Khoudia Touré
Chorégraphe
Juin 2026

- Arts de la scène
- Chicago
« La puissance thérapeutique de la danse permet l’expression de la vulnérabilité, et ainsi de la résilience. Ce processus selon lequel des personnes déplacées, isolées, marginalisées reconstruisent ensemble un nouvel espace rêvé, s’illustre dans la naissance de la Housedance et House Music. »
Je suis Khoudia Touré, chorégraphe d’origine franco-sénégalaise. Baignée dans l’énergie du HipHop depuis mon adolescence, je me suis formée de façon autodidacte, à Paris puis à New York. Mon travail chorégraphique mêle une gestuelle hybride entre HipHop, Housedance, Krump, certaines danses traditionnelles du Sénégal et un travail au sol. J’ai la conviction que la danse est un moyen puissant de dépasser les frontières, ce qui m’a conduit, en 2023, à la création de la Compagnie KHOR. Au cours de ces dernières années, les résidences que j’ai menées en France et au Sénégal, m’ont amenée à la rencontre du milieu carcéral dans ces deux pays, ainsi que de lieux d’accueil de personnes ayant migré entre l’Afrique et l’Europe.
Suite à ces changements de territoire, elles m’ont ouvert à leur processus de survie pour se reconstruire une identité, une sociabilité, et se réapproprier un espace. J’ai pu assister à des moments ou la puissance thérapeutique de la danse prenait tout son sens. Ou elle permettait l’expression de la vulnérabilité, qui devenait ensuite un facteur de résilience.
Ce processus selon lequel des personnes déplacées, isolées, reconstruisent ensemble un nouvel espace rêvé, me questionne profondément. Cette recherche m’amène à une redécouverte de la culture HipHop, née de la volonté d’empowerment de communautés marginalisées aux États-Unis. Cette résidence à la Villa Albertine à Chicago me donne l’occasion unique de pouvoir explorer les racines profondes des origines de la Housedance et de la House music, dans la perspective de création de mon prochain spectacle.
Issue d’une famille métissée entre le Sénégal et la France, Khoudia Touré se construit dans le milieu HipHop de ces deux pays. Son travail chorégraphique commence en collectif, avec la Compagnie La Mer Noire, et les deux créations: « Gaou ! » et « Lowela ». Entre 2018 et 2020, Khoudia est nommée « Protégée » dans la catégorie Danse du programme Rolex Mentor and Protégé Arts Initiative. Elle a pour mentor la chorégraphe canadienne Crystal Pite. En 2022, elle travaille en tant qu’Artiste associée au Théâtre Louis Aragon pour l’écriture de sa première pièce « Óró ». A la rencontre de jeunes adultes de trois continents, ce spectacle invite sur scène les danseurs.es émergent.e.s qui ont participé au processus de création, allant du Nord du Sénégal, à Dakar, Vancouver, Tremblay et même Athènes. Khoudia travaille aujourd’hui comme Artiste associée au Théâtre de Corbeil-Essonnes. Elle s’illustre dans plusieurs compétitions internationales de renom en HipHop dans différent pays.
Mon projet consiste en une résidence d’un mois à Chicago en Juin 2026 : pour nourrir les recherches de ma prochaine création. La création musicale du spectacle sera mon point de départ. Je souhaite travailler à partir du freestyle, concept HipHop d’improvisation en réaction directe à la musique. Ainsi, la création d’une bande-son totalement originale et le travail de recherche occupent une part centrale de ce processus, dans l’idée de créer une forme d’opéra-concert et d’enrichir mes maquettes et pistes de bande-son à la fin de la résidence.
Dans le cadre de ces recherches, la résidence à la Villa Albertine me permet l’occasion unique de pouvoir « aller à la source » de l’émergence de la House music à Chicago. Intrinsèquement liée à la musique, la résidence me permettra d’explorer la HouseDance, en revenant aux intentions, au sens, à l’histoire de certaines gestuelles. La Résidence me permettra de m’immerger dans ces cultures afro-américaines, ou j’y décèle des rituels autour du cercle, du rapport à l’autre et à l’ancrage qui ont une portée symbolique se retrouvant dans de nombreuses cultures noires.
J’envisage de travailler par beaucoup d’immersion dans la ville, de visites de terrains, de rencontres avec des créateurs musicaux et des DJs, des lieux plus « underground » liés à la culture du clubbing, des espaces ou des groupes se rassemblent pour danser : les lieux d’entrainements par exemple, très emblématiques de la culture HipHop, notamment pour explorer le style du « Chicago Footwork ».
L’occasion de pouvoir mener cette recherche aux États-Unis est absolument unique et pour moi, très symbolique.
Une forme de « journalisme » émerge de mon processus de création, car imbriqué à la chorégraphie, j’intègre des enquêtes de terrain, fruits des rencontres avec les habitants des territoires ou je suis en résidence, et traces de leurs témoignages. C’est ce qui m’avait déjà conduit, lors de ma précédente création, « Óró », à interroger différents groupes de jeunes adultes à la croisée des continents européen, africain et américain.
Au cours de mon parcours d’artiste, les États-Unis ont été l’un des endroits les plus inspirants qui m’a permis de m’épanouir artistiquement, et de comprendre comment ma pratique s’inscrivait dans une culture plus vaste. Ma résidence intègrera musique et mouvement, mais aussi le besoin d’une immersion profonde dans les environnements qui inspirent mes pièces : cela notamment à un moment ou, dans la danse HipHop, les notions de mémoire et de préservation résonnent particulièrement.
Cette résidence permettra l’exploration du style de la HouseDance, véritable « melting pot » de différentes influences. Ce style est né de la culture du « clubbing » et du genre musical de la House Music, né au début des années 1980 entre NYC et Chicago. Son nom vient du « Warehouse », un club de Chicago où différents types de communautés marginalisées trouvaient un espace pour se retrouver, et échanger. Cette résidence me permettra de découvrir ces lieux mythiques. J’aimerais également réaliser des entretiens avec certains musiciens et artistes compositeurs de Chicago, afin de comprendre les intentions et l’histoire originelles de ce genre musical et de nourrir ma création.