Louisa Babari

Mon projet prendra la forme d’une enquête de terrain à New York, qui constituera la base de l’écriture ultérieure d’un récit de fiction et à la création d’un dispositif multimédia (installation sonore, vidéo et photographies). Intitulé Un risque de confusion, mon projet relate la rencontre de Daria, une femme d’origine russe avec Karim, un homme de main du réseau mafieux russe à New York. Dépositaire du récit à la première personne, par la voix de Daria, j’engage une enquête de terrain qui inspire un dialogue fictif avec Karim Aliev à New York, invitant deux témoignages et deux expériences, qui révèlent à leur tour d’autres chroniques individuelles et communautaires dans la ville. Le titre du récit : Un risque de confusion fait allusion à la confusion d’être dans une mégalopole à la croisée de l’histoire, du territoire et de l’identité. La confusion à laquelle sont soumis les personnages dans leur capacité à intégrer des mondes nouveaux, à se fermer aux mondes anciens, à vivre et penser dans une langue étrangère, dans une ville américaine. Un risque de confusion narre des expériences, des rencontres et des évènements personnels, des relations sociales, professionnelles et amoureuses. Dans cette perspective, mon séjour à New York sera l’occasion de rencontrer un réseau d’interlocuteurs issu de ces communautés et/ou en lien avec elles.

Le projet déploiera donc une série d’entretiens, d’enregistrements sonores issus d’interviews et d’émissions de radio, de textes et de photographies dans une approche fictionnelle et documentaire et abordera les thèmes suivants : quelle est notre façon d’appartenir à une culture et à intégrer à une autre ? Comment cohabiter avec la mémoire des conflits, des traumatismes, des préjugés et discriminations ? Comment sommes-nous traversés par la violence sociale et politique capitaliste, les réseaux mafieux ? Comment se déploient nos stratégies de résistance aux dominations, aux préjugés et aux assignations ?

Un risque de confusion sera un texte – partition qui produira un dispositif multimédia. Il permettra de penser la création littéraire comme une suite de reprises, un enchaînement continu « d’œuvres ou de récits » où chacun s’inspire de la précédente tout en développant son originalité propre. Il s’agit donc d’un projet à l’intersection de plusieurs disciplines et de supports de création.

Mon projet s’inscrit dans la ville de New York. Les personnages principaux de mon projet, Daria et Karim, se rencontrent à la faveur de la ville. Karim est installé à New York depuis plusieurs années. Daria est un personnage de passage qui renoue avec une ville qu’elle a connu dans les années 1990. J’engagerai une enquête de terrain qui inspirera un dialogue fictif issu de la rencontre avec des gens issus de la communauté russe et/ou soviétique de New York. Je voudrais me reconnecter au territoire et déployer mes recherches sur d’autres réseaux et interlocutions que ceux que je détiens déjà. C’est bien un New York hors-sol qui se dessine dans le récit, un hors – continent pour les personnages. Mon projet investit une ville en clair-obscur, une terre d’extrêmes et de contradictions. Une ville – qui est un “entre monde” (Edward Saïd), un lieu d’immigration référent, de rêve, de réussite et d’espoir brisé. Le thème de l’ancrage territorial ou de la filiation tient une place complexe dans ma pratique, car il s’agit pour moi d’en multiplier les sources, de bousculer les appartenances, de m’émanciper, de partir de l’expérience, du « je », dans une multitude d’antagonismes. La ville de New York correspond à ces attentes, tant sa capacité à identifier l’Amérique et à en brouiller les évidences est importante. La contradiction de la distance et de la proximité qui opère à New York entre les deux protagonistes de mon récit, les pousse aux confins d’eux même et de la ville. Leur errance dans les rues, les bars et les restaurants de Downtown, Brighton Beach, Brooklyn ou du Queens, antichambres de leurs désirs et de leurs doutes annonce les limites spatiales du territoire, un danger, une catastrophe naturelle et intuitivement la fin de leur relation. Un Risque de confusion abordera en ce sens, une introspection et des questions que les Américains se posent eux-mêmes, dans un contexte de pandémie, de violence sociale et de crise économique.