Skip to main Skip to sidebar

Ismaël Joffroy Chandoutis

Cinéaste et artiste
Mars-Mai 2026

  • Cinéma
  • Miami

« Le plus grand défi n’est pas de filmer la vérité, mais de créer un espace où les multiples vérités d’un individu peuvent coexister et dialoguer entre elles. »

Je suis artiste et cinéaste. Né en France, j’ai vécu plus de dix ans en Belgique où le montage est devenu mon premier territoire d’expérimentation. À l’INSAS, avec le cinéaste Olivier Smolders, j’ai découvert l’écriture liquide, cette forme où tout se génère simultanément : écriture, tournage, montage, dans un flux continu de création. Au Fresnoy, j’ai exploré la fabrication de films sans caméra, l’intervention dans les interstices de la génération d’images numériques, la création de plans via l’IA, la 3D, les moteurs de jeu. Le geste documentaire guide ma pratique, mais il est altéré, augmenté, reconfiguré. Ma démarche dépasse la question du vrai ou du faux pour interroger les mécanismes mêmes de production du récit à l’ère post-vérité. L’espace latent devient mon nouveau territoire documentaire, où une trace singulière du réel vient contaminer les modèles génératifs.

Mes œuvres explorent les territoires invisibles du numérique. Je travaille avec des êtres traversés par les technologies, dont les souvenirs se fragmentent entre avatars et identités multiples. Je suis dans un temps long de recherche pour saisir l’instant où leur histoire bascule dans autre chose – ni témoignage, ni fiction, mais une narration contrefactuelle qui interroge ce qui aurait pu être.  Dans Swatted (2018), les événements prennent forme à travers des images de jeux vidéo que je hack en temps réel. En supprimant les textures pour obtenir une esthétique filaire, je mets en scène des récits de joueurs qui racontent leurs difficultés à échapper au « swatting », un cyber-harcèlement qui menace leur vie à chaque partie. Dans Maalbeek (2020), j’ai travaillé l’esthétique des « point cloud » – nuages de points pixellisés – pour traduire la mémoire fragmentée de Sabine, survivante mais amnésique de l’attentat de la station de métro Maalbeek à Bruxelles, le 22 Mars 2016. Dans Rewild (2025) on suit un éleveur qui tente de remettre en scène la disparition tragique de son troupeau dans une simulation de jeu agricole alors même que le jeu limite la représentation de la mort. Parallèlement, je développe une approche permacomputing, combinant modèles open source d’IA en rendu local, upcycling créatif de technologies existantes et outils de production durables, pour me réapproprier mes moyens techniques et trouver ma singularité artistique.

 

Ismaël Joffroy Chandoutis est un artiste cinéaste français dont le geste documentaire aux formes hybrides – vidéo, installation, performance – questionne l’invisible et l’indicible du numérique. Diplômé de l’INSAS, LUCA School of Arts et du Fresnoy, il expose son travail au Centre Pompidou, à la Biennale de Venise et à la Semaine de la critique à Cannes. Swatted (Slamdance, Oscar Qualified) et Maalbeek (César 2022) explorent les mutations technologiques à l’ère post-internet. Artiste associé au Centquatre-Paris, il développe deux longs métrages, Virus et The Goldberg Variations, et présentera Rewild à la Biennale NÉMO en octobre 2025.

« Goldberg Variations » est un long-métrage hybride né de mon enquête sur Joshua Ryne Goldberg, aujourd’hui trentenaire, qui a incarné plus d’une centaine de personnages en ligne jusqu’à son arrestation par le FBI en 2015.

L’histoire commence en 2023. Je faisais des recherches sur le Gamergate et les deepfakes quand je tombe sur Joshua Goldberg – présenté partout comme terroriste. Mais quelque chose clochait dans le récit médiatique. En tirant les fils, je découvre l’ampleur vertigineuse : 40 000 posts écrits sous une centaine de personas – toutes plus fausses les unes que les autres. Il avait exploré chaque recoin d’Internet, pratiqué l’art du trolling à une échelle industrielle – une usine à personnages fictifs pour jeter de l’huile sur le feu dans toutes les communautés possibles. J’ai d’abord exploré ces traces à travers des installations artistiques présentées en expositions (Biennale Némo, Videoformes, Port des Créateurs), tentant de cartographier ce vertige numérique.

Puis, fasciné par cette complexité, je décide de lui écrire directement en prison. Contre toute attente, il me répond depuis sa cellule fédérale – le début d’une correspondance fleuve. S’ensuit un an d’échanges intenses – 500 pages de lettres, des appels vidéo. En août 2024, après sa libération, je suis parti le voir en Floride. Dix jours face à face qui ont révélé une dimension que le numérique masquait totalement.

Le film se construit maintenant dans une dynamique collaborative. Joshua, cinéphile obsessionnel capable de réciter des dialogues entiers de films obscurs, participe activement aux recherches et expérimentations. Mon approche : me glisser dans sa perception pour faire émerger la matrice de son monde intérieur. Le film sera une énième itération de Joshua sans être lui – faire vivre au spectateur l’expérience du deepfake, du faux, de l’identité qui se dérobe.

La résidence me permettra de capturer Orange Park et Middleburg – leurs atmosphères, leurs espaces liminaux. Ces matériaux constitueront des jeux de données pour entraîner mes propres modèles d’IA qui généreront textures et décors du film.

Joshua n’est pas un cas isolé mais la métonymie de notre époque. En octobre 2024, Elon Musk a partagé un faux article signé « Emily Goldstein » – persona créée par Joshua dix ans plus tôt. Ces fantômes numériques hantent l’espace public. En filmant Joshua de près, je révèle un individu sur le spectre de l’autisme, diagnostiqué tard, qui a trouvé dans la multiplication des identités une façon d’exister.

Jacksonville, Orange Park et Middleburg (où Joshua vit maintenant), puis Miami pour les recherches en IA.

Joshua vit désormais à Middleburg, entouré de ses animaux, avec la clim et les ventilateurs tournant en permanence contre la chaleur floridienne, des films d’auteur ultra-niche en fond sonore constant. Orange Park reste gravé dans son histoire – c’est là qu’il a grandi, là qu’il a été arrêté en 2015.

Je vais capturer ces espaces – les trains de marchandises qui rythment les nuits, les strip malls déserts, les parkings vides à 3h du matin, et sa chambre d’où il imaginait ses complots.

Miami sera ma base pour de potentielles collaborations avec des entreprises tech spécialisées en IA et des chercheurs de l’University of Miami, notamment Joseph Uscinski, spécialiste de la désinformation. Je collaborerai également avec Mike Wendling de la BBC qui a couvert l’affaire Joshua. Cette résidence de trois mois (février-avril 2026) me permettra d’entraîner mes modèles à partir des matériaux collectés pour reconstituer et réinventer cette histoire complexe.

En partenariat avec

Films Grand Huit

Accueil

BBC News

https://www.bbc.com/news

Le Port des Créateurs

https://leportdescreateurs.net/

Inscrivez-vous pour recevoir toute notre actualité en exclusivité