Geoffroy Mathieu
Photographe
- Arts visuels
- Atlanta
« Geoffroy Mathieu mènera, en marchant, une exploration photographique d’Atlanta, entre idéal fantasmé de la marche en ville et marginalisation de ceux qui vont à pied dans cette ville immense et impossible pour ceux qui n’ont pas de voiture. »
Mes travaux photographiques interrogent la manière dont les questions écologiques et politiques se concrétisent dans le paysage. À travers des protocoles de parcours ou d’immersion, seul, en binôme ou encore au sein de collectifs, je documente des territoires en mutation, des zones intermédiaires, des objets ou des gestes révélant les résistances dans les usages des lieux.
Qu’elles émanent de commandes de collectivités territoriales ou d’institutions culturelles, de résidences ou d’initiatives personnelles, mes séries sont menées comme des enquêtes poétiques. Les rencontres avec le réel qui font advenir les images sont nourries d’une préparation documentaire rigoureuse. En utilisant la mobilité de la photographie, à la fois document et fiction, je construis des récits situés.
En collaboration avec les associations, collectifs ou chercheurs que j’accompagne, je travaille la circulation des images au-delà du milieu de l’art, pour que celles-ci trouvent une place ou une forme d’utilité dans le débat public afin de soutenir les causes ou les engagements dédiés au soin ou à la réparation de nos environnements.
Geoffroy MATHIEU est photographe diplômé de l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles. Il vit et travaille à Marseille. Il montre ses travaux sous forme d’éditions (Actes Sud, Poursuite, Filigranes, Zoème, Wildproject, Building Books), d’expositions personnelles ou collectives, ou plus récemment de performances marchées. Il a participé en 2021 aux Regards du Grand Paris #4 (Ateliers Médicis et CNAP), a été lauréat 2022 de la grande commande de la BNF « Radioscopie de la France ». Enfin, il a édité avec Jordi Ballesta, en 2023, aux éditions Building Books, le livre Anti Installation grâce à l’aide à l’édition du CNAP.
Je souhaite partir à la rencontre des paysages d’Atlanta traversés par les corps et les figures de personnes qui marchent par obligation, parce qu’elles n’ont pas de voiture, qu’il n’y pas de transports en commun ou parce que parfois, dans la ville, il vaut mieux être en mouvement.
Dans des champs aussi variés que les sciences sociales, les disciplines spatiales, la littérature ou l’art contemporain, la marche est présentée comme un outil de connaissance et une alternative esthétique, voire comme un acte de résistance à la toute-puissance d’un monde qui place la vitesse et la rentabilité en valeur cardinale. La ville telle que la société capitaliste l’a fabriquée, pensée pour des déplacements carbonés, a presque éliminé les possibilités de trajets à pied : les distances sont devenues irréalisables, ou l’ergonomie de la ville n’est pas adaptée à l’être non motorisé. Ce phénomène a trouvé son apogée dans les grandes métropoles mondialisées dont les villes américaines sont des archétypes.
La figure du marcheur a fini par s’effacer d’une ville reléguant ceux qui n’ont pas de voiture à la figure de l’exclusion, du vagabondage ou de la délinquance. Le carbone a supplanté le muscle. Pour certains, la marche reste le moyen de transport le plus économique, disponible et fiable. Qui sont-ils ? Comment marchent-ils ? Quels lieux et communautés relient-ils ? Quels sont leurs parcours, leurs passages, leurs paysages du quotidien ? Qu’ont-ils à endurer ? Quels sont leurs dangers ?
Je fais le pari que mes images révéleront ces personnes comme faisant partie du monde, bien moins « séparées » que ne le sont ces corps machines quand ils parcourent la ville à grande vitesse. On comprendra que leurs traces, leurs aménagements, leurs ruses sont autant de signes de connivence avec les lieux. Je marcherai, et elles me guideront dans l’exploration de l’épaisseur des paysages urbains. Nos trajectoires se croiseront, pour fabriquer des images comme autant de récits d’expériences et de portraits de ville.
Aux États-Unis la majorité des habitants vit en banlieue. Ce schéma de développement, par l’étalement sans fin du modèle de la maison individuelle notamment depuis les années 1950-60, a fabriqué une ville où la mobilité est essentiellement corrélée à la voiture. Cette réalité est aujourd’hui intensifiée. Les personnes non motorisées des classes les plus populaires ne peuvent pas rejoindre les centres économiques et les bassins d’emplois, et s’en trouvent de plus en plus précarisées. C’est ce qu’on appelle le spatial mismatch.
Des analyses récentes révèlent une forte progression des walkable places, nées d’une volonté d’améliorer les mobilités douces. Cette « marchabilité » des villes deviendrait un nouvel indicateur de statut social et économique remplaçant celui accordé autrefois par la possession d’une voiture. Si ce walkable urbanism n’est pas encore dominant, il signe un changement de société. Atlanta participe de ce mouvement avec notamment le projet Beltline, mais demeure à la 23e place des villes les plus adaptées à la marche aux Etats-Unis selon le Walkscore ; et nombre de ses habitants marchent moins par loisirs que par contrainte. Particulièrement étalée, elle semble en raison de la coexistence de ces différentes réalités tout indiquer pour aller à la rencontre de différents marcheurs comme autant de révélateurs de la ville, des exclusions que la morphologie urbaine provoque et des stratégies individuelles et collectives qui s’y déploient.
Ces personnes seront majoritairement afro-américaines et précaires. Ma résidence consistera donc à tisser des liens avec des réseaux qui me permettront de faire des rencontres avec des personnes contraintes de marcher pour se rendre sur leurs lieux de travail (ou chercher un emploi) notamment. Par exemple, les contacts déjà pris le Departement of city planning / Aglanta me guideront vers les communautés constituées autour du réseau de fermes urbaines.
En partenariat avec
Friche La Belle de Mai
Née de l’ancienne usine de la Seita en 1992, aujourd’hui lieu de création et d’innovation, la Friche la Belle de Mai est à la fois un espace de travail pour ses 70 structures résidentes (350 artistes, producteurs, salariés qui y travaillent quotidiennement) et un lieu de diffusion (600 propositions artistiques publiques par an, de l’atelier jeune public aux plus grands festivals). Avec près de 450 000 visiteurs par an, la Friche la Belle de Mai est un espace public multiple de 45 000 m2 où se côtoient 5 salles de spectacles et de concert, des jardins partagés, une aire de jeux et de sport, un restaurant, une librairie, une crèche, 2400 m2 d’espaces d’exposition, un toit terrasse de 8000 m2, un centre de formation.
Bureau des Guides
Co-fondé en 2014 par Julie De Muer (Hotel du Nord, ex-Radio Grenouille), Loïc Magnant (Directeur de la FAI-AR), Baptiste Lanaspèze (Éditeur aux Éditions Wildproject) et Alexandre Field (Architecte de projets et enseignant à l’ENSAM), le Bureau des guides du GR2013 est une association qui regroupe les initiateurs du sentier de randonnée GR2013.
En rassemblant des artistes-marcheurs, des collectifs d’habitants et d’architectes-constructeurs, il travaille à poursuivre et à développer l’aventure du GR2013 en proposant à travers ses différents projets et activités comme la marche en milieu périurbain, l’exploration artistique du territoire, l’arpentage permettant la connaissance profonde et éprouvée des territoires mais aussi le récit comme possible socle du geste constructeur et aménageur.