Enrico Pinto
Artiste-auteur, architecte
Mars 2026

- Arts visuels
- Los Angeles
« Mon objectif est de construire une histoire autour de la grande aventure de Venturi et Scott Brown à Las Vegas : une histoire non seulement sur les casinos, le consumérisme et l’architecture, mais aussi sur l’immigration, le féminisme et l’amour. »
J’ai fait mes études d’architecture au Politecnico de Milan et de Turin. Après diverses expériences de vie à Copenhague, Barcelone et Berlin, je me suis installée à Paris en 2018, où j’ai découvert l’univers de la bande dessinée et du dessin de presse.
Dans mon premier roman graphique, L’Écran blanc (2023/2024), j’ai exploré le genre du thriller d’anticipation pour aborder des thématiques qui me tiennent à cœur : la ruine, la disparition, les liens entre politique et transformation urbaine, ainsi que la relation entre architecture et nature. À travers l’utilisation de deux techniques graphiques distinctes, j’ai essayé d’évoquer un futur proche qui tend à effacer la frontière entre monde réel et monde numérique.
De manière générale, j’aime développer mes récits à partir d’un lieu ou d’une personne qui me fascine depuis longtemps. Ensuite, j’y ajoute des éléments autobiographiques ou fictifs, ainsi que des thèmes plus intimes, voire des obsessions personnelles. Ce qui m’intéresse le plus, c’est le basculement entre réalité et fiction : le moment où je m’éloigne de la source pour inventer un personnage inédit ou une nouvelle réalité, en explorant la liberté narrative et graphique propre à la bande dessinée.
Pour mon projet de résidence, je souhaite poursuivre cette démarche en m’inspirant de la ville de Las Vegas et de la figure de l’architecte Denise Scott Brown. Comme dans mon précédent ouvrage, je transformerai ces éléments à travers un prisme à la fois réaliste et onirique, en associant différents styles graphiques à divers degrés de fiction et de réalité.
Originaire du sud de l’Italie et basé à Paris depuis 2018, Enrico est artiste-auteur et architecte.
Son premier roman graphique, L’écran blanc, a été publié en 2024 aux éditions Presque lune (France) et en 2023 chez Coconino Press (Italie). Le livre a été retenu dans la Sélection Officielle du Festival d’Angoulême en 2025 et a remporté le prix « Artiste révélation » lors du Treviso Comic Book Festival en 2024. Ses illustrations et bandes dessinées ont été publiées dans des magazines tels que The New Yorker, The Times Luxury, Le Fooding et Internazionale.
Je suis actuellement en train d’écrire un roman graphique sur l’héritage de l’architecture postmoderne aux États-Unis, en me concentrant sur la figure de Denise Scott Brown. Architecte pionnière, urbaniste et militante pour les droits des femmes, elle peut être considérée comme l’une des théoriciennes de l’architecture les plus influentes du XXᵉ siècle.
L’idée de ce projet est née d’une profonde fascination pour le livre Learning from Las Vegas, coécrit par Scott Brown, Robert Venturi et Steven Izenour. J’ai trouvé leur démarche incroyablement audacieuse : ils ont bousculé la théorie architecturale en posant simplement de nouvelles questions, telles que : « Que veulent vraiment les gens ? » ou « Que signifient les bâtiments, désormais perçus à grande vitesse depuis la fenêtre d’une voiture ? ». Mon objectif est de construire une histoire autour de leur grande aventure à Las Vegas : une histoire sur les casinos, le consumérisme et l’architecture, mais aussi sur l’immigration, le féminisme et l’amour.
Partant d’une perspective biographique, je souhaite y introduire des éléments de fiction et analyser la ville à travers le regard d’un autre personnage : une réalisatrice française obsédée par l’histoire de Denise, qui entreprend un voyage introspectif à Las Vegas. Au fur et à mesure qu’elle expose ses idées à d’autres artistes et producteurs de films, sa propre histoire se mêlera de plus en plus à celle de Denise, jusqu’à ce que les deux récits deviennent difficiles à distinguer.
Comme dans le cinéma, je trouve fascinant le brouillage entre réalité et fiction, et cela me semble particulièrement approprié dans une ville comme Las Vegas. À l’instar de mon précédent roman graphique, je souhaite que ce récit secondaire, presque onirique, corresponde à un langage graphique différent et transmette ma vision personnelle du paysage urbain américain.
J’ai toujours été fasciné par l’architecture américaine, les infrastructures monumentales, les échangeurs autoroutiers et l’étendue des métropoles. Avant de commencer ma carrière d’architecte, j’ai passé quelques mois à Los Angeles, où j’ai entrevu les rouages complexes de l’une des villes les plus paradoxales d’Amérique — une ville qui abrite indifféremment rêves et cauchemars.
Las Vegas revêt pour moi une importance particulière, non seulement parce qu’elle accentue ce paradoxe, mais aussi parce qu’elle révèle beaucoup sur notre rapport à l’argent et au désir, sur notre besoin de symboles et notre culte de l’image. En m’appuyant sur des techniques d’analyse proches de celles utilisées pour la réalisation de Learning From Las Vegas, je souhaite examiner comment le monde numérique a encore transformé la logique de séduction et de consommation de la ville. L’idée est d’analyser comment la ville a évolué depuis la publication du livre en 1972 et comment elle a réagi à la prolifération contemporaine des écrans et à la saturation des images.
La résidence offrira une occasion précieuse de rassembler des matériaux tant écrits que visuels, à travers le croquis urbain, la recherche photographique, la documentation d’archives et les entretiens. Plus que tout, je souhaite entrer en contact avec la diversité des personnes qui vivent le Strip au quotidien : touristes, artistes locaux, performeurs, résidents et sans-abri. Je suis désireux de comprendre les points de vue des architectes et urbanistes de Las Vegas, mais aussi d’entendre les centurions du Caesars Palace et les danseuses de cabaret du Stardust Casino.