L’odyssée sonique de NSDOS
L’artiste pluridisciplinaire NSDOS a élaboré une approche singulière et non conventionnelle de la musique. A partir d’une palette d’éléments aussi inédits les uns que les autres, il brise les codes et bouscule les attentes en invitant le public à observer les possibilités infinies des objets, outils technologiques, sons et mouvements corporels. Une pratique qu’il a récemment expérimenté à la Nouvelle Orléans, lors d’un séjour filmé par Édouard Lemiale.
À l’intersection du mouvement et de la technologie, se trouve un artiste dont le nom résonne avec une vibration toute particulière : NSDOS, alias Kirikoo Des. Le Français cultive la multidisciplinarité, navigue entre musique, danse et exploration technologique, avec un sens de l’avant-garde qui captive les sens et défie les normes préétablies.
Au cœur de l’odyssée sonore de NSDOS on trouve une quête perpétuelle de la symbiose entre corps et machine. Formé à l’Académie internationale de la danse (Paris), il travaille, manipule, façonne les outils technologiques pour faire se coïncider machines et matières. Il rassemble ainsi des données vivantes récoltés par des capteurs placés sur son corps lorsqu’il danse, invente des dispositifs interactifs, des codages novateurs, et les mêle à la musique techno pour élaborer une matrice organique. Sa vision va bien au-delà de la simple performance, c’est une recherche d’unité organique, où la technologie devient non seulement un outil, mais aussi une extension de la forme humaine.
Depuis les rues de Paris qu’il arpente jeune au rythme du hip-hop, NSDOS a tracé sa route, celle d’un anticonformiste qui s’inspire de l’esprit anarchique de Dada, et du lettrisme. Ses influences vont de l’alchimie sonore de Christian Marclay aux réflexions corporelles de Donna Haraway, et se fondent dans une approche alternative de la musique. Mais sa pratique ne se cantonne pas à l’utilisation d’outils technologiques ou de logiciels créés par d’autres, elle prend la forme d’une régénération, ou d’une transmutation.
NSDOS cherche ses propres médiums, il compose à partir de vieux convertisseurs audios, émulateurs de Gamebo ou encore de morceaux de métal démontés et soudés ensemble afin de former des machines surréalistes. Sans cesse à la poursuite d’éléments hybrides, il déploie une méthode qui va à l’encontre du schéma rectiligne de la musique techno, envisage différemment les textures, mutile les sons pour éviter toute artificialité et restituer une vitalité pure.
Après trois maxis, Lazer Connect (2013), Female Guest (2015), tous deux enregistrés avec le label parisien Clekcleckboom Recordings, et Money Exchange (2016) créé avec le label Standalone Complex, il fait paraître Intuition, un album paradigmatique de sa vision organique de la musique. Composé alors qu’il était en Alaska, son album entremêle un principe de « biofeedback » et les données météorologiques recueillies par l’artiste, pour donner à entendre les mouvements de la nature. L’album obéit à une méthode originale inspirée par la passion que voue l’artiste pour la danse japonaise Buto mais aussi son intérêt pour la biologie, et est accompagné d’une série de cinq vidéos retraçant le processus créatif de NSDOS. S’ajoute à cela d’autres compositions à l’instar de Clubbing Sequence, où la musique entre en symbiose avec les mouvements des danseurs dans l’atmosphère déroutante d’une boîte de nuit en réalité augmentée. Il explore aussi la signification des gestes et des mouvements dans son album Micro Club.
En résidence à la Nouvelle-Orléans avec la Villa Albertine en 2023, NSDOS a approfondi sa réflexion sur les liens entre monde physique et virtuel, et sur l’élaboration d’une danse post-internet. Son projet S.E.L.M (Send Everyday Life Movement), réfléchissait à la possibilité d’une danse faisant abstraction des corps, via la compilation de mouvements captés, ou la « réhumanisation » des données dans des mouvements venant augmenter la palette du danseur.
Subjugué par ce qu’il désigne comme une « ville performance », NSDOS est parti en quête du mouvement comme élément symbolique, archives de culture, il s’est immiscé dans l’atmosphère trépidante de la Nouvelle-Orléans au rythme des fanfares de Second lines, de Mardi Gras, des Black Indians… mais aussi des clubs et de l’urbex. Des expériences qui ne relèvent pas tant du spectacle, selon l’artiste, que d’une manifestation libre et qui ont contribué à la création d’une performance inédite.
Bientôt de retour à NOLA dans le cadre d’une post-résidence avec la Villa Albertine, NSDOS entend poursuivre sa collaboration avec l’artiste Tiss Rodriguez rencontré lors de sa première résidence. Un enregistrement au Material Institut est prévu, mais aussi la création d’une plateforme numérique interactive et participative qui permettrait aux communautés de la ville de raconter leurs histoires de manière autonome.