Caroline Gueye
Artiste plasticienne
Septembre-Novembre 2022
- Arts visuels
- Houston
« Plus les missions humaines vont loin dans l’espace, plus les compétences liées à la créativité seront nécessaires pour survivre et prospérer. »
J’ai grandi dans un environnement artistique. Au moment de choisir mes études supérieures, je suis tiraillée entre l’art et la science. Je choisis un parcours de physicienne (astrophysique et physique atmosphérique) mais continue à créer dans le même temps. Arrive un moment où après mes études, l’art rattrape la science. Je change de casquette et deviens artiste de profession. Ainsi je lie art et science physique dans ma démarche et mon processus.
Des œuvres qui ne se regardent pas mais qui se vivent. De la mécanique quantique à l’astrophysique, la physique est au cœur de mon processus et de ma production artistique. J’utilise ce point de vue scientifique pour faire un état des lieux sociétal et environnemental. J’engage une conversation avec le visiteur sur la façon dont la physique théorique ou expérimentale influence, à son insu, sa vie quotidienne : de la photonique au smartphone, du photon à la fibre optique, de la spectroscopie à la pollution de l’air, de l’intrication quantique à l’ordinateur quantique. Une invitation à réfléchir sur cet invisible qui régit l’humanité.
Obnubilée par le rapport entre l’art et la science, je décide d’orienter mes recherches de troisième cycle dans ce domaine. Ma thématique interroge à la fois les domaines en physique et en art, domaines qui seraient liés par les neurosciences (études scientifiques du système nerveux). Il y a plusieurs spécialités dans les neurosciences, de la même manière qu’il y a plusieurs spécialités en chirurgie : cardiaque, esthétique, maxillo-faciale, etc. Pour la partie neuroscience qui concerne mes recherches, c’est la spécialité sur la créativité science-art qui m’intéressent. Je m’interroge sur le processus de création à la fois d’astronautes et de physiciens ayant une fibre artistique mais aussi d’artistes ayant une fibre scientifique. La neuroscience guidera mon raisonnement, comme base, pour comprendre leur processus créatif.
Caroline Gueye est née et a grandi au Sénégal puis a poursuivi ses études supérieures en France, aux États-Unis et en Chine. Elle est diplômée en astrophysique, physique atmosphérique, en chinois et prépare actuellement un doctorat en art et science. Caroline a baigné dans un environnement artistique, avec l’influence de feu son grand-père Paul Ahyi considéré comme le Picasso africain et auteur du drapeau du Togo. En 2016, son travail dans l’atelier de l’artiste chinois Qin Chong (亲冲) a stimulé sa préférence pour les volumes. Depuis elle a participé, tout combiné, à plus d’une trentaine d’expos collectives, solo et de résidences sur quatre continents. Lors de la Biennale de Dakar 2022 elle remporte le prix de la meilleure artiste de l’Afrique de l’Ouest (prix CEDEAO).
Depuis les premiers recrutements d’astronautes dans les années 60, il y a eu de l’évolution dans le processus de sélection. Au départ il fallait nécessairement être pilote. Ensuite les compétences scientifiques ont été intégrées. Puis les femmes ont été rajoutées. Maintenant, une attention particulière est portée sur les aptitudes psychologiques et les capacités à vivre en groupe des astronautes. Désormais, il ne faut plus être excellent dans un domaine spécifique, mais être plutôt bon dans tout, être polyvalent. Pour avoir tenté le recrutement des astronautes de l’ESA (Agence Spatiale Européenne) en 2021, à aucun moment une quelconque créativité n’est mentionnée.
Pourtant la créativité chez les astronautes s’est exprimée lors de la mission Apollo 13 contrôlée par la NASA à Houston et lors d’autres missions. Aussi, de nombreux astronautes après leur retraite s’adonneraient pleinement à l’art et la création. Cette question de la créativité chez les astronautes, bien qu’encore très peu étudiée, a néanmoins fait l’objet d’une publication scientifique affirmant que ce domaine pourrait se développer dans le futur. En effet, la communauté spatiale se concentre désormais sur l’envoi d’homme vers la planète Mars. Henderika de Vries de Yale University explique dans sa publication que les missions dans l’espace lointain se caractérisent par des défis psychologiques supplémentaires. Plus les missions humaines vont loin dans l’espace, plus les compétences liées à la créativité seront nécessaires pour survivre et prospérer. Elle ajoute qu’aujourd’hui, la créativité fait également l’objet de recherches scientifiques où elle est considérée comme une compétence qui peut être apprise, évaluée et mesurée. Dans un futur proche, le potentiel créatif pourrait-il faire partie des critères de sélection et de formation des astronautes ? La créativité science-art chez les astronautes est-elle avérée, se développe-t-elle au cours de leur formation ? C’est sur la base du raisonnement ci-dessus que j’essaierai d’alimenter mes recherches au JSC, d’un point de vue artistique, via une approche in situ, une enquête de terrain, afin de découvrir le processus créatif des astronautes.
La ville de Houston héberge à la fois le spatial, les neurosciences et l’art. Mes recherches artistiques et doctorales combinent ces trois domaines. Les lieux de Houston décrits ci-dessous seront nécessaires au développement de mon projet.
Le Johnson Space Center de la NASA est un leader de l’exploration spatiale humaine. Le site web de la NASA indique que les membres du personnel du JSC sont des résolveurs de problèmes créatifs et talentueux qui repoussent les limites de l’innovation en matière d’exploration.
De plus, il y a à Houston un réel intérêt, pas seulement des laboratoires mais aussi d’institutions sur cette question d’une créativité science-art. L’université de Houston compte deux laboratoires de neuroscience qui travaillent sur la créativité science-art : le « BRAIN Center » et le « Your Brain on Art Laboratory ».
Enfin, Houston est devenue un foyer de l’art contemporain. Le quartier des musées est l’un des plus grands en Amérique du Nord, sans parler de la collection Menil. La visite des collections d’art contemporain combinées à des échanges avec les conservateurs alimenteront le pilier de ma recherche sur les artistes polymathes et leur processus créatif.
Mes recherches portent sur une fusion de trois domaines : « science – neuroscience – art », et plus spécifiquement pour mon projet à Houston : « astronautes – neuro-créativité science-art – processus artistique ». Pour avancer dans ces recherches, Houston regroupant JSC, laboratoires de neuroscience spécialisés sur la créativité science-art, et hub artistique, est de facto la ville où il est nécessaire de séjourner.
En partenariat avec
Ford Foundation
La Fondation Ford est un organisme indépendant qui combat les inégalités afin de construire un avenir plus juste. Depuis plus de 85 ans, elle soutient des artistes visionnaires, à la pointe des changements sociétaux dans le monde entier, et s’efforce de renforcer les valeurs démocratiques, réduire la pauvreté et l’injustice, promouvoir la coopération internationale et contribuer aux progrès de l’humanité. Forte d’une dotation de 16 Md$, la fondation siège aujourd’hui à New York et possède une dizaine d’antennes régionales en Afrique, en Asie, en Amérique latine et au Moyen-Orient.
Cité de l’Espace
Susciter la curiosité, donner l’envie d’en savoir plus, créer des vocations scientifiques, rendre l’espace, l’astronomie et la culture scientifique accessibles à tous, telles sont les missions de la Cité de l’espace. Principal site en Europe en matière de diffusion de la culture spatiale et astronomique auprès du grand public, la Cité de l’espace est un équipement de Toulouse Métropole, ouvert en 1997 à l’initiative de la Mairie de Toulouse, avec le soutien de la Région Occitanie Pyrénées-Méditerranée, de ses cofondateurs le CNES, Airbus Defence and Space, Météo-France, le Ministère de l’Education Nationale, rejoints par Thales Alenia Space, la Caisse des Dépôts et Consignations, la Caisse d’Epargne de Midi-Pyrénées.