Hind Meddeb
Cinéaste
Mars-Avril 2026

- Cinéma
- New York
« A la mort de mon père, l’écrivain Abdelwahab Meddeb, je retrouve avec ma mère Amina, éparpillés dans ses archives, 79 carnets de notes et de voyages. Débute alors un long travail de transcription. »
J’ai grandi entre la France, le Maroc et la Tunisie. Ces années de circulation entre les cultures et les langues ont forgé la singularité de mon regard. J’ai étudié la philosophie, l’allemand et les sciences politiques à Paris et à Berlin. Je vis aujourd’hui entre Asilah et Paris.
À l’heure du printemps arabe, j’ai réalisé deux longs métrages sur la création musicale comme acte révolutionnaire, Tunisia Clash et Electro Chaabi.
Mon film Paris Stalingrad retrace l’itinéraire de Souleymane, jeune poète soudanais arrivé à Paris – il a été présenté à Cinéma du Réel, au TIFF et dans de nombreux festivals avant de sortir en salles en mai 2021.
Mon deuxième long métrage pour le cinéma, Soudan, souviens-toi, portrait au long cours d’une jeunesse soudanaise en quête de liberté, a été présenté à la Mostra de Venise et au Festival de Toronto avant de faire le tour du monde des festivals et de recevoir une quinzaine de prix. Courant 2025, ce film est sorti au cinéma en France, en Égypte, au Maroc, en Angleterre, aux États-Unis et en Tunisie.
Hind Meddeb est cinéaste. Son dernier film « Soudan, souviens-toi » a reçu une quinzaine de prix dans nombre de festivals à travers le monde, parmi lesquels, la mention spéciale du jury à DOC NYC, le prix de la meilleure réalisatrice au FIPA DOC, le Tim Hetherington Award au festival de Sheffield en Grande-Bretagne, le prix du public au festival du film de femmes de Cologne/Dormund et au festival Cine Africano de Tarifa, le grand prix au festival du film de femmes d’Assouan en Egypte, le Prix Movies That Matter au festival Zagreb DoX en Croatie, ou encore le Best film on human rights au festival Millenium à Bruxelles.
A la mort de mon père, l’écrivain Abdelwahab Meddeb, je retrouve avec ma mère Amina, éparpillés dans ses archives, 79 carnets de notes et de voyages. Débute alors un long travail de transcription. Plus que tout autre texte, ces textes révèlent l’homme qu’il était, un amoureux de la beauté et de la vie qui circulait entre les civilisations et les langues, décrivant ce qui rapproche les peuples plus que ce qui les sépare. Abdelwahab parcourt les lieux, s’y installe et tente de comprendre, chaque détail est scruté. Comme quand il circule dans cette ville-monde qu’est New York où il a habité, dans laquelle il reconnaît un cosmopolitisme en acte, et où il se sent enfin libre, débarrassé de son statut « d’ex-colonisé ». Ce sont aussi les peuples et les rencontres qu’il fait en chemin qui me frappent. Quand il nous embarque dans les quartiers populaires et qu’il avance là où personne ne va afin d’enregistrer la pulsation des bas-fonds. Là où règne la déchéance de la pauvreté, il ne détourne pas le regard et sans jamais céder au misérabilisme.
Ses carnets d’Amérique forment une matière à part, et mon séjour à la Villa Albertine va me permettre de les mettre en lumière. Au début des années 90, mon père enseigne la littérature comparée à l’Université de Yale. De nombreux séjours de travail, lui font parcourir la Californie et la côté Est. Ces voyages s’accompagnent d’une réflexion sur ce qu’il appelle « le statut de l’ex-colonisé » où il s’est souvent senti enfermé en France. En Amérique, il retrouve l’anonymat, il est un immigré comme les autres, il se sent plus libre. Il s’interroge sur les origines du 11 septembre, sur la relation de l’Amérique au monde arabe, sujet auquel il consacra un essai, La maladie de l’Islam. Inspiré par Sohrawardi un penseur persan du Moyen-Âge dont il a traduit en français le Récit de l’exil occidental, il revient constamment sur son propre itinéraire d’Oriental ayant choisi de s’établir en Occident.
Transcrire, photographier, filmer. Pour constituer la matière d’un film expérimental à venir.
Je reviens sur les traces des voyages américains de mon père l’écrivain Abdelwahab Meddeb, en reprenant le fil de ses marches méditatives, en filmant là où il est allé et en allant à la rencontre de ses amis américains et de ses amis exilés en Amérique. C’est avec Edouard Glissant qui a enseigné à Baton Rouge et à NYU, avec Alaa el Aswani, auteur de Chicago et aussi avec Manthia Diawara auteur de Bamako, Paris, New York qui ont comme lui fait l’expérience du séjour américain, qu’Abdelwahab s’interroge sur les conditions de l’exil occidental. J’aimerais reprendre le fil de cette conversation interrompue en rendant visite à Alaa Aswani à Chicago et à Manthia Diawara à New York et en retrouvant dans les carnets d’Abdelwahab en Martinique, ses conversations avec Edouard Glissant au Diamant, au moment où il s’y rendait pour participer au Prix Carbet de la Caraïbes. A de nombreuses reprises, j’ai été le témoin des conversations entre Edouard et Abdelwahab sur l’Amérique. A partir des archives de leur correspondance et des notes d’Abdelwahab, j’aimerais reconstituer le fil de ce dialogue interrompu par leurs disparitions respectives.
Je serai basée à New York où Abdelwahab a passé le plus de temps et à partir de cette ville rendre visite à Alaa El Aswani à Chicago, et me rendre à San Francisco et Los Angeles, villes sur lesquelles il a beaucoup écrit.
En partenariat avec

Dulac Distribution
https://www.dulacdistribution.com/