’une femme qui s’était perchée en haut d’un sequoia géant durant 738 jours. Elle voulait sauver la forêt et elle a réussi. Une question m’a poursuivie pendant des jours : quel est le moment de bascule ? Quand monte-t-on dans un arbre pour n’en redescendre sous aucun prétexte ? Comment garde-t-on la certitude que notre choix et notre action auront un impact ? Est-ce qu’être une femme change quelque chose à cette bataille ? Est-ce que s’impliquer corporellement, c’est être plus fort ? Voilà mon point de départ.

Je vais réaliser un périple décarboné, carnet de croquis à la main, à vélo et en train, sans voiture ni avion, de Chicago jusqu’à San Francisco pour rencontrer des Américain·es et connaître leur vision du changement climatique. Prendre un peu de recul sur ma vie Parisienne et tenter de rencontrer d’autres façons de lutter et de vivre.

Je partirai de New York jusqu’à Chicago en train et pédalerai de Chicago à San Francisco, en suivant la California Zephyr line, de la compagnie ferroviaire Amtrack, qui traverse 7 états et 4000km. Je monterai à bord pour traverser les barrières naturelles tel que les montagnes Rocheuses ou les régions désertiques, trop éprouvantes physiquement.

Avec mon carnet de dessin, j’irai à la rencontre d’activistes écoféministes, de communautés, de scientifiques, d’institutions et d’Américains de tous horizons. J’irai leur poser la question de leur propre déclic ou déni, de leur vision de l’avenir et de ce qu’il faut changer. Je souhaiterais faire un état des lieux de l’Amérique à l’heure du changement climatique, à mon échelle, dans un pays qui fait déjà l’expérience des catastrophes qui en découlent.

Je voudrais en tirer un roman graphique, poétique et didactique, une recherche dessinée et scénaristique qui puisse donner un aperçu de ce que pense l’oncle Sam du virage radical qu’il nous faut opérer.

En premier lieu ce périple est un contre-symbole.

La traversée d’Est en Ouest étant un mythe fondateur, viril, j’aimerais y proposer une alternative : proposer une traversée et non une conquête.

Pour moi, les USA regroupent les paradoxes que nous devrons tous affronter. L’extrême richesse opposée à une grande précarité ; des villes gigantesques qui grignotent la nature ; une jeunesse qui demande une action rapide face à des institutions lentes, des réalités quotidiennes parfois totalement opposées. Pour beaucoup, le système de société américain est devenu le symbole d’un système planétaire de surexploitation dissonant. Un idéal déchu qui court à sa perte. J’aimerais donc utiliser ce terrain d’exploration comme un sujet d’étude caricatural.

Arriver à New York sera l’occasion de vivre les contrastes de cette ville. Ensuite, dans le train pour Chicago, je pourrai commencer à m’imprégner de ce nouveau rythme. Une fois à Chicago, ville « la plus green » des US, j’irai à la rencontre des activistes et des institutions qui transforment la ville. Sur la route de San Francisco je traverserai l’Illinois, l’Iowa, le Nebraska, le Colorado, l’Utah, le Nevada, et la Californie, pour dessiner les grands espaces et questionner leurs habitants et protecteurs. Jusqu’à San Francisco, où j’aimerais rencontrer les communautés de sorcières et confronter leurs regards avec celui des fervents défenseurs de la tech comme solution à la crise environnementale.