Sabrina Bouarour
Réalisatrice et enseignante-chercheuse
Aout-septembre 2026
- Cinéma
- Washington, DC
« Mon projet rassemblera des matériaux sur l’agriculture urbaine pour et par la jeunesse à Baltimore. Au cœur de ce projet, il s’agit de révéler la résilience poétique de la nature qui prospère dans un food desert, ainsi que le potentiel d’adaptation au changement climatique d’un centre-ville résilient en lutte pour la justice sociale et alimentaire. »
Je suis réalisatrice et enseignante-chercheuse. Chaque film est pour moi une immersion en terre inconnue, une tentative de mieux comprendre le monde en le découvrant à travers les voix et les regards de celles et ceux qui l’habitent. Pour raconter le réel, j’effectue des recherches approfondies et fouille notamment dans les archives visuelles afin de faire dialoguer passé et présent. Je puise aussi mon inspiration dans la fiction, surtout quand elle permet de faire émerger une vérité plus sensible, par la musique par exemple.
J’ai vécu à Baltimore pendant quatre ans et j’y ai réalisé Lights of Baltimore, un long métrage qui abordait les questions raciales et les violences policières au lendemain des soulèvements de 2015, après la mort de Freddie Gray suite à son arrestation par la police. Pour interroger le présent, je suis remontée dans le passé de Baltimore en examinant notamment le racisme systémique qui l’a façonné.
Si l’écologie n’était pas au centre de ce film, l’urgence climatique m’a fait prendre conscience que les enjeux environnementaux sont inextricablement liés aux questions de racisme, de pauvreté et de santé publique. Je me suis alors intéressée aux initiatives vertes qui ont vu le jour à Baltimore pour lutter contre les inégalités d’accès à une alimentation saine.
C’est cette intersection entre justice sociale et transition écologique que je souhaite désormais explorer par une plongée poétique et politique dans une ferme urbaine de Baltimore où des enfants et des adolescents préparent leur futur en réinventant leur rapport au vivant.
Sabrina Bouarour est cinéaste et enseignante-chercheuse à la University of London Institute in Paris. Après des études de journalisme au CFJ et de cinéma à l’Ecole Normale Supérieure (Ulm) et la Sorbonne Nouvelle, elle se tourne vers la forme documentaire et réalise Lights of Baltimore. Ce long-métrage documentaire, a été montré dans de nombreux festivals internationaux et a reçu le prix du meilleur long-métrage au festival d’Ocean City. Sabrina Bouarour a été fellow du Zaentz Fund et son travail a été soutenu par la région Ile-de-France, la SCAM, la SACEM, mais aussi the Economic Hardship, the Maryland Humanities (Endowment of the Arts). Elle développe également en parallèle un projet de long-métrage de fiction.
Mon projet rassemblera des matériaux sur l’agriculture urbaine, pensée pour et par la jeunesse dans les food deserts de Baltimore, en vue d’un nouveau film à l’intersection des enjeux d’accès à l’alimentation, d’écologie, de divisions raciales et de santé.
Au cœur de ce nouveau projet se trouve Great Kids Farm, un site de 33 acres appartenant aux écoles publiques de Baltimore, où des éducateurs mettent en relation les élèves avec la nature et le système alimentaire. La ferme aide les jeunes à se reconnecter à leur environnement et à apprendre à cultiver leur propre nourriture.
Je m’y engagerai comme bénévole, observerai le quotidien et mènerai des entretiens avec des élèves, des enseignants et des agriculteurs afin d’explorer la construction communautaire, la transmission intergénérationnelle et l’autonomisation qui naît du travail de la terre.
En amplifiant les voix des élèves, je souhaite dresser le portrait d’une génération confrontée de plein fouet au changement climatique. Par une approche immersive, j’explorerai comment l’agriculture urbaine peut transformer notre perception des grandes villes, où plantes et animaux sont souvent relégués au second plan. J’interrogerai en fin de compte le lien entre la marginalisation de certaines communautés à Baltimore et celle de la nature dans les espaces urbains. Ce projet mettra en lumière les merveilles poétiques de la nature dans les food deserts et le potentiel d’adaptation au changement climatique d’un centre-ville résilient en lutte pour la justice sociale et alimentaire.
Dans un premier temps, je prévois un court documentaire sur l’agriculture urbaine à Baltimore, potentiellement associé à une installation multimédia interactive afin d’en élargir l’impact et la portée. Je suis enthousiaste à l’idée que ce processus de recherche immersive puisse mener à des intuitions inattendues et à de nouvelles possibilités créatives que je ne peux pas encore imaginer.
Les défis socio-économiques, écologiques et raciaux de Baltimore constituent un microcosme de l’ensemble des États-Unis. Cependant, leur ampleur est propre à Baltimore, où la pauvreté concentrée, la criminalité élevée, l’accès limité à l’alimentation et une fracture raciale marquée ont conduit aux soulèvements de 1968 et 2015. Néanmoins, des communautés dynamiques et résilientes ont émergé pour chercher des solutions à ces problématiques systémiques. L’essor de l’agriculture urbaine et des jardins communautaires en est un exemple.
Je m’intéresse également à Baltimore parce que c’est une ville où j’ai vécu et travaillé pendant quatre ans, et que j’affectionne particulièrement.
En tant que mère et éducatrice, je suis attirée par une ferme pédagogique où je passerai la majeure partie de mon temps, tout en visitant d’autres fermes afin de mieux comprendre les systèmes alimentaires.
Je visiterai des quartiers de Baltimore profondément touchés par les inégalités pour rencontrer des fermes fournissant des produits frais et collaborant avec des organisations locales. Ces groupes ont transformé l’attention suscitée après les soulèvements en efforts durables pour l’accès à l’alimentation, incluant des initiatives locales d’épiceries en partenariat avec des fondations nationales de justice alimentaire. Je prévois de rencontrer les fournisseurs alimentaires, de documenter leur travail et de mener des entretiens pour mieux comprendre le fonctionnement de ces collaborations.
J’adopterai une approche immersive comme celle utilisée dans Lights of Baltimore, en collectant sons, images et réflexions. Ce film incluait une scène mettant en scène les arrabers, une tradition de vendeurs de fruits et légumes tirés par des chevaux, pratique rare mais essentielle qui contribue encore à atténuer les food deserts. J’explorerai comment ces initiatives fonctionnent sans soutien officiel et impliquent la jeunesse.
Je visiterai également des jardins dans des quartiers aux profils démographiques variés pour examiner comment les espaces verts favorisent la connexion et la résilience, et comment ces espaces reflètent les tensions sociales et la quête de justice.
En partenariat avec
Johns Hopkins University, Film and Media Studies Program
Great Kids Farm – Baltimore City Public Schools
The University of London Institute in Paris