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LOVE ME TENDERLOIN 

©Yann Legendre

L’auteur de science-fiction Alain Damasio dévoile dans ce texte la face cachée de la ville de San Francisco. Inspiré de l’enquête réalisée lors de sa résidence avec la Villa Albertine, ce récit dévoile les effets pervers de la modernité et du capitalisme sur l’humain. 

C’est un asile sans mur, à ciel ouvert. Needless walls.  

Puisque les âmes portent déjà leurs propres murs en elle/intimes et effondrés.  

À Tenderloin, quartier le plus pauvre de San Francisco, à deux blocs du siège de Twitter, à touche-touche de la richesse la plus brutale, la folie est partout — liquide, tranquille, visqueuse — elle coule à travers les rues et arpente les places. Elle coagule plus loin au bord des trottoirs, sur une poubelle ou sur un banc, se lève et repart. Elle est fascinante, la folie, quand elle est « libre », comme ici : elle prend toutes les formes, tous les corps, elle les habite et elle les casse, elle les sonne comme un gong frappé qui les laisse debout, à tituber, pour finalement les coucher dans l’asphalte comme dans un lit.  

Plus de filtre, plus de vitre, plus d’interface, plus rien : le réel.  

Tu marches à deux mètres d’un handicapé qui pioche avec son pied doit pour faire avancer sa chaise roulante, croulante sous trois sacs à dos. Une vieille à la trogne ridée comme une pomme prend un coup de poing que son visage avale, sauf qu’il n’y a pas de coup de poing, et plus de visage, seulement cette peur qui écarquille ses yeux. Par cycles. 

Il pourrait tout se passer et il ne se passe rien. Not today. Ou plutôt tellement de choses, tellement d’événements banalement atroces que ça finit par ne plus compter. 

Tourne autour d’une poubelle un apache torse nu, aux muscles tendus, qui pare une agression éternelle. Un ado blanc comme un irlandais, droppé au sol dans un angle bizarre rougit au soleil, à trois mètres d’un couple à moitié habillé collé dans une tente une place. Deux types font chauffer du crack dans le creux d’une feuille d’aluminium, avec des airs de camping à la volée.  

©Yann Legendre

« Le nombre de gens ici qui pensent seuls, qui chantent seuls, qui mangent et parlent seuls dans les rues est effarant. Pourtant ils ne s’additionnent pas. Au contraire, ils se soustraient les uns les autres, et leur ressemblance est incertaine. » disait déjà Baudrillard en 1986. C’est exactement ça : tous dans la même merde mais d’une façon si férocement solitaire et incomparable que ça ne forme aucun groupe, aucune situation partagée. Chacun affronte la totalité de la misère à lui tout seul.  

Ronald Reagan trouvait « awful » les hôpitaux psychiatriques si bien qu’il les a fermés dans les années 80. Tout simplement. Pourquoi s’emmerder ? Depuis, la rue des quartiers pauvres est un HP laissé à lui-même que personne n’est plus apte à gérer ni à soigner. La ville y consacre pourtant 80 000 dollars par homeless et par an, me disent mes contacts ici, sans guère de succès. La réputation libérale (de gauche, donc, dans la classification américaine) de la ville en a fait un attracteur de clochards, que les deux ans de covid ont encore renforcé. 

En France, nous avons évidemment des sans-abris. Ici, nous sommes au stade supérieur, non seulement parce qu’ils sont beaucoup plus et hantent le centre ville, mais surtout parce qu’ils sont beaucoup plus atteints et détruits. 

De ce que j’ai compris, il n’existe pas de services sociaux dédiés aux homeless dans la ville. La ville finance des associations extérieures pour tenter de gérer cette misère. Ce qui ouvre naturellement à des corruptions nombreuses — conjonctions des sommes énormes disponibles pour des structures indépendantes de la mairie dont il est très difficile de mesurer l’efficacité. 

Lors de ma « visite », une petite harde de gilets jaune opère, siglés Urban Alchemy, avec un logo qui fond dans le même étrange graphisme les illuminatis, la franc-maçonnerie et le new-age. Ils sont largement déployés dans les rues que nous arpentons.  

En France, on appellerait ça une ONG. Ici on dit Non-Profit Organization — et le simple fait de définir une association sociale, culturelle ou humanitaire par la négation du profit synthétise pour moi une vision américaine. La norme est le profit. C’est l’axe autour duquel les vrais enjeux tournent. Tout le reste se définit en creux. Exactement comme l’essai et la pensée sont de la non-fiction. La philosophie, la sociologie, les sciences dures, l’ethnologie ? Non-fiction. Est-ce à dire que dans l’empire du livre, la fiction est la norme ? 

Dans la rue, le diable est dans les seringues et la poudre : le fameux Fentanyl, inconnu en France, cinquante fois plus puissant que l’héroïne et infiniment moins cher. Deux milligrammes suffisent à déclencher l’overdose, on peut le couper avec ce qu’on veut, le mettre dans des cachets d’aspirine, l’ajouter à la coke, à l’héro.  

À San Francisco, les overdoses ont tué plus de gens que le covid en 2020 : 700 morts, comme le rappelle une affiche du métro. Et c’est plutôt bien comme ça, n’est-ce pas ? La pauvreté s’autorégule, s’auto-annule, le fentanyl fait le taf des services sociaux, du gouvernement et du capitalisme absolument et totalement irresponsable, démissionnaire et à vomir. 

Il y a 78 milliardaires dans la Silicon Valley toute proche. Autour de 20 millions de dollars de richesse, tu t’achètes ta maison et une très belle voiture m’a dit un directeur financier ici. À 200 millions, tu as ton jet et tu fais des week-ends prolongés en Bourgogne. Quand tu reviens, tu arrives en retard au board parce qu’il te faut faire escale et remplir ton avion de kérozène. 

1% de la richesse d’un seul de ces milliardaires suffirait sans doute à soigner ces gens, au moins à les protéger des autres et d’eux-mêmes. À rémunérer une action sociale de long terme digne de ce nom, à construire un foyer pour eux et à salarier des psychiatres et des soignants pour s’en occuper. 

Ça n’arrivera pas. Tenderloin végète dans sa merde, dans sa mort, tu marches sur des étrons qui ne sont pas ceux des chiens.  

Pourquoi ? Pourquoi donc ? Comment peut-on adosser, accoler presque, la richesse la, plus obscène avec la pauvreté la plus féroce ? Comment on peut accepter ça, moi le premier ? Comment la révolte ou la révolution ne renverse pas tout ça — d’une insurrection ? Comment l’immeuble de Twitter peut-il rester debout à deux cent mètres de là et ne pas s’écrouler sous une attaque de zombies drogués enfin conscient de ce qui se passerait ? 

La réponse, il me semble, n’est pas complexe. Elle n’est pas simple non plus : elle est profonde.  

L’art du délié 

Je vais essayer d’avancer une hypothèse. Elle est partielle et partiale.  

Elle n’aborde pas l’éthique puritaine qui considère le succès et la richesse comme une preuve d’élection de Dieu et la pauvreté, implicitement, comme méritée par ceux qui la subissent, au moins comme un mauvais signe. Elle ne développe pas ce que la contre-culture a négligé des valeurs de la gauche européenne, à savoir l’égalité, au profit d’une libération individuelle devenue prioritaire, laquelle explique pour partie que des inégalités aussi hallucinantes puissent être mieux tolérés aux USA qu’ailleurs. 

Je n’ai aucune solution ni puissance visionnaire. Je ne veux juste pas me dire que c’est normal, et passer à autre chose. On voit des millions de gens s’attendrir sur leurs animaux domestiques, sans s’aviser que ces animaux là que sont aussi les humains des rues mériteraient une attention aussi forte.  

©Yann Legendre

L’hypothèse est la suivante. Ce qui manque, selon moi, aux deux bouts du spectre, de la psychotique en chaise roulante jusqu’à Mark Zuckerberg, en passant par les salariés de 22 ans à 15 000 dollars par mois, en passant par vous et moi, qui n’en faisons pas plus lourd, au mieux, que nous indigner en caressant doucement la vitre de nos smartphones, ce qui manque, c’est le lien. L’empathie minimale. La faculté hautement humaine, mais aussi pleinement animale, à pouvoir souffrir et sentir avec. La faculté à pouvoir être traversée par cette détresse, à la recevoir en nous, au point de ne plus pouvoir la tolérer sans agir. 

Ce qui manque, c’est une aptitude, désormais largement perdue, laissée en jachère ou en friche par nos modes de vie numérique, à pouvoir nous confronter à l’altérité. À ce qui n’est pas nous, à ce que nous ne vivons pas, ne partageons pas directement. 

Cette faculté de projection, cette capacité d’écoute existentielle, d’accueil de ce qui sort de nos bulles, cette faculté à sortir de soi, ou sans même sortir, à s’ouvrir pour que d’autres entrent chez nous, viennent nous affecter, nous impacter et nous secouer, cette faculté est la première chose que le monde numérique a dégradé en étendant son empire et ses pratiques sur nos existences.  

Et c’est là peut-être le cœur de ma technocritique. Telle qu’elle a été développée, la Tech « démocratisée » est d’abord une machine sociale à dilater les égocentres et à en faire ses centres de profit. Par conséquent, à refabriquer le lien par interface interposée en coupant les corps de tout partage (Puisqu’un lien « informatisée » produit sans cesse de l’information, donc de la trace exploitable, donc du profit, ce que ne permet pas les relations IRL). 

On ne le pointera jamais assez : les réseaux sociaux nous connectent, mais ils ne nous lient pas. Ils nous assemblent, certes, sans jamais obtenir de nous que nous soyons ensemble. D’une rafle élégante, ils articulent les grains de raisin éparpillés que nous sommes devenus pour en faire des grappes suspendues, des communautés en ligne, des réseaux complices ou affins, oui. Mais ils nous unissent toujours en tant que séparés. Ils nous unissent dans la distance physique, ils nous espacent en nous mettant en contact, ils conjurent toute dimension charnelle ou corporelle, toute présence incarnée au profit des visios, des images et des messages, bref de l’information-reine qui va les reconstituer par bits et pixels.  

Où est le toucher dans un gant à retour de force ? Où est l’odeur d’une peau ? Où est la sensation d’un corps, la chaleur d’une main qui prend la mienne ou qui se pose sur mon épaule ? Où sont les baisers, où le goût d’un fruit, d’un fromage, la saveur d’un vin ?  

On associe la modernité la plus hype avec la qualité du simulé. Sans voir que cette fascination pour le simulé, pour la réalité réinventée à coup de teraoctets processés en temps réel, a quelque chose de naïf et de forain, un rêve de nerd ou de geek, qui à mes yeux suinte le has-been en se parant des atours du should-be, bref d’un avenir sexy. Réinventer son rapport au vivant me semble tellement plus moderne, justement. 

Sans miracle, les moguls de la Silicon Valley ont fait un monde à leur image : le monde de la viande, du corps = meat, du cerveau = computer, rien d’autre, et ils nous l’ont marketé mondialement. Un mode d’adulescents timides, incapables d’entrer en relation directement et pleinement avec l’autre et qui conjure cette coupure par les réseaux. Nick Pinston, qui connaît personnellement les fondateurs de Facebook m’a livré sa vision : ce sont tous des autistes sociaux, des gens pour qui avoir des rapports sociaux normaux est juste… difficile. Les social networks sont nés de leur quête d’une technologie qui puissent résoudre ça à leur façon. En phase avec leur peur de l’autre et leur désir d’échanges, malgré tout. And they fix it

Tenderloin jouxte le Financial district. Aucune barrière, aucun mur, aucune coupure ne les sépare. C’est juste que la coupure est la vitre de nos écrans, les parois de nos bulles de filtre. 

Les Gafam n’ont pas tué les liens, ne les ont pas tranchés au couteau ou à la hache. C’est bien pire, plus efficace et plus subtil que ça, et surtout, ça n’a pas été explicitement conçu ou voulu comme ça. Ça sonne plutôt comme le dégat collatéral d’une guerre qui n’a même pas eu lieu. Ils ont dévitalisé ces liens. Ils les ont édulcorés, désintensifiés. Ils nous ont donné le moyen quotidien, par leurs plateformes et leurs applications, de devenir de parfaits in-dividus autosatisfaits, ou vécus tels, se voulant tels — c’est-à-dire des êtres humains qui ne se divisent plus, ne se partagent pas avec d’autres, n’offrent pas un seul morceau de ce qu’ils sont à d’autre qui en auraient besoin.  

Ou, quand ils le font, ils le font à distance respectable, à distanciation sociale tolérable, sans s’engager, sans se mettre, d’aucune façon, en danger. Cette sécurité mentale et physique, elle était en latence, sans doute, dans les pulsions vitales négatives de l’humain, elle se tenait en attente, comme dans l’ombre ou l’envers du désir de rencontre et de confrontation qui nous a aussi construit dans l’évolution, et qu’on activait parce que c’était aussi et peut-être surtout la meilleure façon de survivre.  

Aujourd’hui, passé un certain niveau de confort, cette confrontation n’a plus besoin d’avoir lieu. Alors on vit dans le non-lieu de la communication et des échanges, dans la non-présence des plateformes qui remplacent le vécu ou l’absorbe aussitôt éclos. Instagram est un buvard qui boit l’intensité fuyante de nos moments prétendument riches. 

Sans lien, tout devient possible. L’extrême riche peut cotoyer le homeless défoncé sans s’émouvoir. Ce n’est même plus une question de morale, c’est une question d’anthropologie de la relation ou du rapport humain, qui a été perdu. On voit, on sait, on accepte Tenderloin. Parce que pour nous, comme pour le Terminator : « la douleur n’est qu’une information ». J’entends : leur douleur, pour nous, n’est qu’une information. Ça se transmet au cortex mais ça ne se ressent pas. 

La Silicon Valley nous offre un monde américain, quoi qu’on en pense. Rien d’universel en vérité. Elle répand une culture relationnelle qui ne part jamais des collectifs ou des communautés, comme en Asie ou en Afrique, pour prendre des exemples grossiers, seulement de l’individu comme atome et centre de son monde, dont il va bien falloir, par après, penser les relations possibles avec les autres.  

Windows Into The Tenderloin 

Lisa Ruth, ma guide, historienne de talent, militante de terrain aussi, m’amène devant une fresque magnifique, à l’angle des rues Jones & Golden Gate.  

C’est une œuvre de l’artiste Mona Caron, qui est bouleversante par sa beauté simple et par l’implication des habitants dans son élaboration. 

L’œuvre est un trypique dont le premier panneau représente désormais le passé du quartier, tel qu’il était au moment où il a été peint : un « parking lot ». Le second est le quartier vacant à ses occupations, sauf que chaque personnage qui y figure est une personne réelle que Mona a peinte et intégrée dans sa fresque. Un panneau y indique « one way ». Le dernier est plus beau, teintes fauves et vertes, il est orné du panneau « another way » et traduit ce que le quartier pourrait devenir dans le futur si l’on suivait un autre chemin, sans gentrification et sans décision urbanistique venue du haut : juste par l’action des habitants et à partir de choses réalisables. 

Ce troisième panneau, comme l’explique Mona sur son site, est devenue un moyen pour la communauté d’envisager un avenir alternatif, une autre façon pour leur communauté d’exister. 

©Yann Legendre

Le tout s’appelle Windows Into The Tenderloin 

Mona Caron explique : « La fenêtre montrant « Another Way » est également peuplée de gens du quartier, certains faisant une activité spécifique qu’ils avaient souhaitée, d’autres partageant simplement l’espace de manière conviviale avec des personnes de différentes communautés et identités locales. (…) L’inclusion de la population locale dans le panneau futur-fantastique était particulièrement cruciale pour le concept de cette fresque, car je me suis efforcé d’évoquer la vision d’un environnement plus édifiant, convivial et beau dans ce quartier sans changement de population, c’est-à-dire sans gentrification. » 

« J’ai essayé de laisser cette peinture utopique « grandir par le bas » – à travers un processus participatif souple et décontracté (…) À ce moment-là, j’avais découvert les talents, les espoirs et les aspirations de nombreuses personnes, ou appris ce qu’elles faisaient en dehors de leur travail et qui leur donnait plus de sens… »  

Mona a aussi demandé aux habitants de lui faire des suggestions : qu’est-ce qu’ils aimeraient voir ici, si cela ne tenait qu’à eux ? 

« Lentement, une vision alternative du quartier a émergé. Je me suis appuyé sur ma propre série de visions « utopiques » de San Francisco tout en intégrant les idées issues de ces conversations avec les passants, qui allaient du pragmatique à l’amusant et au stupide… Pour les changements apportés aux bâtiments et aux infrastructures, j’ai essayé de choisir des idées qui pourraient être mises en œuvre et entretenues par les gens eux-mêmes, sans intervention massive des autorités. J’ai également donné la priorité à la réutilisation de choses qui existent déjà. » 

La fresque est magnifique, honnêtement. On y sent une générosité profonde, qui tient sans doute à la façon dont elle a été réalisée, tissée à même le quartier et ses habitants. On y voit un petit bassin de pisciculture, des potagers communs, une librairie, des magasins gratuits, une économie du don, un poète qu’on écoute, un fonctionnement communautaire, du housing affordable to all, des gens qui dansent sur une terrasse, se regardent et se parlent, mangent ou jouent ensemble, des toits végétalisés,  

Tout ça vient du cœur des gens, de leurs rêves, l’art graphique les a seulement mis en espace et en scène. Mais ça forme une image très émouvante d’un avenir possible : another way

Quelques tags foireux sont venus salir un peu la fresque, la peinture s’écaille et tombe par endroits, ce qui froisse Lisa, qu’on sent très attachée à cette œuvre et à ce processus. Mais elle est là et c’est elle qui tient les murs, plus que l’inverse. 

Mona Caron n’a rien fait d’extraordinaire au fond : elle est juste restée là, à peindre lentement, à converser, à parler aux gens qui passent, à les écouter. Elle a pris le temps. Et elle a métabolisé non seulement le quartier tel qu’il était, tel qu’il est mais le quartier telle qu’il se rêve et pourrait être, en faisant monter cet imaginaire latent dans sa couleur et ses traits. 

L’utopie est crédible, intelligente et articulée. Elle n’a pas le caractère improbable qu’ont parfois les utopies, au contraire : elle est très exactement la voie alternative que ce monde et ces quartiers pourraient prendre, pour peu qu’on les protège de la drogue, du deal, de la corruption et qu’on consacre un infime pourcentage des richesses produites juste à côté dans la baie pour réaliser ce que les habitants eux-mêmes souhaiteraient construire ou aménager. Il « faudrait » juste leur laisser la main et leur fournir un peu de moyens. 

Plus loin à un autre angle de rue, des bacs de maraîchages ont gagné sur des places de parking. C’est peu mais ça fait du bien. 

Love me tender, love me true, chante dans ma tête depuis ce matin.  

Je mentalise à nouveau la fresque dans ma tête.  

Ce qui me frappe est qu’il n’y a pas dessus de SUV énormes, de gratte-ciels prétentieux, de parcs d’attraction ni de voitures volantes. La chose seule qui vole est une montgolfière et des oiseaux. Comme si l’utopie tech avait fini d’inspirer ces quartiers, ou comme s’ils savaient d’instinct qu’elle ne leur apportera, à eux, rien.  

Ce dont ils rêvent est tout simple et très compliqué à faire advenir ici : ils rêvent d’une vie collective liée. Ils rêvent d’une chose qui s’appelle l’amitié, qui s’appelle l’amour, qui s’appelle l’attachement à l’autre, partagé et réciproque. 

Love me tender, love me sweet, 
Love me tender, love me true 
All my dreams fulfilled 
Love me tender, love me ten-der-loin ! 

Alain Damasio, 28 avril 2022 
Illustrations de Yann Legendre 

Cet article figure dans le premier numéro du magazine States et a été publié à l’occasion de la sortie en France du livre d’Alain Damasio Vallée du Silicium (Albertine/Seuil).

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