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Juliette Tellier

Designer et scénographe
Printemps 2026

  • Design & Métiers d'art
  • New York

« Peut-on imaginer un rapprochement entre design et artisanat et une prise de distance avec l’industrie, pour une approche plus en phase avec notre époque ? »

Je suis designer. Ma démarche est ancrée dans une culture du faire : je dessine, je conçois, je fabrique ou j’édite. Mais je travaille tout autant dans les interstices – entre technique et récit, entre design et anthropologie. J’envisage souvent mes projets comme des enquêtes : je m’intéresse aux objets, aux gestes, à ce qu’ils racontent des sociétés qui les produisent, les utilisent ou les conservent.

J’ai un goût prononcé pour les objets modestes, les outils, les systèmes ouverts. Je m’attache autant aux formes matérielles qu’aux récits sensibles qui les traversent. Tout devient terrain d’observation : un atelier, une réserve de musée, une page web un lieu de fabrication. Je m’intéresse aux étapes d’élaborations ; d’hypothèses, de transmission ; à ce que l’on fabrique, mais aussi à la manière dont on le fabrique – à ce que cela dit de nos rapports au monde.

Je me sens proche des figures de designer-artisans, qui oscillent entre pensée critique et production concrète. La résidence à la Villa Albertine s’inscrit dans cette continuité : j’aimerai interroger ce que pourrait être un « design shaker » aujourd’hui. Il ne s’agira ni de pastiche ni de nostalgie, mais d’une tentative de dessiner, de fabriquer et de penser dans une économie locale, en dialogue avec les artisanats, les ateliers et les communautés actives aux États-Unis.

Établie entre Paris et la Puisaye (Bourgogne), Juliette est une designer transdisciplinaire. Diplômée en ébénisterie à l’École Boulle et en Design Industriel à l’ENSCI – Les Ateliers, sa pratique se niche au croisement des domaines qu’elle affectionne, design industriel, anthropologie, artisanat. Elle a travaillé dans des domaines variés, de la scénographie d’exposition au design d’objets en passant par l’archéologie expérimentale.

Je pars à la Villa Albertine avec l’envie de questionner ce que pourrait être, aujourd’hui, un design inspiré par l’éthique et la rigueur formelle des Shakers. Ce projet ne cherche ni à réactiver un style ni à idéaliser une communauté : il prend acte d’un désir contemporain, notamment chez les jeunes générations, d’une vie plus ancrée et plus sobre. Je veux explorer une manière de produire des objets ou du mobilier de manière alignée avec les aspirations d’une grande proportion des personnes de ma génération, dans une trajectoire locale, artisanale, engagée, vernaculaire, en somme plus écologique et moins mondialisée.

Cette résidence m’offre une opportunité de repenser la relation étroite entre artisanat, design et industrie. L’équilibre historique, avec un distinguo franc entre artisanat et design, avec les designers au service de l’industrie est-elle la seule voie possible ? Peut-on imaginer un rapprochement entre design et artisanat et une prise de distance avec l’industrie, pour une approche plus en phase avec notre époque ?

La résidence sera structurée en deux volets. Le premier, Panorama, prend la forme d’une enquête de terrain. Je souhaite rencontrer des designers, des artisan·es, des petites structures installées aux États-Unis afin de comprendre les conditions économiques, sociales et culturelles de la fabrication d’objets à échelle humaine. Quels sont leurs modèles de production ? À qui s’adressent-ils ? Existe-t-il encore des formes de design accessibles et ancrées localement ? Ce volet sera nourri de visites, d’échanges, d’observation – notamment dans des lieux où l’héritage shaker résonne encore : ateliers, musées, collections.

Le second volet, Catalogue, sera plus spéculatif et concret. Il consistera à imaginer une série de modèles – mobiliers, objets domestiques, outils – dont la production pourrait relever à la fois du design et de l’artisanat. J’aimerai tester des formes, des matériaux, des processus simples. M’inscrire dans une économie sobre, concrète et réaliste.

New York me semble être le cadre idéal pour ce travail. D’abord pour des raisons géographiques ; l’État de New York abrite plusieurs lieux clés liés à l’histoire des Shakers, comme le Shaker Museum à Chatham ou la collection présentée au MoMA. Ensuite, pour son écosystème vivant d’ateliers, de collectifs, de designers-fabricant·es, dans des quartiers comme Red Hook. Le passé industriel de Brooklyn résonne avec le projet que je porte : penser et produire en relation avec un territoire, avec ses mémoires ouvrières et ses réalités contemporaines.

Je souhaite rencontrer des artisans, designers indépendants, menuisiers, ébénistes, mais aussi des structures plus hybrides – studios, éditeurs, fablab, initiatives locales de micro-production. L’objectif est de comprendre comment on conçoit et on fabrique aujourd’hui à New York et dans l’est des États-Unis, dans une logique artisanale. De quoi vit-on ? Quels gestes sont transmis ? Quelle place le design peut-il occuper dans ces réseaux souvent marginaux, parfois précaires, mais toujours fertiles ?

Je m’intéresse également aux dynamiques sociales et culturelles à l’œuvre dans la ville : le retour des gestes manuels dans les pratiques artistiques, les questions de décroissance, d’économie locale, d’éthique du faire. New York est un point d’observation idéal de ces tensions.  C’est aussi un territoire où je pourrais, je l’espère, engagent un véritable dialogue de pratiques.

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