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Jean-Baptiste Phou

Auteur, artiste
Aout - octobre 2026

  • Littérature
  • San Francisco

« Je pars aux États-Unis pour entendre comment d’autres membres de la diaspora cambodgienne inventent dans l’exil des façons de vivre avec les blessures, les silences ; et parfois, les dépasser. »

Je suis né à Paris dans une famille sino-cambodgienne marquée par l’exil, où l’histoire et la culture d’origine n’étaient que très peu transmises. Après un détour par la finance, j’ai choisi l’art comme espace pour chercher, comprendre et raconter. J’ai commencé par le théâtre, avant d’ouvrir ma pratique à de nouvelles formes : écriture, œuvres sonores, installations, film.

Mes recherches portent sur les identités diasporiques et queer, avec une attention particulière à ce qui se dit à travers les silences et les ruptures. Je m’intéresse à la manière dont les histoires personnelles croisent des enjeux politiques et sociaux, notamment dans des contextes marqués par le génocide, le trauma ou la marginalisation. Je tends l’oreille aux voix qu’on entend peu, aux parcours fragmentés. La question de l’intime, de ce qui nous marque malgré soi, de la filiation choisie traverse en filigrane ce que je fais, quelle que soit la forme.

Je travaille depuis plusieurs années entre la France et le Cambodge, en m’attachant à ce qui circule entre les générations, les langues, les territoires. À suivre les traces d’une diaspora qui continue de se réinventer, partout où elle se trouve.

 

Jean-Baptiste Phou est un auteur, metteur en scène et artiste franco-cambodgien. Il a publié Cambodge, me voici ! et 80 mots du Cambodge (L’Asiathèque), ainsi que La Peau hors du placard (Seuil), traduit en anglais sous le titre Coming Out of My Skin (Seagull Books), ce dernier ayant été présenté au Musée du Quai Branly et adapté en performance solo à l’Institut français du Cambodge. Son court-métrage La Langue de ma mère a reçu le Prix du public documentaire au Festival de Vesoul en 2023. Il est fondateur de Sâmleng, plateforme dédiée aux voix cambodgiennes dans les arts.

Après avoir consacré plusieurs années à arpenter, par mon travail artistique, les souffrances et les héritages liés au génocide cambodgien, je souhaite aujourd’hui ouvrir un nouveau cycle de recherche et d’écriture autour de la question de la guérison.

Mon projet au sein de la Villa Albertine prendra la forme d’un ouvrage collectif réunissant des voix cambodgiennes issues des diasporas — d’abord aux États-Unis, puis en France et dans d’autres territoires. À travers des récits, des essais ou des formes libres, il s’agira d’explorer les chemins de la réparation : comment se relève-t-on après la guerre, l’exil, l’arrachement ? Que transmet-on de ces blessures, et que choisit-on de transformer ?

La résidence me permettra d’amorcer cette recherche à San Francisco, en collaboration avec la professeure Khatharya Um (Associate Dean à UC Berkeley), qui contribuera à la structuration de l’ouvrage et à l’identification de contributeur·ices. Je rencontrerai également les communautés cambodgiennes de la région de la baie, afin de mieux saisir les défis qu’elles traversent et les manières qu’elles trouvent pour y faire face.

En parallèle, je mènerai une recherche autour d’Anthony Veasna So, l’un des écrivains les plus brillants de sa génération, dont le recueil Afterparties a eu un impact retentissant. Décédé brutalement en 2020 à l’âge de 28 ans, il a laissé une œuvre qui dépeint, avec humour et acuité, la vie des communautés khmère-américaines et des jeunes générations en Californie du Nord. Je visiterai les lieux qui ont nourri son imaginaire, pour interroger ce qu’il a traversé, ce qu’il a laissé, et ouvrir une réflexion plus large sur la santé mentale dans les parcours artistiques.

Les matériaux rassemblés pendant cette résidence — entre récits, rencontres et observations de terrain — nourriront un travail d’écriture sur le soin, les transmissions et les réinventions diasporiques.

Les États-Unis abritent aujourd’hui la plus vaste diaspora cambodgienne hors d’Asie du Sud-Est, avec de nombreuses communautés issues de l’exil post-1975, réparties sur l’ensemble du pays.

La région de la baie de San Francisco, en particulier, m’intéresse comme lieu où s’entrelacent des dynamiques sociales, intellectuelles et culturelles fortes : une diaspora khmère parmi les plus anciennes et les plus nombreuses, marquée à la fois par des parcours de précarité et par l’émergence d’élites, de voix artistiques singulières et de solidarités communautaires. Je souhaite y explorer les formes de reconstruction individuelle et collective à travers des visites de structures comme CERI à Oakland, APSARA à Stockton ou CARA à San José, et en échangeant avec des figures locales de la communauté khmère.

La résidence me permettra également de dialoguer avec des chercheur·ses et des étudiant·es de UC Berkeley, un campus pionnier dans le développement des études asiatiques-américaines, et de m’immerger dans un écosystème intellectuel dense et engagé.

Ce territoire est aussi celui d’Anthony Veasna So, écrivain queer cambodgien-américain, né à Stockton, formé à Stanford, installé à San Francisco et ayant travaillé à Oakland. Revenir sur ses pas, arpenter les lieux qu’il a traversés et qu’il a décrits, est pour moi une tentative d’entrer en dialogue avec lui — comme on cherche un frère que l’on n’a jamais rencontré.

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