Skip to main Skip to sidebar

Karim Oyarzabal

Illustrateur
Avril-Juin 2025

©Karim Oyarzabal

  • Audiovisuel
  • Bande dessinée

« J’ai besoin de sentir le temps long et alors tout va très vite. Le voyage comme l’aventure sont d’abord intérieurs. Avec l’annonce de ce projet, c’est comme si tout avait déjà démarré. »

Depuis plus de vingt ans déjà, je me consacre à raconter des histoires.

Alors que je produisais des pièces de théâtre, tout démarrait par la rencontre souvent fortuite avec un texte, du sentiment d’urgence à le dire et d’un désir presque compulsif d’agir et de vivre. Il en a été ainsi pour La Boutique de l’Orfèvre du pape Jean-Paul II, sur le sujet du couple, de Cravate Club de Fabrice Roger-Lacan sur l’amitié, et de la presque totalité de mes projets.

Aujourd’hui, depuis quelques années déjà, j’ai délaissé le théâtre pour le dessin. J’illustre des articles de presse, j’écris et réalise des bandes dessinées et des animations. Mais sur le fond, rien n’a changé et le mode de fonctionnement est le même.

L’année dernière, alors que je me trouvais à la NASA à Houston, un astronaute me confiait qu’il voyait des éclairs lumineux chaque fois que sa station orbitale passait au-dessus de certains endroits précis de la Terre. Nous avons tous les deux compris, sans le dire, qu’il s’agissait des rayonnements cosmiques qui tapaient et détruisaient méthodiquement son nerf optique. Depuis, ce moment a fait son travail, et cette semaine, alors que j’écris ces lignes, je viens de finir le scénario d’une bande dessinée inspirée par cette rencontre.

En 2024, Karim Oyarzabal a été résident de la Villa Albertine à Houston aux États-Unis pour des recherches sur le projet de la NASA d’envoyer des humains sur la planète Mars. Karim est un ancien élève de l’École Polytechnique, promotion 86. Vingt ans plus tard, il rentre au Cours Florent et commence à produire et jouer des pièces de théâtre — une quinzaine en tout. Aujourd’hui, Karim habite Paris où il dessine, illustre des articles de presse et réalise des bandes dessinées.

Je travaillerai à réaliser une animation construite comme un poème symphonique.

Sur le porte-conteneurs MARIUS, lors de la résidence, je capterai les sons mécaniques, les sonneries, les filins qui claquent, les pistons des moteurs, des vérins, des portes, des cliquets, des commandes, etc.

Puis aussi bien sûr, je remplirai mes carnets de croquis. Je serai naturellement curieux de comprendre le fonctionnement de tel moteur, des grues, de leurs cycles et des mécanismes issus des esprits des ingénieurs. J’aurai à cœur d’écouter l’équipage sur ces sujets.

L’autre axe de recherche sera de capter ce qui est organique et naturel : la mer omniprésente, le soleil et les étoiles, les traces du vent, la traînée du bateau ou les hommes à bord.

Ce ne sera pas une animation documentaire, mais bien une fiction poétique. Petit à petit, un navire imaginaire et son voyage prendront corps.

Ce navire-là sera silencieux, léger, et voguera en harmonie avec la mer et sa nature. Les dauphins et les baleines nous salueront.

Aujourd’hui, l’économie bleue est mise au défi avec la prise de conscience aiguë du réchauffement climatique et de l’impact des activités humaines sur l’équilibre écologique de la planète.

Pour les porte-conteneurs, les sujets sont nombreux et en premier lieu, la pollution des moteurs à pétrole et leur efficacité énergétique. Mais aussi la pollution sonore, la gestion des déchets et des eaux de ballast, les collisions avec les dauphins et les baleines, ou l’impact des infrastructures portuaires sur l’environnement côtier.

Cette année, au printemps, la troisième conférence des Nations Unies sur les Océans nous rappelle à nos responsabilités. Le programme est ambitieux. Il s’agit de faire évoluer le secteur tout en prenant en compte ses contraintes économiques, c’est-à-dire sans casser l’outil de travail. Ce n’est pas gagné.

Qui sait d’où viendra le salut. Mais il viendra. En tout cas, il me semble important de vivre en pensant qu’il viendra.

J’ai besoin de sentir le temps long et alors tout va très vite.

Je sais aujourd’hui que je partirai environ deux mois sur le porte-conteneurs MARIUS pour travailler sur ce projet. Ce navire transporte jusqu’à 2 500 de ces caissons métalliques remplis de denrées diverses.

Ma traversée démarrera à Papeete en Polynésie française, puis filera en Australie, pour revenir par le Pacifique Sud jusqu’au canal de Panama, et ensuite remonter jusqu’à Philadelphie, sur la côte Est des États-Unis.

Mais le voyage comme l’aventure sont d’abord intérieurs. Et avec l’annonce de ce projet, c’est comme si tout avait déjà démarré.

Je me suis déjà mis en route. C’est ma façon de travailler. Je lis, dessine, étudie, regarde des films autour de la marine et de la mer dans ses aspects les plus larges. Je viens de finir le récit par Stefan Zweig du voyage épique de Magellan. Je souhaite me rendre au musée de la Marine pour consulter des archives de plans de bateaux.

Alors, comme la végétation pousse d’une terre fertile, des bribes d’histoires ou de scènes se forment dans mon esprit. C’est à moi alors de réagir, de les prendre en notes ou de les croquer en esquisses. À nouveau, je suis l’otage de mon énergie vitale. Je ne sais jamais à l’avance dans quel sens elle va me pousser.

Vous voyez, je suis déjà parti.

Inscrivez-vous pour recevoir toute notre actualité en exclusivité